Législatives partielles: la droite maîtresse du jeu edit

21 mars 2016

Les trois élections législatives partielles qui viennent de se dérouler confirment en les amplifiant les quatre tendances électorales constatées lors des consultations précédentes : l’affaiblissement du Parti socialiste, l’éclatement de la gauche, la substitution au niveau électoral du clivage droite/extrême-droite au clivage gauche/droite comme clivage principal et enfin la domination de la droite de gouvernement. Certes, il faut souligner que ces trois élections partielles avaient lieu dans des circonscriptions détenues par la droite et que la participation y a été particulièrement faible (entre 22 et 34% au premier tour). Il convient donc de commenter ces résultats avec une certaine prudence. Cependant, les évolutions enregistrées sont telles qu’elles annoncent à coup sûr un réalignement de grande ampleur des structures électorales aux élections législatives de 2017.  

L’effondrement du Parti socialiste apparaît comme un phénomène majeur. Dans les trois circonscriptions en jeu, la dixième du Nord, la deuxième de l’Aisne et la deuxième des Yvelines, ce parti a perdu au premier tour, en pourcentage des suffrages exprimés, plus de la moitié de ses voix, passant respectivement entre 2012 et 2016 de 31% à 11%, de 35% à 15% et de 30% à 13%. Compte tenu de la règle des 12,5% des inscrits nécessaires pour se maintenir au second tour, il a été éliminé deux des trois circonscriptions, y étant nettement devancé par la droite et par l’extrême-droite. Il n’a pu se maintenir dans la troisième que parce qu’il était arrivé en seconde position. Ces résultats annoncent une marginalisation du Parti socialiste en 2017 et, de manière générale, son élimination au premier tour dans un nombre considérable de circonscriptions.

Au second tour, le candidat socialiste, Tristan Jacques, a rassemblé 28% contre 72% pour le candidat LR, Pascal Thévenot. En 2012, le candidat socialiste avait obtenu 41% des suffrages exprimés contre Valérie Pécresse. Seule consolation, il semble avoir bénéficié d’un report massif des voix de gauche non socialistes du premier tour.

L’éclatement de la gauche se poursuit et s’accentue. Dans chacune de ces circonscriptions, on compte cinq candidats de gauche, le Front de gauche ayant disparu et les communistes et les Verts se présentant sous leurs propres couleurs. Or, à l’exception des candidats socialistes, aucun de ces candidats ne dépasse 7% des suffrages exprimés, ce qui laisse peu de chances à ces partis de faire élire des candidats en 2017. Cet éclatement se double d’un rééquilibrage électoral entre le PS et les autres formations de gauche : alors qu’en 2012 les candidats du PS arrivaient très nettement en tête de la gauche au premier tour, l’ensemble de la gauche non socialiste, elle-même très fragmentée, rassemble au premier tour de ces trois élections à peu près autant de voix que le Parti socialiste. Le leadership du PS sur la gauche est donc clairement remis en cause alors que la coupure entre la gauche de gouvernement et la gauche radicale semble désormais avérée. Du coup, la vocation gouvernementale du Parti socialiste est remise en question, faute de disposer d’un électorat potentiel suffisant et de pouvoir rassembler la gauche sous sa direction.

Ces élections confirment surtout le phénomène capital de substitution du clivage droite/extrême-droite au clivage gauche/droite comme principe d’organisation du fonctionnement du système partisan. En effet, dans deux des trois circonscriptions, le candidat du FN écrase le candidat socialiste et progresse avec 25% dans le Nord contre 18% en 2012 et 29% dans l’Aisne contre 16% en 2012. Dans les Yvelines, terre de faiblesse de ce parti, la candidate socialiste ne devance le FN que de quatre points, 13% contre 9%. La gauche semble désormais représenter à peine un tiers de l’électorat. Sa faiblesse électorale jointe à ses divisions organisationnelles rendront sa situation particulièrement difficile en 2017.

La droite de gouvernement, en l’occurrence les Républicains, obtient des résultats très satisfaisants et devance très largement tous les autres candidats. Dans le Nord, la candidat LR obtient au premier tour 47% des suffrages contre 25% en 2012, (mais elle était alors en concurrence avec un candidat divers droite, ancien RPR, qui recueillait 13%). Dans l’Aisne, le candidat LR recule de trois points, de 39% à 36%, du fait notamment de la présence d’un candidat divers-droite qui obtient 6%. Dans les Yvelines, il est stable à 46%, le candidat du FN n‘obtenant que 9%, soit son score de 2012. Dans tous les cas, les candidats LR arrivent largement en tête du scrutin, dépassant le FN de huit points dans le Nord, de vingt-et-un points dans l’Aisne et de trente-sept points dans les Yvelines !

Le second tour a opposé dans deux des trois circonscriptions les Républicains au Front national alors qu’il les opposait à trois candidats PS en 2012. Dans la dixième circonscription du Nord, Vincent Ledoux, le candidat LR, l’a emporté avec 68% des suffrages exprimés contre 32% à la candidate du FN. Dans la deuxième circonscription de l’Aisne, Julien Dive, le candidat LR, l’a emporté par 61% contre 39%, la candidate FN augmentant son score de dix points. L’analyse de ce second tour fait ressortir la position électorale dominante que paraît devoir occuper la droite de gouvernement dans la période à venir. Elle se trouve en effet au centre du jeu. Dans les deux circonscriptions où elle était opposée au FN, les socialistes ont fait voter pour elle et elle semble avoir largement bénéficié du report des voix de gauche, passant de 46 à 72% dans le Nord et de 36 à 61% dans l’Aisne. Dans les Yvelines, ce sont les électeurs du FN qui sont venus au second tour voter contre la gauche en donnant leurs voix à la droite. Le score du candidat LR, Pascal Thévenot, est passé en effet entre les deux tours de 46% des suffrages exprimés à 72%, alors que l’ensemble de la droite et de l’extrême-droite représentait au premier tour près de 70%. La position centrale occupée aujourd’hui par la droite devrait lui permettre ainsi, grâce au mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours, d’obtenir une majorité écrasante  à l’Assemblée nationale en 2017.

Certes, le résultat de la prochaine élection présidentielle et la personnalité du nouveau président exerceront une influence importante sur le résultat des élections législatives qui auront lieu dans la foulée. Mais, dans la mesure où la droite de gouvernement devrait également la remporter, les tendances décrites ci-dessus s’en trouveront renforcées plutôt qu’affaiblies. Dans le nouveau paysage électoral qui se dessine, la question, pour la gauche comme pour le FN, sera alors de savoir quelle stratégie adopter pour tenter de bousculer le quasi monopole de la représentation que la droite s’apprête à conquérir.