France : comment dépenser mieux ? edit
La redistribution des revenus en France est l’une des plus élevée dans la zone OCDE. La France est aussi l’un des rares pays de l’OCDE où les inégalités de revenu après impôts et transferts sont restées globalement inchangées entre 1985 et 2008, et même en légère hausse depuis une décennie. Le système de transferts est en effet la clé de voûte du système de redistribution des revenus en France puisqu’environ 70 % des revenus redistribués transitent par ce canal. Les dépenses sociales - y compris les dépenses publiques consacrées à la famille, les aides au logement et les prestations de chômage, les pensions de réversion et d’invalidité et les politiques actives du marché du travail - représentent 10 % du PIB (hors niches fiscales et sociales), ce qui place la France au septième rang des pays de l’OCDE.
L’efficacité du système pourrait être améliorée à bien des égards, par exemple pour atteindre le même degré de redistribution à moindre coût. Le système est complexe puisqu’il existe environ 60 programmes de dépenses (sans compter les quelques 90 régimes de retraite et de pensions de réversion). Une telle complexité accroît les coûts administratifs, et le manque de transparence qui en résulte freine le recours aux prestations. Se pose en outre un problème général de cohérence globale du système car certains transferts se chevauchent et les programmes ne sont pas toujours élaborés conjointement, faute de coordination entre les différents échelons de gouvernement. On observe un manque d’harmonisation en ce qui concerne tant les revenus pris en compte pour le calcul des transferts sous condition de ressources que les plafonds appliqués et les périodes de référence retenues. Par exemple, pour le calcul du RSA activité, c’est par exemple le revenu perçu au titre du trimestre précédent qui est pris en compte tandis que pour la prime pour l’emploi, c’est le revenu perçu au titre de l’année N‑1 (antérieure à l’exercice) qui sert de référence, et que pour l’attribution des aides au logement, c’est le revenu de l’année N‑2.
Une meilleure efficacité du système pourrait passer par un renforcement du volet incitatif des prestations sociales et de chômage, sans amplifier ex post les inégalités de revenu. L’adoption en 2009 du revenu de solidarité active (RSA), pierre angulaire du vaste système d’aide sociale, a contribué à rationaliser le réseau complexe de prestations sociales qui existaient auparavant. L’une des ambitions de la réforme était d’obliger les bénéficiaires à rechercher activement un emploi et à participer à des programmes de formation. L’application du volet incitatif reste cependant limitée: certains bénéficiaires du RSA socle ne sont nullement conseillés et le suivi est insuffisant. Au lieu d’être pris en main par un conseiller unique de Pôle emploi, les bénéficiaires du RSA socle sont également conseillés par d’autres organismes, dont la sécurité sociale et les collectivités locales. Début 2012, les sanctions pour le non‑respect des obligations de recherche d’emploi des bénéficiaires du RSA socle ont été durcies. Cette mesure est bienvenue, mais son application systématique reste à vérifier.
S’agissant des prestations de chômage, la durée maximale de deux ans va de pair avec un taux de remplacement uniforme pendant cette période. Depuis 2008, le refus d’une deuxième offre d’emploi jugée « raisonnable » est en théorie sanctionné par la suspension de l’indemnisation pendant deux mois. Cependant, l’absence de données disponibles ne permet pas de lever les doutes sur le fait que la suppression des prestations serait rarement appliquée en cas de refus d’offres d’emploi. Lorsque la croissance sera de retour, les incitations au retour à l’emploi pourraient être renforcées en appliquant aux prestations un taux de dégressivité, comme en Belgique ou en Suède, et/ou en en imposant plus strictement l’obligation d’accepter toute offre d’emploi jugée « raisonnable ». En même temps, l’efficacité de l’offre de service de formation devrait être augmentée.
Le système de prestations intègre encore des dispositions pouvant réduire l’offre de travail des seniors. D’abord, les travailleurs de 50 ans et plus qui ont acquis suffisamment de droits peuvent bénéficier des allocations de chômage pendant trois ans au lieu de deux en général. Deuxièmement, les chômeurs qui n’ont plus droit aux allocations de chômage ont accès, sous certaines conditions d’activité passée et de ressources, à l’allocation de solidarité spécifique (ASS), plus élevée dans certains cas que le RSA et qui permet d’accumuler des droits à la retraite. Enfin, les chômeurs de plus de 61 ans en fin de droits peuvent prolonger leurs indemnisations jusqu’à ce qu’ils puissent bénéficier de la retraite à taux plein. Pour relever le taux d’emploi des séniors et améliorer les incitations, il conviendrait d’aligner d’une part la durée d’indemnisation maximale de chômage des travailleurs âgés sur le régime général et d’autre part les indemnités de chômage longue durée (ASS et allocation équivalent retraite, AER), qui bénéficient en grande partie aux travailleurs âgés, sur le dispositif général de revenu minimum (RSA).
Néansmoins, le renforcement de l’activation pour les bénéficiaires de l’aide sociale pourraient encourager, sur la base d’observations dans d’autres pays, le recours aux pensions d’invalidité, qui sont plus élevées que l’aide sociale et qui présentent de moindres obligations. Pour empêcher ceci, il convient de veiller à ce que les politiques d’activation adéquates soient aussi mises en œuvre pour les bénéficiaires de ces pensions.
Les prestations familiales visent à encourager les couples à avoir davantage d’enfants et à préserver le niveau de vie des familles avec enfants conformément au principe de l’équité horizontale. On entend souvent dire qu’une telle politique est régressive sous l’angle de l’équité verticale car elle conduit à favoriser davantage les familles aisées avec enfants. Cependant, l’équité horizontale peut être atteinte sans amplifier les inégalités globales de revenus en appliquant un taux d’imposition marginal plus élevé aux foyers sans enfant qu’aux foyers avec enfants. Les études empiriques suggèrent que ces incitations financières, qui combinées à d’autres politiques familiales qui diminuent le coût d’élever des enfants, ont un effet tangible sur les taux de fécondité. En effet, on observe en France une concomitance entre un niveau élevé de dépenses consacrées aux politiques familiales, exprimées en pourcentage du PIB, et un fort taux de fécondité.
Cependant, les femmes sont confrontées à des désincitations à travailler, surtout quand elles sont jeunes et peu qualifiées. L’allocation de congé parental (congé de libre choix d’activité) telle qu’elle est conçue peut faire glisser les mères peu qualifiées dans une trappe à inactivité. Cette indemnité forfaitaire représente un taux de remplacement relativement élevé pour les salarié(e)s disposant de faibles revenus (cela peut durer jusqu’à six années consécutives pour le cas de ceux (celles) ayant trois enfants en six ans, après quoi il peut s’avérer très difficile de reprendre le travail). Il conviendrait donc de raccourcir la durée de cette allocation. En outre, la mutualisation des coûts des pensions de réversion peut aussi dissuader les seconds apporteurs de revenus de travailler plus longtemps. De telles pensions n’existent pas dans les pays comme le Danemark et les Pays‑Bas, tandis qu’en Suède, on peut choisir soit de recevoir une retraite moins élevée mais transférable en cas de décès, soit une retraite plus élevée mais non réversible. Enfin, l’imposition commune entre conjoints soumet les seconds apporteurs de revenus à des taux marginaux élevés lorsque les écarts de revenus entre conjoints sont importants. C’est pourquoi le gouvernement devrait adopter un système d’imposition individuelle, comme de nombreux pays de l’OCDE l’ont fait, afin d’encourager davantage l’activité des femmes peu qualifiées.
Parmi les pays de l’OCDE, la France consacre une part relativement élevée de son PIB aux aides directes au logement. Les transferts concernés sont l’aide personnalisée au logement (APL), l’allocation de logement social (ALS) et l’allocation de logement familial (ALF). Ce système est non seulement très compliqué, ce qui empêche les bénéficiaires potentiels d’en avoir une vue globale, mais il accroît en outre les lourdeurs administratives.
Une simplification importante permettrait d’améliorer la transparence du système et de supprimer les incohérences. L’une des pistes à explorer dans cette optique consisterait à fusionner toutes les prestations soumises, ou non, à des conditions de ressources (cette solution étant déjà actuellement en phase d’expérimentation au Royaume‑Uni) en une seule prestation, de façon budgétairement neutre.
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