Climat : en attendant Copenhague edit
La conférence internationale sur le changement climatique se rapproche. Il n’est pas inutile de se demander quels en sont les enjeux majeurs pour l’Europe. Cette conférence qui se tiendra à Copenhague en décembre doit mettre un terme au cycle de négociations entamées à Bali en 2007 et dégager un accord au niveau mondial sur des objectifs de réductions des gaz à effet de serre (GES) pour l’après-Kyoto. Y parviendra-t-elle ?
Le Protocole de Kyoto, signé en 1997, a pour objectif une réduction des émissions de GES de 5% sur la période 2008-2012 pour les pays industrialisés inclus dans l’annexe I. Pour la période s’ouvrant après 2012, aucun accord n’est pour l’instant en place, et dans l’hypothèse d’un échec des négociations à Copenhague aucun processus ou "Plan B" n’est prévu. Il est donc essentiel d’assurer la signature d’un accord mondial à la conférence de Copenhague incluant d’une part tous les grands pays industrialisés (et au premier chef les États-Unis qui n’avaient pas ratifié le Protocole de Kyoto), et d’autre part pour la première fois les pays en voie de développement dont les activités économiques et les perspectives démographiques constitueront de véritables défis pour les prochaines décennies. Tel est l’enjeu majeur de 2009, tant pour l’Europe que pour tous les autres pays qui se sont résolument engagés à combattre le changement climatique.
Quelles sont les clés d’un accord mondial en 2009 ? Il s’agit tout d’abord pour les pays industrialisés de tenir leurs promesses d’aides aux pays en voie de développement dans le dossier de l’adaptation aux impacts du changement climatique. Après maintes années de discussions, la conférence de Poznan de décembre dernier a enfin permis une meilleure utilisation des fonds alloués à l’adaptation qui, bien qu’encore très insuffisants, n’en restaient pas moins très difficiles d’accès jusqu’à présent. Cet engagement doit être confirmé en 2009 pour proposer des outils et des ressources à la hauteur des défis qui se posent, sans quoi les pays en voie de développement, qui sont les plus fortement touchés par le changement climatique et les plus vulnérables, ne s’engageront pas à réduire leurs propres émissions de GES. Or, il est impératif que de telles politiques d’atténuation soient rapidement envisagées par ces pays, et en tout premier lieu la Chine, l’Inde ou le Brésil, car ils représenteront dans un avenir proche une part majoritaire des émissions mondiales. Par exemple, la Chine a d’ores et déjà dépassé en 2008 l’Allemagne en termes de richesses économiques et les États-Unis en termes d’émissions de dioxyde de carbone (CO2).
Le sérieux des propositions des pays industrialisés sur les questions d’adaptation est donc une clé essentielle du succès des négociations à venir, et constitue le préalable à tous progrès sur un accord de réduction des émissions de GES incluant les pays en voie de développement. L’enjeu stratégique pour l’Europe sera de continuer à peser de tout son poids et de toute sa force de proposition dans le domaine de l’adaptation (et en matière de prévention des catastrophes) comme elle a su le faire en proposant des objectifs ambitieux de réductions des émissions, et ce en s’appuyant intelligemment sur la nouvelle dynamique qui résultera du retour des États-Unis à la table des négociations. Le corollaire, bien évidemment, sera de convaincre ses partenaires que la nécessité de l’aide à l’adaptation relève d’une responsabilité historique et que le développement économique dans les pays en voie de développement représente une opportunité à saisir pour un transfert efficace de technologies plus propres.
Accord mondial incluant les pays en voie de développement, sérieux des propositions sur les questions d’adaptation, quoi d’autre ? Il est un domaine d’une importance capitale, celui du mode de calcul et de définition des objectifs de réduction des émissions. Il faudra tout d’abord que ces objectifs soient chiffrés, ce qui par le passé a posé un certain nombre de problèmes. Se rappelle-t-on de la feuille de route de Bali ? Une solution intermédiaire avait été adoptée, le texte final faisant référence seulement dans une note de bas de page à une page spécifique du 4ème rapport d’évaluation du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui à son tour mentionnait une possible fourchette de réduction d’émissions au niveau mondial. Cette pirouette avait satisfait toutes les Parties à la Convention-cadre des Nations Unis car elle permettait toutes les interprétations possibles : les uns se félicitaient du renvoi au rapport du GIEC tandis que les autres soulignaient qu’aucune mention chiffrée n’apparaissait dans le texte adopté.
Il faudra ensuite que les objectifs soient définis par rapport à des années et des indicateurs de référence clairement identifiés. À ce jour, peu de pays ont proposé pour l’horizon 2020 des réductions d’émissions par rapport à une année de référence passée (l’Europe faisant exception en la matière puisqu’elle s’est engagée de façon unilatérale à réduire ses émissions d’au moins 20% par rapport à 1990). Un grand nombre de pays souhaite plutôt s’engager par rapport à un scénario de référence, c’est-à-dire par rapport aux émissions que l’on constaterait en 2020 si aucune politique n’était mise en œuvre. Or, qui peut bien dire quelles seraient ces émissions ? Personne et cela laisse par conséquent un champs d’interprétation très large à ces pays, leur permettant à la fois un effet d’annonce quant aux politiques envisagées et des réductions partiellement en trompe-l’œil.
Enfin, il est fondamental de souligner à quel point la mise à disposition de travaux scientifiques de référence est essentielle pour nourrir le débat politique sur le changement climatique. Les préparatifs du 5ème rapport d’évaluation du GIEC, prévu pour 2013, commenceront dès 2009 et l’enjeu pour l’Europe dans ce domaine sera de s’assurer que le groupe d’experts (qui a été co-lauréat du Prix Nobel de la paix en 2007, notamment pour son 4ème rapport d’évaluation) puisse continuer à jouer pleinement son rôle de soutient aux travaux des organes de la Convention-cadre et anticipe les questions clés qui se poseront ces prochaines décennies.
Malgré l’apparente simplicité des questions discutées ci-dessus, chacune constitue en réalité un défi d’une grande complexité technique et diplomatique. S’ils s’avéraient être relevés en 2009, le futur accord mondial aurait une portée immense, doté d’une crédibilité à la fois politique et scientifique. Dès lors devons-nous être optimistes pour la conférence de Copenhague ? Oui car la pression politique n’aura jamais été si élevée et il est probable qu’un accord sera trouvé. Cependant, celui-ci ne contiendra que très peu de détails sur sa mise en application. Il sera donc nécessaire dès 2010 de mettre en place un processus nouveau de négociations techniques qui pourrait fortement ressembler à celui du Protocole de Kyoto, qui dura quatre années avant de déboucher sur les Accords de Marrakech. Si la conférence de Copenhague se termine donc le 18 décembre 2009 par la signature d’un accord, le plus dur aura été fait… et restera à faire!
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