La France est-elle vraiment l’homme malade de l’Europe ? edit
L’hebdomadaire The Economist l’a dit, la presse et les milieux économiques allemands en débatent quotidiennement, le FMI s’en inquiète ouvertement. Après l’Espagne ce sera l’Italie, et après l’Italie c’est la France qui entrera en crise de la dette publique. Ce pourrait être alors la fin de l’euro, parce que la France, c’est trop gros, et parce que la France pourrait entraîner l’Allemagne si d’aventure elle essayait de sauver la France. Que penser de cette montée d’angoisse ?
Le gouvernement a rapidement réagi : c’est encore une médisance anglo-saxonne qui ignore les efforts accomplis par le Président Hollande. Est-ce de la politique, de la vexation ou du déni ? Pourtant, on l’a dit et répété, l’économie de la France est dans une situation précaire. Si elle ne trouve pas vite un moyen de rassurer ses partenaires et ses ennemis (la finance), elle risque d’être prise dans la tourmente qui est devenue, hélas, familière. La bonne nouvelle est que, pour l’instant, les marchés financiers n’ont pas suivi ces alertes, sans doute parce qu’ils ont les yeux fixés ailleurs.
Vu de Paris, c’est injuste. Hollande et le PS ont amorcé leur aggiornamento. On maintient l’objectif de déficit à 3%, on réduit les dépenses publiques, on augmente même la TVA, on diminue les charges patronales. Le problème c’est que, vu de Berlin, Londres ou Bruxelles, ces actions vont de soi mais sont quantitativement bien en deçà des enjeux. Personne ne croit que l’objectif de 3% sera tenu. Promettre ce qu’on ne fera pas peut être politiquement judicieux mais l’effet sur la crédibilité est dévastateur. La réduction de 60 milliards des dépenses publiques sur 5 ans, c’est 12 milliards par an, soit tout juste 0,6% du PIB. Si cet objectif – rien n’a été dit sur les moyens de l’atteindre – est atteint, les dépenses publiques seront passées de 57% à 54% du PIB au bout de 5 ans. Et la TVA ? Elle va augmenter de 0,4 points ! Tout ceci est très petit braquet et ne constitue pas une stratégie crédible.
Les problèmes à résoudre sont bien connus. Premièrement, la dette publique est élevée et continue à augmenter. Deuxièmement, la croissance est en panne et la récession est au coin de la rue. Troisièmement, derrière le débat sur la compétitivité se cache le thème du déclin et du besoin de réformes de structure. Enfin, il y a la crise en Europe, très mal traitée par Merkozy et qui exige de manière urgente une complète réorientation. Face à ces défis énormes, historiques même, il faut du souffle.
Les politiques d’austérité ont été justement dénoncées par le candidat Hollande. Elles ont échoué, comme prévu. Dans les pays soumis au contrôle de la Troïka (Commission Européenne, BCE, FMI), la situation économique est catastrophique et s’accompagne d’une souffrance sociale indicible. Faire une mini-austérité en France et soutenir l’approche Merkozy n’a aucun sens, ni économique, ni politique. La justification est le besoin d’apaiser les marchés financiers (et ne pas contrecarrer la Chancelière allemande). Mais les marchés financiers veulent de la croissance, pas de l’austérité. Ils veulent bien financer des déficits, à condition d’être remboursés, et ils savent compter. Ce qu’il faut, c’est leur présenter un plan crédible.
Un tel plan doit expliquer comment la croissance sera réamorcée et la dette réduite. La réduction d’une dette publique qui atteint aujourd’hui 90% du PIB n’est possible que sur deux ou trois décennies. Que l’on commence en 2013 ou en 2016 ne fait aucune différence, sauf que le faire en pleine récession est suicidaire. Par contre, il faut décider comment on s’y prendra, et l’expliquer en détail pour convaincre les marchés financiers qu’ils seront remboursés. C’est là que le gouvernement est en échec et c’est la raison de l’angoisse qu’il crée.
Même à Berlin on peut comprendre que la politique budgétaire soit neutre ou mieux encore expansionniste, mais il faudrait des gages sur la réduction ultérieure de la dette publique. Quand la France sortira de la récession, comment va-t-elle passer de déficit à surplus budgétaire ? Cela ne peut pas être par un alourdissement des impôts, déjà au top mondial. Au contraire, il faudra réduire la pression fiscale qui sape la compétitivité. Cela exige de réduire, de manière permanente, les dépenses. Une baisse des dépenses publiques de l’ordre de 10% du PIB nous ramènerait au niveau de l’Allemagne. Cela signifie couper de 20% le montant des dépenses. Impossible ? Mais c'est ce que la Troïka, donc la France, exige immédiatement des Grecs, des Irlandais, des Portugais et bientôt des Espagnols. La France devrait en même temps exiger que ces malheureux, eux aussi, retrouvent le chemin de la croissance avant de s’attaquer à leurs déficits. Pour ceux qui ne peuvent plus emprunter parce que, récession oblige, la dette est en train d’exploser, la sortie de crise passe désormais par une substantielle remise de dettes. Aujourd’hui l’objet d’un tabou officiel, cette étape est pourtant inéluctable. La France s’honorerait en portant la première ce flambeau. Même le très rigoureux FMI, choqué par l’absence d’empathie pour les souffrances imposées par l’austérité, semble évoluer dans cette direction. Mais, attention, cela devra se faire discrètement, pas comme lorsque Merkozy ont annoncé à Deauville la bien trop partielle remise de dette grecque, déclenchant une panique financière.
Le chemin à parcourir par Hollande pour éviter un scénario à la grecque est encore bien long. Il s’agit de redécouvrir la nocivité de l’austérité en période de récession, l’inévitabilité de remises de dette pour les pays en crise, et les vertus d’une baisse profonde des dépenses publiques comme clé pour le reflux de l’endettement. Bref, de construire une véritable stratégie qui soit cohérente et compréhensible en dehors de l’hexagone.
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