En 2012 Sarkozy devra prôner la rupture ! edit
Rappelez-vous l’an dernier. Le modèle français était en train de faire la preuve de sa supériorité sur le « marché à tout va » anglo-saxon. Même Nicolas Sarkozy, qui avait bâti sa campagne sur le thème de la rupture avec un modèle français obsolète, a changé de casaque et s'en est allé donner des leçons à ses « amis » Barack et Gordon. C’est vrai que le poids de l’État et l’importance du filet social ont puissamment amorti le choc. Le chômage a explosé aux États-Unis et en Grande-Bretagne, il a simplement augmenté en France. Victoire totale, donc ?
Peut-être pas, hélas. Déjà arrivent les premiers chiffres de la désillusion. Le FMI vient de sortir ses dernières prévisions. Ce sont des prévisions, pas des faits, et les prévisionnistes ne cessent de revoir leur copie depuis deux ans, donc rien de ferme. Mais c’est sans doute ce qu’on a de mieux pour l’instant. D’après ces estimations, le PIB de la France a reculé en 2009, à peu près comme celui des États-Unis, bien moins que ceux de la Grande-Bretagne et de l’Allemagne (qui n’a rien à nous envier en matière de protection sociale). Pour 2010, le FMI prévoit une reprise plutôt vigoureuse aux États-Unis, médiocre en France et en Grande-Bretagne, et encore plus médiocre en Allemagne. À l’horizon 2011, devinez qui végète en queue de peloton ? La France.
Encore une fois, ce ne sont que des prévisions, mais elles correspondent à une logique qui pourrait s’avérer solide : ce qui nous a fait du bien à court terme va nous pénaliser à long terme. Quatre caractéristiques principales du modèle français sont en jeu. D’abord un système de protection sociale qui décourage les licenciements et donc la vitesse de réaction des entreprises et la mobilité de la main d’œuvre. C’est exactement ce qu’on veut en période de récession. Mais en période de croisière, c’est un frein à la croissance et l’une des causes structurelles de la piètre performance de notre marché de l’emploi. La France se distingue par un taux de chômage incompressible, de l’ordre de 7 à 8%, d’autant plus inacceptable qu’il se concentre sur certains segments de la population. Quand 25% des jeunes ne peuvent pas trouver pas d’emploi, la désespérance s’installe dans les familles et la colère domine dans les banlieues. Le prix économique et social à payer pour notre (relativement) bonne performance de ces deux dernières années est parfaitement excessif.
Une autre caractéristique est le poids de l’État. Quand la crise génère l’anxiété, les ménages réduisent leurs dépenses et les entreprises coupent brutalement leurs achats d’équipements productifs, mais les dépenses publiques continuent, impériales, sur leur lancée, y compris et surtout les salaires des fonctionnaires. Comme elles sont importantes, l’effet stabilisateur est conséquent. Mais hors crise, le train de vie de l’État est financé par des prélèvements obligatoires qui pénalisent la croissance.
La troisième caractéristique est l’interventionnisme des gouvernements. On a offert des subventions pour acheter des voitures neuves – les États-Unis et l’Allemagne on fait la même chose – ce qui revient à subventionner l’industrie automobile. Comme c’est un gros employeur, maintenir l’activité dans ce secteur fait du bien quand tous les autres sont en débandade. Mais après ça, on interdit à Renault de produire des Clio en Turquie, ce qui va fragiliser l’entreprise de manière durable lorsqu’elle se trouve en concurrence aiguë avec d’autres entreprises qui ont les coudées franches pour produire au moindre coût.
Enfin, les gouvernements ont toujours beaucoup de mal à considérer les banques comme des entreprises privées. On a injecté des sommes conséquentes dans les banques pour éviter un effondrement qui aurait été fatal à toute l’économie. Mais on le fait gentiment, sans prendre de contrôle. Un geste amical. En retour, on demande une distribution abondante du crédit, ce que l’ami omet de faire. Mais surtout, on ferme les yeux sur les actifs toxiques et on triture les règles comptables pour que ça ne se voie pas. Résultat probable, même si le secret est bien gardé : certaines de nos banques sont probablement bien trop malades pour suivre et soutenir la reprise qui démarre. Si c’est bien le cas, nous aurons des banques zombies, comme au Japon depuis sa crise des années 90, qui a été suivie par deux décennies de croissance nulle.
Peut-être que Sarkozy a toujours eu raison : le candidat pense que le modèle français est mauvais car il pénalise la croissance à long terme, mais le président juge qu’il est bien utile à court terme en cas de grosse panne. Dans ce cas la prochaine campagne devrait être sur le thème de la rupture !
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