OGM : une affaire européenne edit
A la lumière des articles publiés dans les média sur les OGM, il est difficile d’avoir une vision claire de la situation juridique des OGM en France. Quel est le rôle de l’Europe, que peuvent faire les autorités nationales ? Le régime juridique applicable aux OGM semble mystérieux. Or le paradoxe est que ce n’est pas faute de transparence. Les informations, les décisions et les avis de l’Agence européenne de sécurité alimentaire sont publics et tous ces documents sont accessibles par internet. Un bel exemple de la difficulté à communiquer sur un sujet complexe et compliqué ! Embarquons-nous donc dans une tentative de clarification afin de discerner les enjeux essentiels de ce dossier.
La culture des OGM en plein champ fait l’objet de deux législations différentes : d’une part le régime « directive » de la directive 2001/18/CE qui a remplacé la directive 90/220/CE qui concerne tous les OGM, d’autre part le régime « règlementaire » du règlement 1829/2003/CE qui concerne seulement les OGM a destination de l'alimentation animale ou humaine. Dans les deux cas, les OGM cultivés en plein champ en Europe doivent faire l’objet d’une autorisation européenne.
Pour ce qui concerne la directive 2001/18/CE, l’autorisation est donnée par un Etat membre. Cette autorisation est alors valable pour l’ensemble de l’Union Européenne. C’est ainsi que le maïs MON810 a reçu en 1998 une autorisation sous le régime « directive » donnée par la France. Mais la firme Monsanto a choisi pour le renouvellement de son autorisation expirant en 2006 de se placer sous le régime « réglementaire ». C’est principalement ce dernier régime qui régit aujourd'hui les OGM cultivés à des fins d’alimentation animale. L'autorisation est alors donnée par une décision de la Commission.
L'autorisation donnée, il est possible en vertu du principe de précuation d'invoquer la fameuse clause de sauvegarde. Il s'agit de permettre aux Etats membres de réagir en cas de menaces pour l'environnement ou la santé humaine. Si des informations scientifiques nouvelles montrent une nocivité potentielle d'un OGM autorisé, il est alors possible pour les autorités nationales de prendre des mesures provisoires de suspension de la commercialisation ou des cultures. Mais il faut insister sur le fait que seules des informations scientifiques peuvent soutenir l'activation de cette clause. Il n'est pas possible de faire état d'éléments socio-économiques ou d'options politiques.
C'est qu'en effet, la législation européenne vise à donner à l'Union un régime commun vis-à-vis de la culture des OGM. La décision politique a été de faire en sorte qu'une autorisation soit valable pour l'ensemble de l'Union et que sa suspension ou son retrait relève de ce régime communautaire. Ce choix politique peut être mis en cause mais rappelons qu'il a été fait par les Etats membres et par le Parlement.
En réalité, ce choix est intimement lié à la position commune que doit adopter l'Union dans le cadre des négociations commerciales. L'Union Européenne doit faire face à un contentieux devant l'OMC précisément pour les entraves apportées par divers Etats Membres dans la commercialisation des OGM. Ces entraves ont en effet été considérées comme incompatibles avec les règles de l'OMC et la Communauté s'est engagée à se conformer à ces règles au plus tard en février 2008 ...
Il faut bien admettre que certains Etats font plus que traîner les pieds dans cette affaire. A l'évidence, les opinions publiques européennes ne se sentent pas totalement prêtes à voir apparaître chez eux ce type de produits et de cultures. L'Allemagne, la Hongrie, la Grèce, l'Autriche, le Luxembourg ont fait usage de la clause de sauvegarde et ont engagé une guérilla administrativo-politique afin de faire durer le plus possible une situation d'exception. Certaines clauses ont été levées, la France a de son côté annoncé qu'elle entendait suspendre la culture du MON810. Mais dans ce débat, force est de constater que des éléments scientifiques solides sont loin d'être à portée de main : si tel était le cas la législation actuelle donnerait pleinement satisfaction aux opposants.
Face à cette situation juridique, une question se pose : pourquoi des études scientifiques indépendantes des industriels n'ont pas été engagées par les Etats membres qui veulent démontrer la nocivité des substances en question ? Jusqu’ici l’activation en ordre dispersé de clauses de sauvegarde montre bien la difficulté à donner corps à la notion de risque scientifique avéré. La Cour de Justice a rappelé maintes fois que le principe de précaution ne s’applique pas sur une base d’hypothèses.
Cette affaire illustre parfaitement une des difficultés majeures à laquelle l’Union doit faire face. L’Union est d’abord une communauté de droit. C’est le respect de règles communes qui est le ciment de l’unité européenne. Mais que ce passe-t-il lorsque l’état de l’opinion publique dans certains pays rejette un choix politique majoritaire et non consensuel ? La question des OGM est bien une affaire européenne.
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