Pour une rigueur sans austérité edit
Ce fut d’abord la Cour des Comptes qui l’a dit : non, la France n’atteindra pas les 3% du PIB pour son déficit 2013. Puis ce fut le FMI. Maintenant c’est la Commission européenne qui annonce ses propres chiffres. Pourquoi l’objectif ne sera-t-il pas atteint ? On va nous dire que c’est parce que la croissance est moins rapide que prévu. C’est exact, mais cela soulève deux questions. Pourquoi la croissance est-t-elle si faible, voire négative ? Pourquoi ne l’a-t-on pas prévu ? La réponse à la première question est : la politique d’austérité. La réponse à la seconde : la dénégation des effets contractionnistes de l’austérité.
En fait ces deux n’en font qu’une. Tous ceux qui prônent des politiques d’austérité budgétaire en situation de récession font face à un redoutable problème. L’austérité aggrave la récession, ou empêche toute reprise, ce qui a pour effet de réduire les revenus taxables et donc les recettes fiscales. Dans ces conditions, toute politique d’austérité décidée pour réduire la montée de la dette publique est vouée à l’échec. Si l’on veut quand même faire de l’austérité, il faut pouvoir expliquer pourquoi, et le plus simple est de nier l’évidence en affirmant qu’une telle politique n’est pas contractionniste. Pour cela on concocte des prévisions de croissance optimistes qui impliquent des rentrées fiscales irréalistes, et le tour est joué. Évidemment, il faudra un jour se rendre à l’évidence mais tout politique qui se respecte ne se refuse jamais une occasion de remettre les mauvaises nouvelles à plus tard. On ne sait jamais, un miracle peut arriver et la situation s’améliorera, ce qui permettra de crier victoire. Et si aucun miracle ne se produit, on compte sur la mémoire courte des électeurs pour faire passer la pilule.
Le gouvernement français n’est ni le premier, ni le dernier à jouer ce jeu. Il y a un plus d’un an, la Commission européenne, promotrice enthousiaste des politiques d’austérité, prévoyait pour la France une croissance de 0,6% en 2012 et de 1,4% en 2013 ; aujourd’hui elle annonce 0,0% en 2012 et 0,1% en 2013. La différence s’explique très largement par l’austérité qu’elle appelait alors de ses vœux en assurant que les effets seraient plutôt expansionnistes parce que la confiance reviendrait dès lors que la discipline budgétaire serait assurée. En attendant, toujours d’après la Commission, la dette publique de la France devrait atteindre 95% du PIB en 2014.
Et maintenant, que faire ? L’idéel serait de réussir à convaincre la Chancelière allemande que les politiques d’austérité sont contre-productives. Autant dire que l’espoir est plus que maigre, en tout cas d’ici les élections allemandes de septembre prochain. S’il faut faire avec, autant le faire intelligemment, c’est-à-dire lentement – freiner l’austérité – et efficacement. Cela veut dire rentrer progressivement dans le nouveau régime qui mettra un terme à quarante années de déficits budgétaires, la gabegie honteuse produite par tous les gouvernements qui se sont succédé et qui n’ont jamais eu le courage politique de dire la vérité (le déficit budgétaire doit être l’exception des mauvaises années, et non la règle) et de faire face à la multitude de groupes de pression qui se repaissent de cette permanente absence de rigueur. Le nouveau régime-minceur n’est pas de circonstance, il est appelé à devenir permanent.
Ce message est désormais arrivé à l’Élysée. Le risque est d’imaginer que de petits ajustements tactiques ici et là vont suffire. L’effort à faire est bien trop important pour cela. C’est une stratégie que le gouvernement doit développer et mettre très progressivement en place. Les décisions politiquement difficiles sont pour maintenant, la mise en œuvre pourra suivre lorsque la croissance sera revenue, en 2015 peut-être. D’ici là, l’essentiel n’est pas de plaire à Berlin ou à Bruxelles, mais de faire face aux lobbies qui vont se déchaîner, ce qui est bien plus difficile. Les fondamentaux de cette nouvelle stratégie sont bien connus, et incontournables.
Lorsque la pression fiscale atteint la moitié du PIB, s’évertuer à trouver des recettes supplémentaires est un non-sens économique. Taxer les riches peut flatter l’instinct de jalousie mais ne rapporte pas grand-chose, tout simplement parce qu’il y a trop peu de riches, et que leur nombre diminue lorsque les impôts augmentent. Taxer les entreprises ravit ceux qui se croient en guerre contre le capital, mais ce sont les entreprises qui créent des emplois comme se plaisent à nous rappeler le MEDEF et les Pigeons.
La conclusion inévitable est qu’il faut réduire les dépenses publiques, d’environ 10% du PIB. C’est possible, de nombreux pays l’ont fait, le Canada et l’Irlande par exemple. Mais cela signifie qu’il ne peut plus y avoir de vaches sacrées. Les effectifs, pléthoriques, de l’administration devront fondre, au niveau de l’État comme à celui des collectivités locales. Rouvrir un tribunal à Tulle ou embaucher 60 000 enseignants sont deux exemples du contraire de ce qu’il faut faire. Le politique doit désormais prendre ses responsabilités, c’est-à-dire effectuer des choix. D’abord, dans dix ans, quelle sera la taille des dépenses publiques ? Réponse : 45% du PIB au maximum. Ensuite, comment arrivera-t-on à ce total, ministère par ministère, État et collectivités publiques inclus ? Si, au passage, on reprend le thème éculé de la simplification administrative, non pas en présumant que cela se fait à effectifs et moyens constants, mais avec l’objectif déclaré de réduire les effectifs et les moyens, on découvrira des gisements d’économie insoupçonnés.
François Hollande n’a sans doute jamais imaginé que sa place dans l’histoire économique de la France sera d’être le président qui a pris ce virage. Il devrait se rassurer en réalisant que discipline budgétaire ne rime pas avec austérité : une fois atteinte, la discipline permet d’utiliser l’instrument budgétaire quand c’est nécessaire, à condition de ne pas y toucher quand ce n’est pas nécessaire. Certes, le chemin pour y arriver est contractionniste, c’est la raison pour laquelle il est urgent d’attendre pour s’y engager. Mais c’est le moment pour baliser ce chemin, dans la transparence et la précision.
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