L’UMP en danger edit
L’issue de l’élection présidentielle ne fait guère de doute ; François Hollande devrait être élu président de la République le 6 mai prochain. Mais le chemin de croix de l’UMP ne s’arrêtera pas là. Les élections législatives de juin pourraient être catastrophiques pour ce parti. En effet, le niveau atteint par le Front national à l’élection présidentielle, nationalement et régionalement, lui permettra de se maintenir au second tour de scrutin législatif dans un grand nombre de circonscriptions, donnant ainsi la victoire à la gauche.
Le seuil de 12,5% des électeurs inscrits fixé pour pouvoir se maintenir au second tour, avec une abstention de l’ordre de 25-30% au premier tour, situe ce seuil à 16-18% des suffrages exprimés. Ce seuil pourra donc être atteint par les candidats du FN dans un grand nombre de circonscriptions. La multiplication des triangulaires sera alors fatale à l’UMP. Elle pourrait permettre au Parti socialiste de remporter la majorité absolue à l’Assemblée nationale.
Cette situation, qui marque l’enracinement du FN à un haut niveau en France, place l’UMP dans une situation très difficile pour l’avenir. Les deux options qui s’offrent à elle sont toutes les deux grosses de dangers. Refuser tout rapprochement avec le FN peut empêcher ce parti de revenir au pouvoir pour une longue période. L’accepter peut entraîner l’éclatement de l’UMP et la fin de sa domination sur la droite. Certes, elle pourra se refaire une santé dans l’opposition et le mode de scrutin législatif empêche le Front national de conquérir un nombre significatif de sièges de députés. Mais le FN peut poursuivre sa politique de destruction de l’UMP jusqu’à ce qu’il parvienne à casser ce parti et recomposer la droite française à son profit. En outre en se posant comme la véritable opposition populaire, nationale et xénophobe à une gauche présentée comme élitiste, cosmopolite et libérale, le FN tente de réorganiser le clivage politique central autour de l’opposition entre la gauche et lui-même. Certes, une telle ambition est loin de pouvoir être satisfaite facilement, mais elle met en tous les cas l’UMP en danger pour une longue période.
Cette situation nouvelle ne concerne pas seulement l’UMP. La gauche elle-même y sera confrontée. En effet, le premier tour de l’élection présidentielle peut être analysé de deux manières différentes. À première vue, il s’agit d’un combat gauche/droite qui devrait s’achever le 6 mai par une victoire de la gauche. Mais en réalité il s’agit aussi et peut-être même surtout, même si elle a été volontairement caché par les deux grands partis de gouvernement, d’une opposition entre d’un côté ces deux partis qui savent que l’avenir de la France est dans une Europe de plus en plus intégrée et donc dans l’acceptation de règles budgétaires contraignantes, et d’un autre côté ceux, FN et FG, qui pensent que la France peut échapper aux contraintes de la mondialisation, des marchés et des règles européennes et qui estiment que la France doit refuser son intégration à l’ « Europe libérale » et reconquérir sa pleine souveraineté. Or la prégnance du clivage gauche-droite interdit de donner une consistance politique à ce second clivage, la gauche estimant avoir besoin de la gauche eurosceptique et la droite étant dans la même situation par rapport à la droite eurosceptique. La formation d’une grande coalition des partis de gouvernement paraissant impossible, au moins dans un avenir prévisible, c’est tout seul que le Parti socialiste va être confronté aux contradictions profondes entre la contrainte européenne et l’opinion française qui rapidement risque de s’opposer aux décisions que le gouvernement socialiste devra prendre pour demeurer un acteur de la construction européenne et échapper à une faillite financière qui, si elle n’est pas la situation la plus probable, ne peut cependant pas être totalement écartée.
Ainsi, paradoxalement, l’intérêt réel du parti socialiste n’est pas la destruction de l’UMP, même s’il est plus facile de battre le FN que ce parti. L’alternance entre deux partis de gouvernement est préférable au tête à tête entre les socialistes et le parti de Marine Le Pen, le Front de gauche ayant montré ses limites comme structure d’accueil des classes populaires inquiètes de l’avenir et décidées à s’opposer aux conséquences de la mondialisation. Ainsi, dans un premier temps, la poussée du Front national est un gage de victoire pour les socialistes. Mais ils auraient bien tort de penser que leur ennemi principal est l’UMP. Ils vont se sentir bien seuls avec 29% des voix pour affronter les énormes défis auxquels ils sont confrontés, même si ils remportent triomphalement les élections du printemps 2012. Finalement, le score du Front national est une mauvaise nouvelle pour tous ceux qui pensent que la modernisation de la France passe par son ouverture au monde et non sur un repli national, certains disent aujourd’hui patriote. N’en déplaise à Marine le Pen et Jean-Luc Mélenchon, les véritables frontières de la France ne sont plus le Rhin, les Alpes et les Pyrénées. La véritable défense de la patrie s’organise aujourd’hui sur des frontières beaucoup plus larges. Les véritables patriotes ne sont pas ceux qui font mine de l’ignorer !
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