La compétitivité, un échec majeur de la présidence Hollande edit

22 mars 2017

Dès sa prise de fonction en mai 2012, le président Hollande avait fait de la compétitivité des entreprises françaises sa priorité. Or, la stratégie économique de François Hollande a abouti à des résultats médiocres pour le commerce extérieur français et la production industrielle. Comment l’expliquer ?

Concernant le commerce extérieur, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault avait affirmé en 2012 que le déficit commercial de la France serait réduit à zéro en 2017, hors énergie. Or, pendant le quinquennat, la situation s’est dégradée. En 2016 les exportations françaises ont encore reculé de 0,6% et le solde commercial total s’est encore dégradé par rapport à 2015. Le déficit du seul commerce extérieur en produits manufacturés a atteint 43,7 milliards en 2016, un déficit supérieur de 6,3 milliards à celui de 2012. Enfin, en janvier 2017, le déficit commercial s'est élevé à 7,9 milliards d'euros, un niveau jamais atteint dans le passé.

La production industrielle française est une des grandes perdantes de la zone euro. La crise de l’industrie a été encore plus marquée en France que dans la zone euro pendant le quinquennat de Hollande. Entre 2012 et 2016, la production de l’industrie en volume pour l’ensemble de la zone euro a augmenté de 3,6% contre une quasi-stagnation en France, 0,5% seulement. Sur la période 2012-2016, la production industrielle a fortement augmenté en volume dans d’autres pays européens de la zone euro, et pas seulement l’Allemagne contrairement au discours dominant en France: La Belgique, 6,2%, le Danemark, 6,0%, l’Autriche, 5,7% et même certains pays du sud de l’Europe comme l’Espagne, 4,8% ou le Portugal, 5,2% (données Eurostat).

Au terme d’un quinquennat où la politique économique était, au moins au niveau de l’affichage politique, prioritairement orientée vers une amélioration de la compétitivité des entreprises, ces chiffres ont de quoi inquiéter. Dans le contexte de la campagne présidentielle actuelle, comparer ce que proposent les programmes des candidats pour améliorer la compétitivité des entreprises françaises apparait alors essentiel.

Comment expliquer l’échec complet des mesures prises en France pour améliorer la situation de l’industrie française et le déficit commercial extérieur industriel en dépit de mesures comme la création du Crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), le Crédit impôt recherche (CIR), et les allégements de charges du pacte de responsabilité? Le recul de l’euro face au dollar et la faiblesse du prix du pétrole aurait dû favoriser aussi les exportations françaises. Pourtant, la France a fait beaucoup moins bien que ses partenaires de la zone euro et la situation de son commerce extérieur et de son industrie se sont même dégradés par rapport aux autres pays de la zone euro pendant ces 5 années. Prenons chacune des trois grands volets des politiques économiques visant à améliorer la compétitivité.

Le CICE a été mis en place dans la continuité du rapport Gallois pour améliorer la compétitivité coût de l'économie française, avec pour cible principale du dispositif, l’industrie. Il a constitué la mesure la plus emblématique du quinquennat Hollande et a représenté des montants considérables: en 2013 le CICE représentait 4 % de la masse salariale des rémunérations inférieures à 2,5 SMIC et en 2014, il est monté à 6 % de la masse salariale. Or, le rapport d'évaluation du CICE de France Stratégie de septembre 2016 montre que le CICE n'a pas eu d'impact en 2013 et 2014 sur les exportations et l'investissement. Une des explications les plus évidentes? L’industrie n’a représenté qu’un peu moins de 20% des montants engagés dans le CICE, soit autant que le secteur du commerce. Les entreprises réalisant plus de 10 % de leur chiffre d'affaires à l'exportation ont reçu seulement un cinquième du CICE. L’efficacité du CICE pour améliorer la compétitivité de l’industrie française à l’exportation est donc à ce stade pour le moins très incertaine.

Le Crédit impôt recherche (CIR) constituait l’autre volet de l’engagement des pouvoirs publics à améliorer la compétitivité de l’industrie française avec pour objectif une montée en gamme jugée insuffisante. Le CIR a été une des plus importantes niches fiscales françaises bénéficiant aux entreprises privées et son montant a atteint 6 milliards d'euros en 2015. Pour quel résultat sur les dépenses en R&D et par voie de conséquence sur la compétitivité de l’industrie française et ses performances à l’exportation ? En 2012, les dépenses de Recherche et Développement représentait 2,23% du Produit intérieur brut en France. Le CIR visait à un rattrapage des pays les avancés en Europe. Or, en 2015, des intensités de R&D par rapport au PIB sont plus élevées qu’en France dans de nombreux pays européens : en Suède (3,26% du PIB), en Autriche (3,07%), au Danemark (3,03%), en Finlande (2,90%), en Allemagne (2,87%) et en Belgique (2,45%). En France malgré le CIR, on constate une stagnation du ratio dépenses en R&D sur le PIB, 2,23% en 2015 comme en 2012 quand en Belgique ou en Autriche sans dispositif fiscal aussi coûteux que le CIR, les dépenses de R&D ont augmenté de 0,21 et 0,26 points de PIB. La Cour des Comptes a constaté que l’efficacité du CIR, au regard de son objectif principal d’augmentation des dépenses de R&D des entreprises, est bien difficile à établir, et que l’évolution de cette dépense n’est pas à ce jour en proportion de l’avantage fiscal accordé. Pour la Cour des Comptes, la gestion du CIR serait très lourde, tant pour les services fiscaux que pour les entreprises et faute d’un contrôle fiscal suffisant, les finances publiques ne sont pas en mesure de cibler les entreprises qui font un usage frauduleux du CIR. Il faut aussi ajouter que l’industrie pèse dans le PIB un poids deux fois inférieur en France à son poids dans les pays du nord de l’Europe. Or, l’industrie représente plus de 80% du total des dépenses en R&D. Comment espérer une augmentation des dépenses en R&D en France quand le poids de l’industrie stagne alors que celui-ci et augmente dans les pays européens les plus industrialisés ? 

Le pacte de responsabilité prévoyait de nouveaux droits pour les salariés et davantage de flexibilité pour les employeurs. Pour François Hollande, ce pacte était « fondé sur le principe simple : moins de charges sur le travail, moins de contraintes sur leurs activités et, en même temps, une contrepartie, plus d’embauches et plus de dialogue social ». Grâce à des accords de ce type, ces trois dernières années, les constructeurs automobiles français sont redevenus rentables. Cependant, le retour à une certaine croissance de la production ne s’est toujours pas traduit par une amélioration du solde commercial puisqu’entre 2015 et 2016, le déficit commercial en véhicules automobiles s’est encore accru de 2,5 milliards d’euros. Les exportations de véhicules automobiles ont certes augmenté pour la troisième année consécutive de 4,6 % mais les importations d’automobiles ont augmenté plus fortement encore, en particulier depuis l’Allemagne.

Ainsi, malgré l'objectif annoncé d’une amélioration de la compétitivité au début du quinquennat de Hollande, il semble bien que les problèmes structurels de l'industrie française restent entiers. Ni la compétitivité extérieure, ni la production industrielle n'ont été clairement relancées en France, contrairement à ce qui s’est passé dans d’autres pays de la zone euro. Il y a bien eu une amélioration de la compétitivité coût. D’après l’institut COE-Rexecode, entre 2012 et 2016, le coût salarial unitaire aurait augmenté de 0,8% en France contre 3,7 % en moyenne dans la zone euro et 9,1 % en Allemagne. Ces évolutions montrent bien que contrairement à ce qui est souvent dit en France, la relance des salaires en Allemagne a bien eu lieu.

En réalité, les politiques économiques de l’offre mises en œuvre en France ont porté essentiellement sur les bas salaires, c’est-à-dire qu’elles ont bénéficié aux secteurs industriels comme l’agroalimentaire, le textile ou l’habillement ou la grande distribution. Ce sont des secteurs où le tissu industriel français est déjà surreprésenté par rapport aux pays du nord de l’Europe. Structurellement, en dehors de ses multinationales, de l’aéronautique et du luxe, la structure industrielle française est plutôt comparable à celle des pays du Sud de l’Europe avec de très nombreuses PME. Le déficit commercial français dans les équipements mécaniques, le matériel électronique et l’informatique, secteurs de haute technologie, atteignait 24,6 milliards d’euros en 2016, plus que l’excédent de l’aéronautique.

Notre faible compétitivité s’explique ainsi parce que l’industrie française a plutôt une spécialisation sectorielle des pays du sud avec des coûts de production comparables aux pays de nord de l’Europe, parce qu’elle n’a pas investi suffisamment pour moderniser son appareil de production (faible robotisation) et qu’elle développe peu de nouveaux produits (le nombre des brevets déposés par million d’habitants est de plus de 300 en Suède, 267 en Allemagne contre seulement 135 en France).

L’action des pouvoirs publics en faveur de la compétitivité ne doit plus viser les bas salaires car c’est alors une politique en faveur de l’emploi, pas de la compétitivité, bien au contraire. S’ils veulent améliorer la compétitivité, les pouvoirs publics doivent soutenir les secteurs et les postes à forte valeur ajoutée, les ingénieurs ou les chercheurs, l’investissement dans les hautes technologies et la formation. Favoriser les baisses de charge sur les bas salaires est un projet qui renforce les secteurs à faible qualification à l'heure de la numérisation de l'économie.