La crise, c’est fini? edit
Le président l’avait annoncé, la croissance est revenue. Si c’était vrai ! Un mois ou deux de bons chiffres – plus précisément, de chiffres moins catastrophiques – ne signalent pas une reprise économique. Il est très prématuré d’annoncer la victoire. Il est toujours aussi crucial d’arrêter le jeu de massacre de l’austérité. La situation est loin d’être claire.
Tout d’abord, passer d’un taux de croissance de -0,2% à +0,3% est certes une bonne nouvelle, mais aussi une illusion d’optique créée par la magie trompeuse du chiffre zéro. Cela signifie que globalement l’activité économique cesse de diminuer. Cela ne signifie pas que les revenus des Français augmentent car la pression fiscale semble annuler l’effet positif de la fin du reflux de l’activité. Cela ne signifie pas que le chômage va reculer (l’évolution du chômage suit avec un décalage de plusieurs mois celui de l’activité économique) car il faut pour ça une croissance soutenue de l’ordre de 1,5%. S’il doit y avoir un chiffre magique, c’est 1,5, pas 0. Si elles sont confirmées, les dernières tendances nous disent seulement que nous avons atteint le fond du trou. En sortir va demander des chiffres beaucoup plus élevés que ce qui est prévu, sachant que les prévisions qui ont brusquement changé durant l’été peuvent à nouveau changer, dans un sens ou dans l’autre.
Ensuite, cette soudaine embellie est un peu trop miraculeuse pour être tout fait fiable. D’où vient la croissance annoncée ? Pas du budget de l’État, bien sûr, puisque l’austérité est tout juste atténuée depuis que la Commission a mis un peu d’eau dans son vin (en contrepartie d’une vraie réforme des retraites, ce qui présage de nouvelles discussions pénibles). La pression fiscale a continué à augmenter et la manie de ce gouvernement à toujours taxer plus semble irrésistible. Les dépenses publiques ne devraient pas, en principe, augmenter, donc aucune impulsion à venir de ce côté là. Pas des dépenses accrues du secteur privé non plus, tant que le moral des ménages et des entreprises restera plutôt bas, même si on détecte un début de reprise de confiance. En France, comme dans la plupart des pays européens, tout le monde espère que les exportations vont apporter le salut, mais les prévisions actuelles ne sont pas encourageantes. La reprise aux États-Unis reste morose. Les pays émergents, Chine comprise, sont dans un trou d’air. Il reste la locomotive allemande, mais elle est poussive et sera toujours faible étant donné la taille limitée de son économie.
Alors, il reste l’autosuggestion. Si tout le monde croit que la reprise est là, ménages et entreprises se remettent à dépenser plus et… la reprise se produit « comme prévu ». C’est vrai que c’est ce mécanisme qui a joué un rôle majeur en sens inverse et provoqué la récession qui a suivi en 2009 la crise financière à Wall Street. Pourquoi ne fonctionnerait-il pas dans le bon sens maintenant ? La bonne tenue des bourses est encourageante, mais elle est aussi très fragile. Ce scénario de rêve n’est pas impossible, mais peu probable.
D’abord parce que les ménages et les entreprises sont prudents. Ils sont rapides à couper les dépenses face à des signaux inquiétants, mais ils ont tendance à vouloir voir que tout va mieux avant d’y croire. L’optimisme de François Hollande aura du mal à être infectieux, même si les bons chiffres de l’été peuvent y contribuer. Mais il faudrait qu’ils soient confirmés dans les mois qui viennent.
Ensuite parce que la zone euro n’est pas sortie de la zone dangereuse. Les dettes publiques continuent à monter. Les marchés financiers jouent le jeu de la reprise, mais ils sont nerveux. Les banques restent fragiles, en dépit des dénégations officielles. Qu’une banque vacille en Espagne ou en Italie, et la panique reviendra vite.
Par ailleurs, la banque centrale des États-Unis a indiqué qu’elle entend commencer à changer sa posture. Depuis 2008, elle a fait preuve d’inventivité pour tenter de relancer l’activité aux États-Unis. Le moment où elle va inverser la manœuvre s’approche. Depuis le mois de juin, les taux d’intérêt ont commencé à remonter, y compris en Europe car la place financière américaine reste dominante. D’une certaine manière, la première onde de choc s’est déjà produite, mais elle préfigure ce qui se passera quand la Réserve Fédérale passera à l’action. Peu importe exactement quand ça se produira, ce sera bien avant que la zone euro ait assuré une reprise durable. L’euro devrait alors baisser, ce qui compensera le freinage américain, mais à condition que la croissance soit aussi revenue dans les pays émergents qui sont nos clients. On le voit, il faut beaucoup de conditions pour que tout tombe en place de la bonne manière pour la France et l’Europe. Trop, peut-être.
En fin de compte, la reprise en France dépend avant tout de ce qui passera ailleurs. Que peut faire le gouvernement pour apporter sa petite pierre à la reprise ? Arrêter l’austérité serait la première chose, mais on entend parler uniquement de réduction des dépenses et d’alourdissement des prélèvements obligatoires. Si le gouvernement considère qu’il n’a pas le choix, il serait bon qu’il cesse de souffler le chaud et le froid. La navigation à vue a pour premier effet de créer de l’incertitude, ce qui est très mauvais pour la croissance. La cerise sur le gâteau serait qu’il contribue à éliminer les dangers qui continuent à peser sur la zone euro. En particulier, il est grand temps de s’attaquer au problème des dettes publiques qui sont insoutenables dans plusieurs pays. Une fois passées les élections, l’Allemagne pourrait être prête à se montrer audacieuse. Une fois n’est pas coutume, de vraies bonnes idées pourraient être avancées par la France. Pas le sempiternel discours sur le gouvernement économique de la zone euro, ni les rêves éveillés de grand soir de l’union budgétaire. Mais un vrai plan, soigneusement élaboré, pour tourner la page en restructurant ces dettes qui plombent tout espoir de croissance soutenue.
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