Quel avenir pour les dépenses de santé ? edit

10 juillet 2013

Les dépenses publiques de santé et de soins de longue durée augmentent plus vite que le PIB depuis plusieurs décennies dans les pays de l’OCDE, et les nouvelles prévisions de l’organisation n’annoncent pas la fin de cette tendance ascendante qui concerne à présent aussi les BRIICS (Brésil, Russie, Inde, Indonésie, Chine et Afrique du Sud). Depuis 1970, le ratio dépenses/PIB a progressé de 3,5 points de pourcentage en moyenne dans la zone OCDE, pour atteindre environ 7 points de pourcentage en 2006-2010. D’après les prévisions de l’OCDE, il augmenterait dans les mêmes proportions au cours des 50 prochaines années, atteignant 9,5 % du PIB, même avec des mesures de maîtrise des dépenses plus efficaces que par le passé.

Sans ces mesures, le ratio de dépenses pourrait plus que doubler, passant de 6,2 % du PIB en début de période à 13,9 % en 2060. Dans les BRIICS, qui partent de bien plus bas avec un niveau de dépenses publiques de santé actuellement de l’ordre de 2,5 % du PIB en moyenne, ce ratio quadruplera pour atteindre environ 10 % en 2060 si rien n’est fait pour contenir les coûts, mais il doublera tout de même dans le cas contraire.

Les dépenses publiques de santé augmenteront sous l’effet du vieillissement de la population mais aussi de facteurs non démographiques, principalement la hausse des prix relatifs des services de santé et l’inflation des coûts due au progrès technique. En fait, la pression démographique que va exercer la part croissante de la population atteignant l’âge auquel les dépenses de santé augmentent très rapidement (à proximité du décès) sera vraisemblablement contrebalancée par le fait que les personnes âgées vieilliront en meilleure santé que par le passé et consommeront donc moins de soins. De même, il est peu probable que la hausse des revenus exercera une forte pression sur les dépenses futures car, jusqu’à présent, la demande de soins de santé a toujours augmenté moins vite que le revenu.

En réalité, quel que soit le degré de réactivité des dépenses de santé aux variations du revenu, les effets conjugués de la démographie et du revenu n’expliquent qu’une petite partie de la croissance des dépenses publiques de santé enregistrée dans le passé. Par conséquent, bien qu’ils soient importants pour comprendre les différences dans les niveaux de dépense d’un pays à l’autre, les effets démographiques et de revenu ne contribueront que pour une part relativement modeste à la croissance globale des dépenses, en moyenne, au cours des 50 prochaines années. La hausse des prix relatifs et le progrès technique – véhiculé par bon nombre des politiques et institutions de santé actuelles — sont sans doute bien plus à même d’expliquer à la fois la dérive passée des dépenses de santé et leur augmentation future.

Chose intéressante,  la structure par âge des dépenses publiques de santé va radicalement changer elle aussi au cours des prochaines décennies. En 2010, la tranche d’âge des 65 ans et plus absorbait 40 % de ces dépenses, alors qu’elle représentait 15 % de la population. En 2060, elle représentera 30 % de la population totale et absorbera près de 60 % des dépenses. Cette évolution est uniquement à mettre au compte des effets démographiques car les effets non démographiques sont censés concerner tous les groupes d’âge dans la même proportion. En d’autres termes, la démographie n’est pas un déterminant majeur de la croissance des dépenses de santé, mais elle va induire un profond changement dans la structure de ces dépenses.

La demande croissante de soins formels de longue durée contribuera à la hausse prévue des dépenses publiques totales de santé. Avec l’allongement de l’espérance de vie, il y aura davantage de personnes dépendantes dans la population puisque leur nombre augmente fortement à partir de l’âge de 75 ans. Le vieillissement en bonne santé pourrait avoir un effet modérateur sur la demande, mais trois facteurs non démographiques devraient largement contribuer à la croissance des dépenses de soins de longue durée : la hausse des prix relatifs des soins, la hausse des revenus et l’évolution de la demande de services publics de soins de longue durée, laquelle devrait augmenter à mesure que la prise en charge par les familles diminuera en raison de la progression des taux d’activité parmi les seniors, surtout les femmes.

Dans la plupart des pays, la hausse des prix relatifs des soins de longue durée due à l’augmentation des coûts unitaires de main-d’oeuvre dans un secteur où le potentiel de gains de productivité est par nature faible sera le principal déterminant des dépenses. En l’absence de mesures de maîtrise des coûts, le ratio dépenses publiques de soins de longue durée/PIB devrait augmenter en moyenne de 1,4 point de pourcentage entre 2010 et 2060 dans les pays de l’OCDE et d’un peu moins dans les BRIICS. Si de telles mesures sont mises en oeuvre, ce ratio augmentera tout de même de 0,8 point de pourcentage en moyenne sur la période, dans les pays de l’OCDE et dans les BRIICS.