Que doit-on attendre de Copenhague ? edit

23 octobre 2009

La prochaine conférence de Copenhague sera-t-elle un succès ? Tout dépendra de la politique intérieure des États-Unis et de la configuration générale des forces en présence au niveau international, en particulier les problèmes posés par les pays émergents, Chine et Inde. Ces deux facteurs sont d’ailleurs liés.

La prochaine conférence des parties à la Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique qui doit se tenir à Copenhague suscite beaucoup d’espoirs. Au vu des derniers rapports du Groupe intergouvernemental d’études sur le climat, la nécessité de prendre des mesures aboutissant à une réduction des émissions de gaz à effet de serre semble évidente. De plus, l’élection de Barack Obama a amplifié les attentes de tous ceux qui souhaitent ardemment que la communauté internationale s’engage à réduire les rejets de gaz qui contribuent au réchauffement climatique. Durant la campagne électorale, Obama s’était engagé à rompre avec la politique climatique de George W. Bush, à relancer le processus de négociations internationales et à faire voter des mesures internes engageant les États-Unis dans un processus de réduction des émissions de gaz à effet de serre.

Toute mesure de protection du climat se doit inévitablement de viser à faire baisser la consommation des carburants et combustibles d’origine fossile et, de manière concomitante, à accroître les prix de ces produits. Or l’industrie ainsi que les consommateurs américains sont habitués à des prix de l’énergie en général bien plus bas qu’en Europe. Toute augmentation des prix associée à des politiques climatiques va donc se heurter à l’hostilité de certains producteurs d’énergie qui ne veulent pas voir leurs productions diminuer ainsi qu’à celle des consommateurs, industries et particuliers qui seront fortement touchés dans leur structure de coûts ou leur pouvoir d’achat. Pendant longtemps, une coalition de ces d’acteurs a pu s’opposer avec succès aux tentatives de l’administration Clinton pour imposer des restrictions d’émissions de gaz à effet de serre. Elle a aussi combattu le Protocole de Kyoto et a ensuite pu convaincre le président Bush d’abandonner toute velléité de participer à des efforts de politique climatique à l’échelle internationale.

Un argument qui a eu beaucoup de résonnance aux États-Unis porte sur le fait que, dans le protocole de Kyoto, des pays importants comme la Chine, l’Inde et le Brésil n’étaient soumis à aucune obligation de réduction de leurs émissions. Or, la Chine a déjà probablement dépassé les Etats Unis en tant que principal émetteur de gaz à effet de serre et toutes les projections semblent indiquer que les pays émergents vont contribuer de manière massive à l’avenir au changement climatique.

La Convention cadre des Nations-Unies sur le changement climatique a été construite sur la base d’un principe de responsabilité commune mais différenciée suivant la part des différents pays quant à ses causes (art. 4 du traité). Cette disposition a entrainé une absence d’engagements de réduction de la part des Etats en développement et des Etats émergents, position qui a été réaffirmée dans le protocole de Kyoto. Les Etats émergents comme la Chine ou encore plus l’Inde n’ont jusqu’à maintenant montré aucune envie de renoncer à l’avantage qui leur est ainsi donné, même si un engagement de leur part ne devrait se situer que dans un avenir de dix ou de vingt ans. Bien plus, la Chine a suspendu tout engagement à la condition que les pays industrialisés et particulièrement les Etats-Unis démontrent d’abord qu’ils vont effectuer des efforts substantiels de diminution des émissions.

On le voit, le processus est dans une véritable impasse. Aux Etats-Unis, l’argument selon lequel le pays serait injustement touché par des restrictions, alors que des pays importants comme la Chine et l’Inde y échapperaient, reste déterminant. Cela même si certains des lobbies opposés à toute réglementation ont perdu de leur puissance en raison de la crise économique et agissent aujourd’hui souvent en ordre dispersé. Il ne faut pas oublier qu’aux États-Unis c’est en définitive le Congrès et non le président qui décide. Convaincre le Congrès de se rallier à une règlementation internationale qui laisse de côté des pays comme l’Inde et la Chine est pratiquement mission impossible. Restera-t-on pour autant dans cette impasse ?

Non, car le président Obama a développé une stratégie relativement raisonnable pour en sortir. Le Président Clinton avait choisi de miser d’abord sur l’international dans les années 90 et de faire suivre la politique interne après. Or cette façon de faire avait suscité l’opposition très forte du Congrès. Obama a opté au contraire pour le développement en premier lieu de mesures nationales. L’élaboration de celles-ci se fait d’ailleurs en parallèle avec des négociations qui ont lieu entre les États-Unis, la Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde.

L’administration Obama a déjà réussi à faire passer la loi Waxman Markey à la chambre des représentants. Cette loi prévoit un système de permis négociables semblable à celui qui existe déjà au sein de l’Union Européenne pour les industries majeures. Une mesure similaire va bientôt être discutée par le Sénat, toujours plus difficile à convaincre dans ce domaine. Malgré tout, le président a marqué des points en obtenant le ralliement du sénateur républicain de Caroline du Sud Lindsay Graham. Il y a donc bon espoir de voir une loi climat adoptée dans un avenir rapproché, peut-être pas suffisamment tôt pour être présentée à Copenhague mais probablement peu après.

Qu’en est-il de la Chine et de l’Inde ? La loi Waxman Markey et la version du Sénat présentée par le démocrate John Kerry et le républicain Lindsay Graham prévoient la mise en place de tarifs contre les pays qui n’imposeraient pas des restrictions d’émissions. Comme des velléités semblables existent en Europe, la Chine et l’Inde sont mises sous pression pour accepter certaines formes de réduction de leur production de gaz à effet de serre. Ces pressions seront-elles suffisantes ? Elles pourraient être accompagnées de carottes sous la forme de facilitations de transferts de technologie, une idées évoquée par Todd Stern, le négociateur principal des États-Unis sur le climat. D’autre part, les États-Unis sont en meilleure posture pour influencer la Chine pour deux raisons : leur déficit commercial avec la Chine est important et, n’ayant pas ratifié le Protocole de Kyoto, ils ne sont pas liés par la clause qui réaffirme l’absence d’obligations de réduction pour les pays émergents.

Quelles sont les implications pour Copenhague ? On peut s’attendre au vu de ce qui précède non pas à une percée spectaculaire mais du moins à une feuille de route qui établirait le principe d’un objectif mondial de réductions d’émissions auquel même les pays émergents seraient soumis. Cet objectif serait réalisé au moyen d’une coordination très étroite entre les systèmes de permis négociables européens déjà existants et américains prévus dans les versions de la Chambre et du Sénat. Entre les deux, une nouvelle mouture du mécanisme de transfert de technologie vers les pays émergents par le biais de l’obtention de crédits de réduction d’émissions par les entreprises américaines et européennes serait mise en place. Il s’agit là d’un résultat beaucoup plus limité que celui qui était peut-être attendu. Cependant, si un objectif mondial applicable à la plupart des pays était adopté, un obstacle de taille à la coopération internationale sur le climat serait contourné. On aboutirait alors à un accord international large mais relativement peu profond. Mais, ici aussi, large et peu profond est plus efficace qu’étroit et très contraignant.