Faire payer les étudiants non ressortissants de l'Union européenne edit

24 octobre 2007

Alors que l'Université française est, au moins peut-on l'espérer, dans une dynamique de réforme, une mesure très concrète permettrait de cumuler plusieurs avantages. Il s'agit d'augmenter massivement les droits d'inscription pour les étudiants non ressortissants de l'Union européenne. Cette mesure aurait quatre principaux avantages : augmenter les ressources de l'Université française sans alourdir les dépenses publiques ; récupérer une partie de l'épargne excédentaire des pays émergents ; attirer dans nos universités de bons étudiants ; mettre en place une incitation financière à l'offre d'un enseignement universitaire de qualité.

Dans l'approfondissement de la division internationale du travail, les pays émergents, et notamment la Chine et le reste de l'Asie, sont en forte demande d'enseignement universitaire. Or cette demande ne peut être satisfaite par les universités asiatiques, en nombre insuffisant et qui, à l'exception des meilleures d'entres elles sont en retard, même vis-à-vis des universités françaises de second plan. Face à cette demande croissante, la différence de démarche entre les universités américaines et celles du Royaume-Uni d'un côté et l'Université française de l'autre est particulièrement absurde.

Les universités d'outre-Manche proposent nombre de formations qui accueillent plus d'étudiants étrangers que d'étudiants britanniques. Et une bonne partie des étudiants non ressortissant de l'Union européenne accepte de payer des droits d'inscriptions qui sont très supérieurs à ceux payés par leurs homologues britanniques et autres ressortissants de l'Union européenne. Aux Etats-Unis, les universités publiques requièrent elles aussi que les étudiants venant d'autres Etats de l'union et de l'étranger payent des droits d'inscription plus élevés que ceux des étudiants dont les familles résident dans l'Etat où se trouve l'université. A côté de ces pratiques, on doit se demander pourquoi l'Université française offre gratuitement des diplômes aux futurs cadres des pays émergents, et plus particulièrement pour ceux de ces pays qui dégagent une épargne excédentaire. On sait en particulier que, du fait de la politique de l'enfant unique, l'investissement en capital humain de chaque étudiant chinois tend à puiser dans l'épargne de ses deux parents et ses quatre grand-parents.

La France a pourtant des atouts considérables en terme d'image, de savoir-vivre et d'offre culturelle. Ces atouts devraient pouvoir attirer aussi bien des étudiants solvables, souvent asiatiques, qu'elle attire les retraités hollandais et 80 millions de touristes tous les ans. Elle a
surtout un corps enseignant et des chercheurs capables d'offrir un enseignement universitaire du plus haut niveau.

La demande croissante des pays émergents pour des diplômes de qualité est une opportunité à saisir pour augmenter les ressources de l'Université. C'est aussi le moyen d'affirmer concrètement notre mutation en économie de la connaissance et de l'innovation.

La généralisation des droits d'inscription pour les non-ressortissant de l'UE doit évidemment être assortie d'un système de bourses pour que les meilleurs étudiants, dont on sait qu'ils ont des effets positifs sur l'apprentissage de leurs camarades, affluent vers nos universités. Il est
également nécessaire de mettre en oeuvre des méthodes de repérage et de recrutement des étudiants qui soient fiables. Il n'est pas immédiat de reconnaître les bonnes filières éducatives de Chine, du Vietnam ou d'Inde ni même d'évaluer l'authenticité des diplômes qu'elles délivrent. Les meilleures universités américaines remettent elles-mêmes en cause la validité des examens à choix multiples pour apprécier la maîtrise de l'anglais. Mais ces problèmes ont des solutions, telle que la titularisation d'enseignants-chercheurs issus de ces pays, à l'instar de la pratique des universités américaines, ou encore la participation du réseau consulaire à l'évaluation des candidats.

Il serait aussi préférable que l'Université propose des diplômes qui puissent être préparés intégralement en anglais. Le fait est que le corps enseignant en a déjà très largement la capacité. Plus généralement, l'Université et les acteurs publics doivent mettre en œuvre des
infrastructures et une culture de l'accueil de ces « étudiants-clients ». Il est impératif que l'offre des enseignements et du cadre d'accueil des étudiants s'améliore effectivement pour la réussite de cette réforme. La volonté politique d'agir et la culture du résultat sont donc nécessaires.

Toutes les parties prenantes ont pourtant à y gagner : les étudiants non ressortissants de l'Union qui verront l'offre mondiale d'enseignement de qualité augmenter et se diversifier, les étudiants de l'Union européenne dont les diplômes auront une meilleure reconnaissance internationale, les enseignants dont les ressources et la qualité des étudiants augmenteront, les territoires dont la population se rajeunira et sur lesquels services et emplois dérivés de l'université se développeront.