Trump, tweet et propagande edit

14 février 2017

Selon le professeur de psychiatrie de la très renommée université Johns Hopkins, John Gartner, Donald Trump serait un « narcissique malfaisant », un trait de personnalité dangereux pour une personne ayant une telle fonction, rapporte le Huffington Post. Cette pathologie est différente du trouble de la personnalité narcissique et elle est incurable. Trump, cet adepte de la propagande par tweets très courts et à jet continu, met ses pas dans ceux d’un autre narcissique incurable dont la malveillance n’est plus à démontrer, Adolf Hitler. À relire la conception de la propagande qu’avait théorisée ce dernier (Ma doctrine, Arthème Fayard, 1933, pp. 56-68), de fortes similitudes apparaissent de ce point de vue entre ces deux propagandistes.

On sait le mépris de Trump pour les intellectuels et les scientifiques dont il veut interdire la diffusion de certains travaux. Seule sa propagande doit circuler et celle-ci est destinée au « peuple ». Posant la question suivante : « A qui doit s’adresser la propagande, aux intellectuels ou à la masse la moins instruite ? », Hitler y répondait ainsi : « Elle doit toujours et uniquement s’adresser à la masse ! Aux intellectuels, ou tout au moins à ceux qu’on nomme ainsi, est destiné, non la propagande, mais l’explication scientifique ; quant à la propagande elle ne contient pas plus de science qu’une affiche ne contient d’art dans la forme sous laquelle elle se présente  (…) L’art de la propagande n’a pas en lui-même un caractère de nécessité, mais son objet consiste, exactement comme l’affiche prise en exemple, à attirer l’attention de la foule, et non pas à instruire ceux qui ont des connaissances scientifiques ou qui veulent apprendre et se cultiver. Son action doit donc toujours s’appuyer sur le sentiment, très peu sur la raison. Toute propagande doit être populaire et abaisser son niveau intellectuel jusqu’à la limite des facultés d’assimilation du plus borné de ceux auxquels elle doit s’adresser. Dans ces conditions, son niveau intellectuel doit être d’autant plus bas que la masse des hommes à toucher est plus nombreuse. Plus sa teneur scientifique est modeste, plus elle s’adresse exclusivement aux sens de la masse, plus son succès sera décisif (…)  Il faut ajouter à cela que l’homme de la masse est généralement paresseux, qu’il reste enfoncé dans l’ornière de ses vieilles habitudes, et qu’il n’aime pas prendre en main les écrits qui ne correspondent pas à ses croyances et qui ne lui apportent pas ce qu’il en attend. Un écrit de tendance déterminée n’a guère de chances d’être lu que par ceux qui ont déjà adopté cette même tendance. Une proclamation ou une affiche isolées ont un peu plus de chances, en raison de leur brièveté, d’attirer l’attention passagère d’un adversaire. L’image sous toutes ses formes, le film compris, a encore plus de pouvoir. Dans ce cas, l’homme a encore moins besoin de faire appel à sa raison, il lui suffit de regarder, tout au plus de lire les textes les plus courts. »

Le tweet de Trump, très court et envoyé à jet continu, est le véhicule moderne parfait pour la diffusion de ce type de propagande. Il répète ainsi journellement ses dénonciations haineuses des élites et des médias. Il se conforme ainsi aux leçons du grand maître de la propagande : « Si la faculté d’assimilation de la grande masse est très faible, son entendement petit, par contre son manque de mémoire est grand. Toute propagande effective doit donc se limiter à des données peu nombreuses et les mettre en valeur à coup de formules toutes faites aussi longtemps qu’il le faudra, afin que le dernier des auditeurs puisse en saisir la portée. Ne pas savoir se limiter à ce principe et chercher à être universel, c’est diminuer l’action de la propagande, car la multitude ne pourra ni digérer ni retenir ce qu’on lui présentera. Le succès sera donc amoindri et en fin de compte détruit. Donc, plus le contenu de l’exposé doit être vaste, plus il faut déterminer avec justesse la tactique à employer (…) Tout le génie déployé dans l’organisation le serait en pure perte si l’on ne s’appuyait pas d’une façon absolument rigoureuse sur un principe fondamental. Il faut se limiter à un petit nombre d’idées et les répéter constamment. La persévérance, ici comme dans bien d’autres choses au monde, est la première et la plus importante condition de la réussite (…) la propagande n’est point faite pour distraire agréablement de petits messieurs blasés, mais pour convaincre, et c’est la masse qu’il faut convaincre. Or, celle-ci met toujours, dans sa lourdeur, un certain temps avant de se trouver prête à prendre connaissance d’une idée, et sa mémoire ne s’ouvrira qu’après la répétition mille fois renouvelée des notions les plus simples. »

Trump est un misogyne et sa propagande, comme celle de Hitler, est profondément imprégnée de misogynie. Ce dernier écrivait ainsi : « Le peuple est, dans sa majorité, de dispositions à tel point féminines que ses opinions et ses actes sont conduits beaucoup plus par l’impression que reçoivent ses sens que par la réflexion pure. Cette impression n’est point alambiquée mais très simple et bornée. Elle ne comporte point de nuances mais seulement les notions positives ou négatives d’amour ou de haine, de droit ou d’injustice, de vérité ou de mensonge ; les demi-sentiments n’existent pas. »

Dans ces conditions, ce sont les passions et non pas la raison qu’il faut éveiller : « Un ouragan de passion dévorante peut seul changer le destin des peuples ; mais celui qui porte en lui-même cette passion peut seul la provoquer. C’est elle seule qui inspire à ses élus les mots qui ouvrent, comme à coups de marteau, les portes du cœur d’un peuple. Celui qui ignore la passion, celui dont la bouche est muette, n’est pas l’élu du ciel pour imposer sa volonté. Que tout écrivailleur reste donc devant son encrier et s’occupe de « théories », si le savoir et le talent y suffisent : il n’est pas né, pas élu pour être un chef (…) Le plus souvent, il s’agit de vaincre, chez les hommes, des préventions qui ne sont pas fondées sur la raison, mais qui sont la plupart du temps inconscientes et reposent uniquement sur le sentiment. Abattre cette barrière d’antipathie instinctive, de haine passionnée, de parti pris hostile est mille fois plus difficile que de réformer une opinion scientifique défectueuse ou fausse. On peut éliminer les fausses conceptions, pallier là l’insuffisance du savoir par l’instruction, mais instruire ne peut aider à vaincre la résistance du sentiment. Seul un appel à ces forces mystérieuses aura quelque effet ; et ce n’est presque jamais l’écrivain, c’est presque uniquement l’orateur qui en est capable ».

Seule donc la parole ou le slogan peuvent véhiculer cette propagande. Or, le tweet comme le slogan qui se détache sur l’affiche est-il rien d’autre qu’une parole écrite ? À travers le tweet, Trump ne cesse de parler à ses followers. Comme Hitler, il méprise les « écrivailleurs » et les inventeurs de théories. Comme lui, il veut imposer sa volonté et soulever les passions pour anéantir ses fort nombreux ennemis. Deux « chefs » qui font appel aux forces mystérieuses, deux malades au pouvoir, l’un hier, l’autre aujourd’hui ! Certes les contextes historiques sont radicalement différents et la malfaisance de l’un et de l’autre ne sont guère comparables mais on aurait tort de ne pas s’intéresser aux ressorts de leur communication. Comme on vient de le voir il y a de nombreux points communs entre la technique du tweet et la pure propagande.