Ce qu’il faut craindre en 2016 edit

5 janvier 2016

La croissance est revenue. Très modeste, mais après quatre années de quasi stagnation, tout est bon à prendre. C’est un signe des temps, que l’on en vient à se réjouir d’une croissance attendue entre 1% et 1,5%. C’est un autre signe des temps que l’on se demande aussitôt quelles sont les mauvaises surprises à redouter. Le plus déprimant, c’est qu’il ne manque pas de raisons de s’inquiéter.

Commençons par la France. Il y a, bien sûr, les attentats terroristes. Un 13 novembre n’est pas un événement économique en soi. Certes, les touristes étrangers se font un peu rares en ce moment, mais ce n’est pas significatif à l’échelle globale. À condition que l’on en reste là. Mais que d’autres attentats aveugles se produisent, et la Tour Eiffel risque de ressembler aux pyramides de Giza. Certes, Paris n’est pas la France, mais aucune région ne resterait indemne. Comme le tourisme est l’une des grandes spécialités de la France, le choc serait alors réel. Il faut espérer que François Hollande sait ce qu’il fait avec l’état d’urgence. Peut-être est-ce nécessaire pour la sécurité, mais il est difficile de croire que cela doit durer des mois. Se présenter comme le Père de la France dans une période dangereuse peut payer dans les urnes, et encore les Français risquent de se lasser, mais le message adressé aux touristes potentiels est désastreux.

Continuons par l’Europe. Voici quelques mois que l’on n’entend plus parler de la Grèce. Cela ne signifie pas que le problème soit réglé. La dette grecque est gigantesque. Alexis Tsipras joue les bons élèves, mais il ne pourra jamais faire ce que l’on exige de lui. Un jour ou l’autre, et ce sera en 2016, la Commission va constater que les réformes ne sont pas appliquées, ou qu’elles sont en panne, les deux sans doute. Si le ministre des Finances allemand, Wolfgang Schaüble, ressort alors le Grexit de ses cartons, la crise va revenir. On peut se dire qu’une sortie de la Grèce, suivie d’un défaut sur sa dette, ne constitue pas un événement économiquement majeur. Comme son poids économique est faible et sa dette est détenue par les banques locales et les institutions européennes, les marchés financiers pourraient bien rester placides. Ou pas. Alors, le consommateur européen, tout juste rassuré, pourrait replonger dans l'appréhension et la croissance retombera.

Si l’on regarde plus loin, les motifs d’inquiétude ne manquent pas non plus. Après six ans de taux d’intérêt nuls et des injections massives de liquidité, la Fed a mis en route le processus de normalisation. Son plan est une remontée très graduelle des taux d’intérêt et un retrait progressif des liquidités. Même ainsi, les masses considérables d’épargne qui s’étaient placées dans les pays émergents vont se réduire. Le reflux vers les États-Unis et, en général, vers les pays développés, est déjà en cours. Les pays qui ont trop emprunté en dollars à taux zéro commencent à sentir la pression. Que le mouvement s’accélère et on parlera à nouveau de crise. On sait la Corée et la Malaisie très vulnérables et le Brésil est déjà en situation précaire.

Il faut aussi surveiller la Chine. Les chiffres officiels sont rassurants, trop sans doute pour être fiables. Au mieux, son taux de croissance a été divisé par deux, au pire la croissance s’est arrêtée. Les investissements industriels des années folles 2009-2014, qui représentaient la moitié du PIB, un niveau jamais vu, ont laissé un lourd héritage de capacités de production excessives. Très logiquement, la bourse de Shanghai a sérieusement tangué cet été. Les autorités ont réagi en persécutant le messager et ont ressorti un arsenal classique de punition des « spéculateurs ». On se rassure en se disant que la Chine n’est pas vraiment une économie de marché et que les autorités ont tous les leviers en main. C’est vrai, elles peuvent étouffer dans l’œuf toute crise financière, mais masquer le problème ne permet pas de le résoudre. Une Chine moribonde n’est vraiment pas une bonne nouvelle.

Pour couronner le tout, la mollesse de la croissance mondiale a fait chuter les prix des matières premières, dont le pétrole. Pour les pays importateurs, c’est un vrai cadeau, une rare source de croissance, jour après jour. Mais ce n’est pas sans risque. Les pays exportateurs souffrent et tous n’ont pas les reins solides. Les pays fragiles, comme le Nigéria, l’Algérie, le Venezuela ou le Brésil pourraient plonger dans la dépression économique avec des conséquences politiques aussi inquiétantes que contagieuses. Une Russie aux abois économiques pourrait être tentée de faire diversion avec des aventures militaires. Poutine a démontré son habileté manœuvrière et son goût des paris risqués.

Rien n’est jamais sûr, y compris les catastrophes. Il peut aussi y avoir des bonnes nouvelles. Les États-Unis redeviennent la locomotive économique du monde et le sans-faute de la Fed depuis la crise financière de 2008 est particulièrement rassurant. Il est probable que la Grande-Bretagne servira aussi de petite locomotive. La Commission européenne semble avoir remisé pour de bon sa passion pour les politiques d’austérité. Avant les élections, l’Espagne allait plutôt bien et pourrait continuer sur sa lancée. On peut encore se souhaiter une bonne année.