L’affront aux deux Fronts edit
Tandis qu’il y a quelques semaines l’inénarrable Jean-Luc Mélenchon traitait le PS d’astre mort, Marine Le Pen déclarait pour sa part il y a quelques jours que l’UMP n’existait plus. C’était avant les législatives partielles et la fin de la crise aiguë à l’UMP. Ces événements ont remis les pendules à l’heure et montré, une fois de plus, que les deux Fronts nourrissaient des espoirs très excessifs quand au sort des deux grands partis de gouvernement.
À gauche, les trois élections législatives partielles ont été à coup sûr un revers pour le Parti socialiste, qui a perdu une circonscription gagnée en juin, certes à la faveur d’une triangulaire. Mais la tactique de guerre à outrance contre le PS adoptée par le Front de gauche a échoué. Dans deux des trois sièges en jeu, ses candidats ont reculé par rapport aux élections de juin tandis que le score dans la troisième restait stable. Ces scores se sont étalés entre 4% et 9%, loin derrière ceux des candidats socialistes.
À droite, l’UMP, comme le RPR aux partielles de décembre 1981, a pleinement profité de sa position de grand parti d’opposition. Dans la 6e circonscription de l’Hérault, le candidat de l’UMP, battu en juin, a obtenu 41% au premier tour, contre 33% en juin, loin devant le candidat du FN qui néanmoins, avec 23%, a légèrement amélioré son score. Ce résultat du FN est un bon résultat pour une partielle où l’abstention est particulièrement élevée ; elle confirme l’enracinement de ce parti à un niveau élevé. Mais l’écart entre les deux partis, et la brillante victoire du candidat de l’UMP au second tour, avec 62% des suffrages exprimés dans une circonscription que le FN se targuait de pouvoir conquérir, remet le FN à sa juste place. Dans la première circonscription du Val de Marne, les deux candidats de droite, UDI soutenu par l’UMP et UMP dissident, ont obtenu à eux deux la moitié des suffrages tandis que le candidat du Front national a perdu deux points, à 9%. Le candidat dissident, qui a battu le candidat UDI sortant, a été élu et intégrera le groupe UMP. Enfin, dans la 13e des Hauts de Seine, malgré la progression de quatre points du candidat de la majorité Julien Landfried, l’UMP Patrick Devedjian a augmenté son score de juin de presque 10 points, frôlant l’élection dès le premier tour, tandis que le candidat du FN, avec 5%, a légèrement reculé.
À cela s’ajoute la fin de la crise aiguë de l’UMP. Certes, cette crise est loin d’être terminée et elle laissera des traces importantes, surtout au niveau des rapports humains. Reste que non seulement l’UMP ne subira pas de scission mais encore cette crise aura même des aspects positifs puisqu’elle va déboucher sur des décisions importantes au niveau de l’ingénierie partisane qui vont améliorer sensiblement le fonctionnement du parti dans un sens plus démocratique. En effet, l’UMP va revoir ses règles d’organisation des primaires, les statuts vont être révisés et une équipe dirigeante collégiale va être mise en place pour mener ces réformes. Comme le PS en 2011, l’UMP fait un pas supplémentaire vers l’adoption de règles qui lui permettront de fonctionner d’une manière plus en phase avec l’évolution de notre système politique qui fait des deux grands partis présidentiels des quasi-institutions du régime de la Ve République, et, comme telles, soumises au contrôle permanent des médias et des citoyens.
Ainsi, les stratégies des deux Fronts apparaissent inefficaces. Le FN ne pourra au mieux, lors des prochaines élections générales, que gêner la victoire éventuelle de l’UMP, voire, ce qui n’est pas le plus probable, donner la victoire à la gauche. Sa représentation parlementaire demeurera faible même en cas d’instillation de la proportionnelle. Quant au Front de gauche, il devra finalement choisir entre l’alliance électorale avec le PS ou une guerre à outrance qui pourrait le priver de son groupe parlementaire. Lui aussi ne peut au mieux que contribuer à une éventuelle défaite du parti dominant dans son camp. Bref, les deux Fronts ne deviendront pas les deux grands partis français. Ils demeureront périphériques. Savoir s’ils demeureront marginaux dépend de la stratégie qu’ils adopteront.
S’il est permis de penser qu’une alliance entre l’UMP et le FN est très peu probable à l’échéance des prochaines élections législatives, en revanche, il demeure une incertitude s’agissant des rapports entre le Front de gauche et le Parti socialiste. En effet, bien que Jean-Luc Mélenchon ait réussi jusqu’à présent à encourager au Parti communiste à adopter une attitude d’opposition frontale au gouvernement socialiste, comme le montrent les votes au Parlement des députés du Front de gauche, presque tous communistes, il n’est pas certain pour autant que les communistes aient adopté définitivement une stratégie de rupture avec les socialistes. Ni leurs intérêts électoraux, notamment pour les élections locales, ni même leur vision politique de l’avenir ne les poussent nécessairement vers une telle stratégie. C’est la raison pour laquelle des tensions croissantes se manifestent entre le Parti communiste et le Parti de gauche.
L’un des rares députés de ce parti, Marc Dolez, ancien député socialiste, vient de claquer la porte en reprochant à Jean-Luc Mélenchon une dérive gauchiste. Ce sentiment est probablement partagé par une direction du Parti communiste qui supporte de plus en plus mal la manière dont celui-ci exerce son leadership. En témoigne son refus de laisser la direction du Front de gauche à son ancien candidat à l’élection présidentielle. En témoigne également la fuite en avant de Jean-Luc Mélenchon, qui ne peut que sentir l’affaiblissement progressif de son leadership, consistant désormais à vouloir faire du Front un parti écologiste alors que les désaccords de fond entre communistes et écologistes sont bien connus. Tout se passe comme si le Parti communiste voulait se débarrasser de son ancien candidat mais n’osait ni le dire ni le faire. Ce qui le retient sans doute également, c’est qu’il n’a pas de véritable stratégie alternative à opposer à celle de la terre brûlée menée par Jean-Luc Mélenchon. Pris depuis 1974 dans la contradiction majeure et insoluble qui ne lui permet ni de nouer une véritable alliance stratégique avec les socialistes ni de jouer la carte de la constitution d’un nouveau parti d’extrême-gauche, il tente désespérément de sauver les meubles par une tactique de l’entre-deux dont les résultats sont loin d’être probants. Mais gageons qu’il empêchera par tous les moyens Jean-Luc Mélenchon de conquérir la marge de manœuvre dont il a besoin pour mener à bien sa stratégie antisocialiste.
Ainsi, l’essentiel du jeu politique consistera, demain comme hier, dans l’opposition des deux grands partis. Paradoxalement, du fait des stratégies centrifuges des Fronts, auxquels se joindront peut-être les écologistes, les deux grands partis, qui du point de vue de l’avenir de la France se rejoignent sur la nécessité de pousser l’intégration européenne, en particulier celle de la zone euro, s’opposeront néanmoins frontalement sans disposer, lorsqu’ils sont au pouvoir, d’une base politique, électorale et partisane, suffisante dans cette période de crise, et sans pouvoir passer entre eux les compromis nécessaires. Les divisions profondes à gauche et à droite, jointes aux effets persistants de la bipolarisation gauche/droite rendront plus difficile la gouvernabilité du pays. Mais après tout, n’est-ce pas le but premier des Fronts ?
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