À quoi sert le Conseil des droits de l’homme ? edit
Le Conseil des droits de l’homme des Nations-Unies siège depuis 2006. Il a été mis en place pour mettre en œuvre un « examen périodique universel », qui vérifie régulièrement les efforts réalisés par les 192 États-membres de l'ONU sur le chapitre des droits de l’homme. Ce nouveau mécanisme sera-t-il plus efficace que ceux qui l'ont précédé ? On peut aujourd'hui en faire un premier bilan.
L'examen périodique universel est un mécanisme coopératif, fondé sur une information fiable et objective, ainsi qu’un traitement égal de tous les États. L’idée est d’impliquer les pays examinés, sans pour autant représenter pour eux une charge trop importante. Si cet examen a été créé, c’était pour répondre aux critiques de partialité, de sélection et de doubles normes qui étaient régulièrement adressées à l’ancienne Commission des droits de l’homme. La Commission était notamment accusée de ne cibler que les pays où les démocraties occidentales n'avaient pas beaucoup à perdre. Elle s’intéressait aux îles Fidji, mais beaucoup moins à la Chine ou, depuis le début de la Global War on Terror, aux États-Unis. Les abus dans les démocraties, considérés comme bénins au regard des massacres perpétrés dans d’autres parties du monde, ne suscitaient guère l'attention du Conseil, ce qui libérait ainsi les démocraties occidentales de la critique multilatérale.
L'idée originale était donc d'établir un mécanisme qui amènerait un examen régulier de tous les pays. Cette idée n'était pas notamment nouvelle : la Commission avait aboli en 1981 un mécanisme similaire qui avait fonctionné pendant 25 ans. La France, dans les années 1950, avait proposé un système de rapports sur la mise en œuvre effective de la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le mécanisme adopté alors laissait aux États-membres la possibilité de préparer leurs rapports de la façon qu'ils souhaitaient. Le processus prenait du temps et n’était guère efficace, ce qui conduisit à son abandon.
Plus de 25 ans plus tard, l'Assemblée générale de l’ONU a décidé que chaque année 48 pays, parmi lesquels des membres en activité du Conseil des droits de l’Homme, fassent l’objet d’un rapport qui vérifie s’ils ont rempli leurs engagements et leurs obligations en matière de droits de l’homme. Il faut noter que les États en question ne sont pas examinés au regard des normes internationales, mais à l’aune de leurs devoirs et de leurs engagements, ce qui limite l’examen aux traités qu'un État a ratifiés ou auxquels il a adhéré. Ces évaluations impliquent non seulement des données fournies par les États concernés, mais aussi des contributions des organismes des Nations Unies et d’autres organisations, y compris les ONG.
La première série d’examens a été reportée à plusieurs reprises, ce qui a mis en doute sa crédibilité ; mais son achèvement au mois d'avril 2008 a été largement considéré comme positif.
Les associations de défense des droits de l’homme et autres organisations de la société civilee se sont activement engagées dans le processus et elles ont communiqué leurs observations au Bureau du Haut Commissaire aux droits de l'homme, fournissant des informations et critiques nombreuses et pertinentes. Beaucoup d’États se sont engagés dans des échanges avec la société civile au cours de la préparation de leurs rapports nationaux. On notera qu’un des outils de l’ancienne Commission n’a pas été repris par le Conseil. La Commission avait conseillé à ses membres d’établir un organe consultatif pour aider à la préparation de leur rapport annuel. Cet organe consultatif était censé être composé de personnes expérimentées et compétentes. Une telle recommandation (voire obligation) aurait certainement pu renforcer l'impact effectif de l’examen périodique universel, et elle aurait plus particulièrement encouragé au niveau national un authentique dialogue sur les politiques de droits de l’homme.
Le processus a été mené au plus haut niveau des États. Y ont participé de nombreux ministres des pays en voie de développement, et pour les pays développés des représentants du niveau de secrétaire d'État. Les représentants ont présenté leur rapport national et répondu aux questions des autres États-membres pendant une heure pour chaque pays. Ils étaient dans de nombreux cas accompagnés d'un grand groupe de délégués ministériels. Cela a permis une discussion non seulement entre les diplomates des ministères des Affaires étrangères, mais aussi entre les représentants des institutions en charge des droits de l’homme nationales ou représentants des ministères de la Justice. Ce est important, car l’un des problèmes du Conseil (et auparavant de la Commission) a été que les discussions genevoises entre diplomates n’avaient souvent pas le moindre impact dans les capitales.
Même si tous les membre n’ont pas posé des questions embarrassantes, la plupart étaient sérieuses et pertinentes. Par exemple, le Bangladesh a demandé au Maroc plus d'informations sur ses initiatives politiques pour promouvoir les droits de l'enfant, tandis que le Koweït s’intéressait plus particulièrement aux objectifs du Plan national pour l'enfance 2006-2015. Le Pakistan a demandé à l’Équateur des détails sur l'amélioration des conditions de vie des Afro-Équatoriens. Toutefois, le cas tunisien fait apparaître que sur 64 interventions des autres États-membres, plus de 50 (principalement les pays musulmans) ont félicité la Tunisie pour ses succès en matière de droits de l’Homme.
Les délégués européens ont aussi, il faut le noter, posé quelques questions difficiles à leurs homologues – des politiques homophobes en Pologne aux droits des minorités en Roumanie. La plupart des questions adressées aux membres de l’UE par les autres pays ont concerné l'immigration et les droits des migrants, ainsi que le rôle de droits de l’Homme dans le combat contre le terrorisme. Par exemple, le Pérou, le Guatemala, l’Algérie et l’Égypte ont recommandé à la Hollande de ratifier la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille (ICRMW). La Hollande refuse, au motif que la Convention exige d’offrir aux migrants légaux et illégaux le même niveau d'accès à la sécurité sociale, aux services de santé et à l'éducation. La France a été critiquée pour ne pas disposer de statistiques ethniques dans le champ économique et social. Alors que la critique adressée à la Hollande peut être formulée en termes économiques (le pays ne veut pas pour payer les migrants illégaux), le cas français est plus délicat, car le choix de ne pas publier de statistiques ethniques reflète précisément une certaine conception des droits de l’homme. Expliquer et défendre cette position devant les autres États-membres est délicat : comment ne pas se référer à la tradition ou à la culture française ? Or, un argument ainsi fondé permettrait inévitablement à d'autres pays de se référer à leurs traditions et à leur culture pour expliquer leur propres manquements, certainement plus graves. Aussi la réponse donnée par les Français est-elle restée évasive.
Mais précisément, ce genre de moments et de discussions pourraient bien stimuler de nouvelles réflexions, voire une nouvelle pensée parmi les partenaires impliqués dans le processus. Si la France par exemple doit prendre le processus au sérieux, elle doit développer une réponse satisfaisante, compréhensible et accessible à tous les participants.
Une inquiétude demeure sur la suite donnée au processus : les États-membres prendront’ils en compte les critiques exprimées ou passeront-ils outre ? Sur ce plan, les États européens ont un rôle important à jouer en prenant le processus au sérieux et en prenant en compte les critiques émises par les autres États et les ONG. Par ailleurs, les États-membres agiront-ils conformément aux informations fournies ? Les donateurs européens, par exemple, sont-ils prêts à lier ce processus à leurs subventions aux pays concernés ? Ainsi l'Équateur a demandé de l'assistance pour mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été faites. Les diplomates européens de Genève prennent-ils assez au sérieux l’examen pour mobiliser leurs homologues des ministères du Développement ?
Les perspectives du nouveau mécanisme sont meilleures que prévu, mais rien n'exclut aujourd’hui qu’il ne connaisse le même destin que son prédécesseur. Pour le rendre crédible, les processus de mise en œuvre et de suivi doivent être pris au sérieux par tous les acteurs. Et peut-être la prochaine fois les Européens pourront-ils envoyer des ministres et de plus grandes délégations.
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