Bernard Manin, notre ami edit
Notre ami Bernard Manin s’est éteint dans la nuit du 31 octobre au 1er novembre. Lors du Covid et du confinement, nous avions pris l’habitude de nous réunir tous les cinq sur Zoom, le samedi, pour discuter de l’actualité et de tous les autres sujets qui nous passaient par la tête, le plaisir de la conversation à l’état pur. Bernard était souvent le plus silencieux d’entre nous, mais quand il prenait la parole, c’était étincelant : l’humour, la distance, la clarté, la profondeur, la pertinence, l’érudition, la modestie. Toutes ces qualités ont séduit ses collègues et ses étudiants comme elles ont nourri son œuvre. Bernard publiait peu, tant son goût pour la perfection l’empêchait de considérer qu’un livre ou un article était terminé. C’était devenu un sujet de plaisanterie entre nous. Bernard pouvait passer des semaines à peaufiner une phrase ou à améliorer une note de bas de page, comme il passait des centaines d’heures à préparer ses cours à Sciences Po ou à NYU, qui éblouissaient les étudiants. Cette passion pour le mot juste et cette patience du concept expliquent que ses articles et ses livres sont presque tous devenus des classiques, à commencer par Principes du gouvernement représentatif (1995), traduit dans de nombreuses langues, qui a renouvelé la réflexion sur la démocratie représentative.
Au soir de sa vie, sensible au temps qui reste, Bernard a consenti à publier de nombreux inédits, qui dormaient parfois dans sa bibliothèque depuis quarante ans, et qui n’ont pas pris une ride. Il a pu voir le premier des quatre livres que les éditions Hermann publient, celui sur Montesquieu, dont Gérard Grunberg rend compte dans les colonnes de Telos. Les trois ouvrages suivants porteront sur la délibération politique, le libéralisme, et la Révolution française. Et il y a encore, n’en doutons pas, quelques pépites qui sommeillent dans ses archives. Ses réflexions sur la démocratie représentative, la délibération et le principe du contradictoire, comme sur le libéralisme sont d’une actualité brûlante dans ce moment singulier où les démocraties vacillent et où le citoyen bien informé semble une espèce en voie de disparition. Son regard lucide et bienveillant nous manquera terriblement pour comprendre cette Amérique qui a de nouveau succombé au trumpisme.
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