Délit de faciès pour la Zone franc edit
Les attaques les plus chargées émotionnellement se fondent sur les traits les plus marquants de cette origine. Le mot « Zone franc » d’abord qui ne manque pas de rappeler le temps des colonies et l’acronyme CFA, resté identique après les indépendances, même si sa signification que très peu connaissent a changé, le Franc des colonies françaises d’Afrique, devenant en Afrique de l’Ouest, le Franc de la Communauté africaine, pour la monnaie de l’UMOA et le Franc de la Coopération financière en Afrique centrale, pour la monnaie de l’UMAC. Au passage, cet acronyme unique masque aussi la scission en deux monnaies distinctes.
Les contours géographiques de cet ensemble ensuite : bien que la Guinée n’y ait jamais adhéré, la Mauritanie et Madagascar l’aient quitté, la Guinée équatoriale et la Guinée Bissau l’aient rejointe, la Zone franc a une géographie similaire à celle de l’empire colonial en Afrique sub-saharienne. Qui plus est le regroupement des pays membres en deux unions monétaires, en Afrique de l’Ouest (l’UMOA qui compte 8 Etats) comme en Afrique centrale (l’UMAC qui compte 6 Etats) reproduit assez fidèlement l’organisation territoriale à l’époque coloniale : l’Afrique équatoriale française et l’Afrique occidentale française. Ne pouvant renier ses origines, la Zone franc constitue un symbole facile et parlant pour ceux qui veulent y voir une rémanence du fait colonial ou un symbole de la Françafrique.
Mais les tares congénitales ne s’arrêtent pas à ces symboles, elles s’étendent également à la sémantique utilisée qui reste celle des années soixante et qui nourrit bien des malentendus. La Zone franc repose ainsi sur des « Accords de coopération » bilatéraux entre la France et les deux unions monétaires ce qui peut faire croire à un rôle de la France dans l’émission des deux Francs CFA. Or ces accords n’ont de monétaire que le nom : ce sont des accords entre États qui prévoient dans certaines circonstances une assistance de l’Etat français (et non de la Banque centrale ce qui a permis que ces accords ne soient pas affectés par l’Union monétaire européenne) pour pallier un manque temporaire de réserves de changes. Il est également écrit dans ces accords de coopération que l’Etat français « donne une garantie de convertibilité à la monnaie ». Cette formulation, héritée du système précédent n’a plus guère de rapport avec la réalité de deux monnaies, les FCFA qui sont inconvertibles.
Enfin, le mécanisme qui sous-tend cette assistance est un compte ouvert auprès du Trésor français, dont l’intitulé, « compte d’opérations » est aussi un héritage du passé colonial.
Ces formulations surannées et immuables masquent une réalité qui est simple dans son principe. Lorsque les deux unions monétaires qui émettent le FCFA n’ont plus de réserves de changes, l’Etat français leur en prête sans conditions, ni limites, par un découvert sur le compte que les deux banques centrales ont ouvert auprès de lui. En ce sens, les mécanismes de la Zone franc s’apparentent à de l’assistance à la balance des paiements, comme en fournit le FMI ou les arrangements financiers régionaux à cette différence près que cette assistance est illimitée et inconditionnelle. Ce sont ces deux caractéristiques qui ont permis à ce système de garantir un taux de change fixe crédible des deux FCFA vis-à-vis du Franc puis de l’Euro. Ce sont ces deux caractéristiques porteuses d’un risque important pour la France qui justifient également des mesures de précaution pour limiter l’occurrence de ce risque, c’est-à-dire celui d’un découvert : dépôt de précaution, indicateurs d’alerte, etc.
Débarrassée de ses oripeaux coloniaux, la Zone franc peut ainsi apparaître sous le jour plus moderne d’un arrangement financier régional, cautionnant le choix d’un régime de change fixe, ce qu’elle a fait avec succès. Reste la vraie question, le vrai débat sur ce choix d’un régime de changes fixes, une rigidité qui s’ajoute à celle des unions monétaires (une parité fixe et irrévocable entre les pays membres de chaque union) et à la parité unique des deux FCFA. Ce débat mérite lui, d’être ouvert sans a priori.
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