Comment faire le ménage dans les banques ? edit
La boucle diabolique entre la solvabilité du système bancaire et la position souveraine budgétaire est désormais apparente. En Grèce, l’insolvabilité de l’Etat a fait sombrer les banques ; en Espagne, ce sont les banques qui font chavirer l’Etat.
Ce qui est commun à ces deux pays est la fuite des épargnants quand ils voient les banques et la dette souveraine s’étayer mutuellement. Sauf si les banques en Grèce et en Espagne sont vite recapitalisées, les retraits progressifs pourraient tourner rapidement à la panique bancaire, avec des conséquences difficiles à imaginer.
Dans le cas des banques espagnoles, les énormes capitaux dont elles ont besoin ne pouvaient être fournis que par une institution européenne, le Mécanisme européen de stabilité (MES). De même, étant donné que l’Etat grec n’est pas en mesure de soutenir ses banques, seul le MES peut sauver le système bancaire grec. Dans les deux cas le MES, la BCE et les banques centrales nationales devraient ensuite prendre le contrôle des banques qu’ils ont recapitalisées, via un nouveau véhicule ad hoc (dans lequel interviendraient des experts de l’Autorité bancaire européenne).
Pour le moyen terme, la création d’un Fonds européen d’assurance-dépôts et de résolution (FEADR) pourrait rendre le système bancaire européen plus résistant aux chocs nationaux et à la contagion. Cependant, la crise en Grèce et en Espagne menace la survie du système actuel et exigent donc une solution immédiate, avant que la solution à long terme ne soit rendue opérationnelle. Le véhicule ad hoc utilisé pour une intervention immédiate en Espagne et en Grèce pourrait ensuite être fusionné dans le futur FEADR.
Les propositions de la Commission semblent à nouveau d’être un cas de «trop peu, trop tard». L’idée d’une coassurance entre les systèmes nationaux de garantie des dépôts pour les banques avec des activités paneuropéennes pourrait être utile. Mais cela suppose qu’il restera des groupes bancaires pan-européens dans la zone euro. Or la balkanisation du système bancaire de la zone euro progresse désormais si rapidement que cela pourrait bientôt ne plus être le cas. En outre, aujourd’hui, le problème vient de banques locales, à la fois en Grèce et en Espagne (où les banques actives au niveau international ne semble pas avoir été fortement impliquées dans les prêts immobiliers). En Irlande, les pertes provenaient de banques dont la plupart avaient surtout des activités locales.
Traiter les banques en difficulté est un sujet difficile, car chaque pays est un cas particulier. Le thème général qui se dégage dans tous les cas, c’est qu’une approche européenne est nécessaire lorsque l’Etat est trop faible pour garantir ses banques. Les détails varient d’un cas à l’autre. Mais le principe général est clair: plus profond sera le trou, plus l’Europe devra prendre de risques. Cela est inévitable étant donné l’intérêt vital de l’ensemble de l’UE pour empêcher l’effondrement du système bancaire dans n’importe quel pays membre. En outre, les contribuables de la zone euro ont déjà pris des risques importants, compte tenu de l’énorme montant des crédits de la BCE aux banques de ces pays.
Les principes généraux qui devraient être appliqués dans tous les cas sont simples.
Tout d’abord, le secteur privé devrait être impliqué, en particulier dans les cas d’insolvabilité. Les parts des actionnaires doivent être diluées et les détenteurs agressifs de la dette devraient contribuer, soit en prenant leur perte, soit via des swaps d’endettement.
Le principe du moindre coût devrait être suivi. Cela signifie que l’autorité de résolution doit choisir la méthode de résolution dans lequel le montant total des dépenses et du passif est maintenu à un minimum.
Une prise de décision réactive est essentielle. La procrastination ne conduit qu’à une accumulation de pertes encore plus élevées et donne aux créanciers privés le temps d’échapper à leurs pertes, au détriment des Etats et de la BCE.
Enfin, la résolution exige un changement dans la gouvernance en alignant l’intérêt de la gestion avec ceux qui portent le risque après la résolution, à savoir les pouvoirs publics.
Compte tenu de ces principes, nous proposons ce qui suit.
1. Les banques espagnoles ne sont recapitalisées qu’après la reconnaissance intégrale des pertes.
Le superviseur espagnol a clairement échoué à reconnaître la profondeur de la récession sur le marché immobilier local. Cela n’est pas surprenant. Tous les bulles immobilières se développent sous la prémisse que «cette fois c’est différent», ou plutôt que «ce pays est différent». Les bilans de toutes les banques espagnoles doivent être réévalués en fonction d’un scénario crédible pour le secteur de l’immobilier (ce qui signifie une nouvelle baisse importante des prix des logements et des taux de pertes plus élevés sur les prêts hypothécaires compte tenu de la récession en cours.
La décision la plus difficile porte alors sur le montant de la participation du secteur privé. Il y a bien sûr un cadre juridique national à cet effet dans le cas d’une insolvabilité formelle, mais il n’est généralement pas respecté parce que certains groupes de créanciers sont politiquement trop importants. Sur l’étendue de la participation des créanciers privés, la décision doit être prise directement par le MES car cette institution sera en mesure de soupeser les avantages d’avoir à injecter moins de capital sur le potentiel d’une déstabilisation du système bancaire de la zone euro. (En revanche, dans le cas de l’Irlande, le gouvernement national devait supporter tout le coût de la prévention d’une déstabilisation potentielle du système bancaire par le biais d’une perte imposée aux détenteurs d’obligations seniors.)
Une fois que cela aura été fait et que le MES sera convaincu que les cajas (caisses d’épargne espagnoles) restructurées sont solides, elles pourraient être admises immédiatement à un régime européen de garantie des dépôts. Une intervention décisive du MES doit donc être suffisante pour rétablir la confiance dans le système bancaire espagnol et enrayer la fuite des dépôts qui a déjà atteint des proportions alarmantes.
2. Endiguer la fuite des dépôts en Grèce
Ici, le système bancaire a été mis en faillite par le souverain. Les banques grecques détiennent des obligations de l’Etat grec pour une valeur (nominale) équivalant à plus de 200% de leur capital. Le système bancaire grec a donc dû être recapitalisé dans le cadre de l’Initiative sur le secteur privé. La solution la plus simple aurait été la nationalisation (suivie d’une re-privatisation une fois que le programme d’ajustement aurait réussi à stabiliser l’économie). Cependant, tout le monde a convenu que l’Etat grec constituerait le pire de tous les propriétaires possibles du système bancaire du pays (même pour une période intérimaire). Compte tenu de la restriction auto-imposée selon laquelle le FESF ne peut prêter aux Etats, cela a conduit à une recapitalisation par l’intermédiaire d’actions de préférence, ce qui implique que les risques sont portés par les contribuables européens, sans aucun contrôle.
En réalité, le système bancaire grec a de facto des fonds propres négatifs si l’on met ses créances sur le gouvernement sur une base mark-to-market, et si l’on prend en compte les pertes qu’il continue de subir sur son portefeuille de prêts, pertes qui augmentent à mesure que la récession s’aggrave. La solution doit donc être semblable : le MES (via son véhicule ad hoc) devrait prendre en charge le système bancaire, dégager les actionnaires existants et assumer le plein contrôle.
La question-clé dans le cas de la Grèce est, cependant, la façon d’endiguer la fuite des dépôts en cours, qui est nourrie par la crainte que le pays pourrait être contraint de quitter l’euro. Il n’est bien sûr pas possible d’étendre un dépôt de garantie européenne pour les déposants grecs car alors les incitations pour le gouvernement serait claires : s’il réintroduit la drachme et ne convertit que les prêts dans la nouvelle monnaie, le coût sera supporté par le Fonds européen d’assurance-dépôts.
Cependant, ne rien faire signifie que les retraits actuels pourraient bientôt se transformer en une panique bancaire. Le plus simple est peut-être donc de faire au nouveau gouvernement grec l’offre suivante. Le MES / FEADR pourrait fournir une assurance partielle des dépôts de détail (par exemple jusqu’à 10% du maximum) à condition que le gouvernement s’engage à mettre en œuvre le programme d’ajustement (et se qualifie donc pour un soutien financier supplémentaire). Chaque année, le gouvernement continue à mettre en œuvre le programme d’ajustement et le plafond de la garantie pourrait être augmenté. Mais la totalité de la garantie serait perdue si le gouvernement décidait d’arrêter la mise en œuvre et de quitter l’euro. Cette combinaison créerait immédiatement ce qui a manqué jusqu’ici en Grèce : un mandat fort pour un ajustement réel. Jusqu’à présent, les employés du secteur public et les retraités ont été incités à voter contre « l’’austérité » afin de protéger leur revenu. Grâce à cette garantie partielle des dépôts, des millions de gens pourraient voter différemment pour protéger leurs économies.
Une version anglaise de cet article est publiée sur le site de notre partenaire VoxEU.
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