Les sympathisants socialistes et l’alliance avec LFI edit

5 septembre 2024

Le PS a réaffirmé son choix de coller à LFI et d’exiger la nomination de Lucie Castets à Matignon ce qui a rendu impossible la nomination de Bernard Cazeneuve. Olivier Faure, sachant que l’option Castets est exclue, préfère donc la solution d’un Premier ministre de LR qui dépend du soutien du Rassemblement national à celle d’un ancien Premier ministre socialiste. Il n’est pas dans mon intention de commenter ici cette lourde décision politique, mais de tenter d’en mesurer l’impact sur les sympathisants du Parti socialiste. Comment ceux-ci réagiront-ils demain, lors de nouvelles élections, au choix de la direction du parti de préférer l’alliance avec LFI et l’opposition à la participation à un gouvernement de concentration républicaine dirigé par un socialiste qui a été le Premier ministre de François Hollande ? 

Un rejet de LFI qui est d’abord un rejet de Mélenchon

Notons d’abord que les sympathisants du Parti socialiste ont des attitudes particulièrement négatives à l’égard de LFI. Comme le montre le tableau 1 ils estiment très majoritairement que LFI est un parti d’extrême-gauche, qui attise la violence et qu’il est dangereux pour la démocratie[1]. Ils ne le croient pas capable de gouverner et ne souhaitent pas vivre dans la société qu’il leur propose d’établir. Ces attitudes rejoignent celles des Français dans leur ensemble.

Tableau 1. Attitudes des sympathisants socialistes à l’égard de LFI. % des réponses « Oui » (%)

Source : IPSOS.

Ce rejet de LFI est d’abord un rejet de la personnalité qui le dirige, Jean-Luc Mélenchon. C’est ce que montre le tableau 2. Parmi les 19 personnalités politiques testées, les sympathisants socialistes ont placé parmi les cinq premières du classement trois socialistes ou proches du PS. Raphaël Glucksmann arrive largement en tête avec 88% d’opinions favorables. Olivier Faure est en troisième position avec 62% tandis que Gabriel Attal est en cinquième position avec 48%. Jean-Luc Mélenchon arrive, lui, en quinzième position avec seulement 13%. L’écart entre Raphaël  Glucksmann, hostile au NFP et Jean-Luc Mélenchon est donc considérable. Chez l’ensemble des personnes interrogées Raphaël Glucksmann arrive en cinquième position avec 35% et Mélenchon en dernière position avec 13%. Les sympathisants socialistes rejettent ainsi le leader de LFI dans les mêmes proportions que l’ensemble des Français. Gabriel Attal y occupe la première place avec 44%.

Tableau 2. Jugements favorables portés sur 19 personnalités politiques par les sympathisants socialistes et par l’ensemble de l’échantillon. Classement des cinq premiers et de Jean-Luc Mélenchon

Les sympathisants socialistes estiment très majoritairement que Raphaël Glucksmann ferait un bon Premier ministre (65%) alors que Jean-Luc Mélenchon, avec 7% de réponses positives, est en queue de liste (tableau 3)[2]. Dans l’ensemble de l’échantillon, Raphaël Glucksmann arrive en cinquième position et Jean-Luc Mélenchon en dernière, également avec 13%. Attal obtient, lui, 44% de réponses positives. Remarquons qu’aucune personnalité socialiste n’y dépasse 27%.

Tableau 3. Classement des sympathisants socialistes et de l’ensemble de l’échantillon. (%). Réponses « ferait un bon Premier ministre »

Ne sont reproduites dans ce tableau que les réponses concernant les onze principales personnalités de gauche et Gabriel Attal parmi les 40 personnalités testées. Harris Interactive 19/20 aout 2024.

Les contradictions apparentes des sympathisants socialistes à propos des coalitions gouvernementales possibles

On aurait pu penser à la lecture de ces données que les sympathisants socialistes rejetteraient la formule du Nouveau Front Populaire, exprimant une nette préférence pour Raphaël Glucksmann, qui rejette l’alliance de gouvernement avec LFI et rejetant la personne de Jean-Luc Mélenchon et portant un jugement très critique sur son parti. Or 88% d’entre eux estiment que la coalition du NFP est souhaitable, 43% l’estimant à la fois souhaitable et possible et 45% souhaitable mais pas possible (tableau 4). Comment expliquer une telle contradiction ?

Une partie de l’explication pourrait être que l’attitude positive à l’égard du NFP traduirait avant tout l’attachement à l’unité de la gauche et non pas le souhait d’une alliance avec LFI. Remarquons ainsi que 77% seraient favorables à une coalition comprenant tous les partis de gauche moins LFI mais avec Ensemble, 42% l’estimant même également souhaitable et possible. Toutes ces données sont ainsi difficiles à interpréter. Elles traduisent en tout cas une grande confusion due à l’extrême-difficulté, chez les sympathisants socialistes, à dénouer la contradiction résultant de leur rejet de LFI et, en même temps, de leur attachement à l’union de la gauche.   

Tableau 4. Attitudes des sympathisants socialistes et des Français sur les différentes coalitions gouvernementales possibles

IPSOS

Quelle stratégie serait la plus payante électoralement ? Si nous admettons qu’Olivier Faure incarne l’union avec LFI et Raphaël Glucksmann le refus de cette union, une enquête Harris Interactive des 7 et 8 juillet 2024 offre des éléments de réponse s’agissant du premier tour d’une élection présidentielle. Dans l’hypothèse où le candidat socialiste serait Olivier Faure, son score serait de 5%. Si Raphaël Glucksmann était le candidat il obtiendrait 14%. Il semble donc que l’option de l’autonomie stratégique serait nettement plus productive.

S’il s’agissait d’élections législatives, beaucoup dépendrait du mode de scrutin en vigueur. L’adoption d’un mode de scrutin proportionnel, changement qui apparaît aujourd’hui possible, qui permettrait au PS de conquérir une autonomie stratégique, serait probablement nettement plus rentable électoralement qu’un accord de premier tour avec LFI qui est contraint par le mode de scrutin majoritaire à deux tours, comme on l’a vu lors des dernières élections européennes. Le sondage Ipsos montre d’ailleurs que les trois quarts des sympathisants socialistes sont favorables à l’adoption de la proportionnelle pour les élections législatives. À cela il faut ajouter que la question des relations avec LFI est devenue si conflictuelle au sein du Parti socialiste, qu’un éclatement à terme de ce parti ne peut pas être exclu. Dans ces conditions, si la proportionnelle était adoptée, les deux stratégies pourraient se voir opposées sur le terrain aux prochaines élections législatives. On pourrait voir alors laquelle des deux permet d’obtenir l’électorat le plus nombreux.

[1] Les données des tableaux 1, 2 et 4 sont extraites de l’enquête IPSOS-CEVIF 30 août 2024. Échantillon de 11204 personnes.

[2] Sondage Harris Interactive. 19/20 aout 2024. Échantillon 1084 personnes.