Le PS vient de se réconcilier avec la Ve République edit

3 octobre 2009

Ce qui vient de se passer au Parti socialiste est crucial, non seulement comme transformation de son rôle et de son fonctionnement mais aussi comme potentialité de transformation du régime politique lui-même à travers le mécanisme de l’élection présidentielle. En outre, cette réforme du parti socialiste, embourbé depuis longtemps, lui permet de repartir de l’avant. Encore faut-il qu’il soit capable d’assurer le suivi de cette réforme.

L’adoption d’une procédure de primaire ouverte aux sympathisants pour désigner le candidat socialiste à l’élection présidentielle marque un moment très important dans la dynamique d’adaptation du Parti socialiste à la Ve république. Elle confirme que la présidentialisation du régime politique français ne laisse aux partis politiques dont l’objectif majeur est l’exercice du pouvoir pas d’autre choix que leur implication croissante dans le mécanisme général de l’élection présidentielle. Le fait que les adhérents socialistes aient voté en faveur de leur propre dépossession du pouvoir de désigner leur candidat montre la force de la dynamique de présidentialisation de leur parti et l’évolution des mentalités à propos du rôle des partis dans l’organisation de cette échéance majeure. Les partis ne peuvent plus, s’ils veulent jouer un rôle important dans l’élection présidentielle, monopoliser ce rôle à leur seul profit. Ils doivent contribuer à la démocratisation de cette élection en laissant les électeurs non seulement choisir leur président mais aussi… leur candidat.

Reste que l’organisation de la primaire socialiste n’est pas une mince affaire. Les pièges sont multiples et les causes potentielles d’échec nombreuses. Or, un échec de ce parti dans l’organisation de cette première primaire pourrait avoir pour lui des conséquences désastreuses. Ayant opté, à juste titre, en faveur de la primauté donnée à l’élection présidentielle dans le fonctionnement de notre système politique, il a en quelque sorte brûlé ses vaisseaux. En acceptant son destin présidentiel, il ne pourra se retirer sur une position parlementaire. Il doit donc réussir à tout prix cette première primaire.

C’est ici que les difficultés commencent, pour au moins quatre raisons. La première est que pour relever ce défi, le parti doit l’affronter avec détermination, ouverture et unité. Il doit faire de cet enjeu son objectif principal, donc être capable de réaliser un large accord interne sur les trois questions centrales que sont le calendrier, les modalités et le degré d’ouverture à d’autres partis. Or plusieurs cadres importants du parti, pour des raisons diverses, ont subi plutôt que voulu cette réforme. Vont-ils en freiner la mise en œuvre ?

La seconde difficulté réside dans ce qui reste d’esprit de parti chez les socialistes : pourront-ils s’ouvrir suffisamment, c'est-à-dire en en payant le prix, à d’autres partis, notamment les écologistes, voir le centre ou voudront-ils limiter le processus de la primaire au seul parti socialiste ? Nul doute que la première solution, plus difficile à réaliser, plus risquée, est aussi la plus porteuse pour l’avenir. Mais le Parti socialiste a toujours eu du mal à s’élargir, à se recomposer, à rejeter son intégrisme organisationnel.

La troisième difficulté réside dans le calendrier. La réussite d’une primaire nécessite qu’elle puisse se dérouler sur une période suffisamment longue pour que l’opinion publique puisse découvrir tous les candidats et se faire une opinion sur eux. Il faut donc que les moins connus des candidats puissent lutter à armes égales avec les ténors du parti. Il n’est donc pas certain que ceux-ci acceptent un calendrier long. Or le succès de la primaire dépend entièrement de l’intérêt et de la mobilisation des électeurs : il faut donc que le processus mis en place leur permette d’opérer le choix le plus ouvert possible dans une période de temps suffisamment longue. Il doit s’agir d’un processus et non d’un simple vote.

La dernière difficulté est dans les modalités. Quelles que soient celles retenues, nul doute que les sondages d’opinion y joueront, comme en 2007, un rôle essentiel. Les socialistes n’aiment pas beaucoup les sondages et une certaine gauche, politique et savante, a depuis plusieurs décennies stigmatisé de manière permanente leur pratique et leur utilisation. Pourtant, les socialistes devront accepter clairement leur contribution à la course d’obstacles que sera la primaire. Ils devront donc changer non seulement leurs règles de fonctionnement mais aussi leur approche « théorique » et politique de l’opinion publique dans son rapport avec le « parti de militants ». N’en déplaise à beaucoup, il s’agit en réalité de penser autrement la question de la démocratisation des régimes représentatifs. Ici encore, la partie est loin d’être gagnée. Mais encore une fois, à partir du moment où le Parti socialiste vient de s’engager de manière décisive dans la voie du recours à l’opinion publique, il aurait grand tort de ne le faire qu’à moitié et de tenter de reprendre d’une main ce qu’il a donné de l’autre. Finalement, le gage de la réussite pour le Parti socialiste est d’assumer complètement le pas décisif qu’il vient d’accomplir, sans peut-être en avoir totalement mesuré ni la portée ni les conséquences.