Jeunesse: Hollande apporte-t-il les bonnes réponses? edit

15 février 2012

François Hollande a décidé de faire de la jeunesse un axe fort de sa campagne. Mais ses propositions peuvent-elles améliorer le sort des jeunes en difficulté ? Sont-elles en mesure d’introduire plus d’équité dans les destins sociaux des deux jeunesses qui divergent de plus en plus ?

Ce programme se concentre sur trois mesures phares : le contrat de génération qui vise à lier l’embauche d’un jeune au maintien dans l’emploi d’un senior en exonérant de charges sociales ces emplois, les « emplois d’avenir » dans les associations ou le secteur public (revus à la baisse : 150 000 d’ici 2013) et l’embauche de 60 000 enseignants.

Dès sa présentation, des critiques ont été formulées à l’encontre du contrat de génération, y compris dans le camp socialiste, notamment sur le risque d’effet d’aubaine. L’argument est que des dizaines de milliers de jeunes étant recrutés chaque année par les entreprises, bon nombre d’entre eux bénéficieront de cette mesure alors qu’ils auraient été recrutés de toute façon. Mais attardons nous sur un autre aspect qui concerne plus directement l’intérêt de la mesure pour les jeunes les plus en difficulté qu’il est urgent d’aider à retrouver leur place dans la société. Pourront-ils prendre appui sur cette mesure ? Un premier élément de réponse est à rechercher dans les déclarations du candidat lui-même : parle-t-il d’orienter le dispositif vers les jeunes les moins qualifiés ?

Les déclarations sur le type de public jeune visé sont en fait très floues et assez contradictoires. Dans la présentation des 60 mesures du candidat il n’est fait état d’aucun ciblage particulier. Dans la dernière mouture du projet, il est précisé que les exonérations de charges concerneront les entreprises de moins de 50 salariés. Mais en contrepartie, les exonérations sur les bas salaires, qui ont démontré une certaine efficacité pour faciliter l’embauche de travailleurs non qualifiés et notamment de jeunes, sont supprimées dans les entreprises de plus de 50 salariés qui n’auront pas signé un accord (François Hollande attend un gain de 2 milliards d’euros de cette suppression qui lui permettra de financer la mesure dans les petites entreprises). Au bout du compte, tout ceci ressemble un peu à un jeu de bonneteau : on supprime les exonérations d’un côté, on les instaure de l’autre, globalement les jeunes, et surtout les jeunes sans qualifications, vont-ils vraiment y gagner ?

Il semble en tout cas que pour que le principe d’une transmission de qualification d’un senior à un jeune puisse fonctionner, il est indispensable que le jeune en question ait un socle minimum de compétences scolaires et sociales. Comme souvent avec ce type de dispositif, on peut craindre un effet d’éviction des jeunes les moins qualifiés par ceux qui disposent d’une qualification. Un des problèmes majeurs de la jeunesse en France, est cette éviction de plus en plus implacable des jeunes les moins qualifiés. Il paraît peu vraisemblable que le contrat de génération le résolve.

Ceci conduit évidemment à examiner le volet éducation du projet de François Hollande. En effet, la racine du mal est bien là : des jeunes, environ 20% d’une classe d’âge, sortent du système éducatif initial, sans ces bases indispensables à l’exercice d’un métier quel qu’il soit. Il y a donc urgence à porter remède à ce mal français de l’échec scolaire. Le programme de François Hollande à ce sujet repose essentiellement sur une mesure forte : l’embauche de 60 000 enseignants ou personnels para-scolaires. Cette mesure affichée comme l’axe principal du programme éducatif du candidat introduit un certain doute sur la volonté politique de réforme, car la rhétorique des moyens (plus de postes) est depuis longtemps l’alibi du conservatisme des syndicats enseignants. Combien de réformes, parfois excellentes, n’ont-elles pas été combattues au nom de cette insuffisance des moyens ? Adopter le thème des moyens comme projet politique n’est donc pas très bon signe.

Lutter contre l’échec scolaire suppose pourtant, bien au-delà des « moyens », de repenser complètement la manière d’enseigner qui est restée, dans notre pays, très académique, très « verticale », très orientée par la problématique du classement. Le discours qu’a prononcé le 9 février François Hollande sur l’éducation sonnera sans doute agréablement aux oreilles des professeurs, présentés comme les victimes de l’actuelle politique du gouvernement. Suffira-t-il à les mobiliser pour repenser leur conception du métier, alors qu’on a vu, ces dernières années, leur grande réticence, dans bien des disciplines, à mettre en œuvre le socle commun de compétences qui va dans le sens de cette conception élargie de l’éducation ? La question d’un certain degré d’autonomie des établissements, rejetée radicalement par François Hollande se pose également. C’est une tendance générale d’évolution des systèmes éducatifs et les études internationales montrent une corrélation positive entre l’autonomie des établissements, notamment dans le domaine du recrutement des enseignants, et les résultats des élèves.

Au regard de cette nécessité d’adaption, le programme de François Hollande pour l’éducation paraît bien timide. Certaines orientations vont dans le bon sens, comme le fait de vouloir faire une priorité de l’école primaire. Mais l’ensemble manque singulièrement d’ambition notamment sur l’évolution du métier d’enseignant qui est un point central. Il y a un effet d’affichage qui est certainement populaire (le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite dans le domaine de l’éducation est une des mesures du bilan de Nicolas Sarkozy qui a été le moins comprise) mais qui risque de créer l’illusion chez l’ensemble des acteurs que, simplement plus de moyens suffiront à améliorer les performances, très insuffisantes, du système éducatif.

Le dernier volet du programme jeune de François Hollande concerne les emplois d’avenir pour faciliter « l’insertion des jeunes dans l’emploi et l’action des associations, en priorité dans les quartiers populaires » (proposition 34). En fait, c’est la reprise de la formule des emplois jeunes du gouvernement Jospin. On ne peut manquer de se demander si on ne propose pas là simplement une voie de garage aux jeunes non qualifiés qui ne pourront être concernés en grand nombre par le contrat de génération : une reproduction du destin des deux jeunesses ? L’objectif n’est même pas sûr d’être atteint, car si on s’en souvient, les emplois jeunes n’avaient pas bénéficié aux jeunes les plus défavorisés, et d’autre part les évaluations montraient que la mesure ne procurait pas, à profil comparable, d’avantage significatif dans l’accès à l’emploi.

François Hollande a choisi de s’adresser à la jeunesse comme une classe d’âge unifiée en lui proposant des mesures symboliquement fortes - l’entraide entre générations, un effort en faveur de l’éducation – censées lui redonner confiance et permettre de renouer un lien singulièrement distendu entre elle et la société française. Ce faisant, il privilégie des mesures relativement globales et assez classiques (de la dépense publique) plutôt que des réformes structurelles (de l’école, du marché du travail). Le risque est que cette politique d’affichage qui peut être électoralement efficace ne produise pas beaucoup de résultats substantiels et laisse encore à l’écart les jeunes les plus en difficulté.