Le sort peu enviable des jeunes sans diplôme edit
La crise des banlieues est étroitement liée à la situation des jeunes sans diplôme, auxquels les plans d'action devraient accorder une attention toute particulière afin de les sortir de l'impasse.
L'enquête Emploi atteste qu'entre 2003 et 2004, le chômage a augmenté essentiellement chez les jeunes : le taux de chômage des 15-24 ans a progressé de près d'un point, passant de 16,5% en 2003 à 17,4% en 2004, alors qu'il est resté stable pour les autres tranches d'âge. Mais au sein des jeunes les différences sont considérables. Le chômage se concentre sur ceux qui ont la formation initiale la plus faible. Il frappait en 2004 24% des jeunes de niveau BEP ou CAP, 38% des jeunes de niveau troisième, et 43% des jeunes sans aucun diplôme. Ensemble, ces trois catégories représentaient une masse de 348 000 chômeurs.
L'analyse rétrospective des statistiques révèle en outre la résistance du chômage des jeunes sans diplômes même en cas de reprise de l'emploi, comme celle sans précédent que la France a connue entre 1997 et 2001. Alors qu'entre ces deux dates le taux de chômage des jeunes possédant un diplôme du 2e cycle était tombé de 19% à 6%, celui des jeunes sans diplôme n'avait fléchi que de 40% à 35%. Tout se passe comme si les moins diplômés se trouvaient relégués en queue des files d'attente à l'embauche et étaient condamnés à rester au chômage tant que l'on n'approchera pas du plein emploi.
Le chômage des jeunes est en outre fortement polarisé dans l'espace urbain. Ainsi pour les 15-24 ans résidant dans les Zones urbaines sensibles (ZUS), le taux de chômage atteignait 36% chez les hommes et 41% chez les femmes, soit plus de deux fois la moyenne nationale de cette tranche d'âge.
Si l'on considère le niveau de formation, une analyse plus fine montre que les jeunes sans diplôme ou possédant au plus le CEP sont surreprésentés dans les ZUS et y connaissent en outre un taux de chômage qui est près de 2 fois supérieur à la moyenne nationale relative à ce niveau.
Last but not least, le chômage frappe plus durement les jeunes étrangers de nationalité non européenne. Pour ces derniers, en 2004, le taux de chômage atteignait 39% hors ZUS et 51% en ZUS. Il faut ajouter, comme le soulignait déjà le Haut Conseil à l'intégration dans son premier rapport de 1993, que les difficultés d'insertion sur le marché du travail s'étendent, au-delà du seul critère de la nationalité, aux enfants d'immigrés qui possèdent la nationalité française. A partir d'enquêtes telles que par exemple l'enquête Trajectoire des demandeurs d'emploi et marchés locaux du travail, il a pu être établi que les personnes de nationalité ou d'origine étrangère connaissent à la fois un risque plus élevé de chômage et une difficulté plus grande à retrouver un emploi ; et que le fait d'habiter en ZUS accroît encore cette difficulté.
Plus que jamais, les jeunes non diplômés, particulièrement nombreux dans les " quartiers d'exil " sont donc triplement stigmatisés, en raison de leur faible qualification, de leur lieu de résidence et, bien souvent, de la couleur de leur peau.
Les tensions n'ont cessé de monter. Fin octobre 2005, un détonateur a provoqué l'explosion. Les quartiers sensibles se sont embrasés une fois de plus, mais cette fois la contagion s'est propagée comme une traînée de poudre. Le pays a redécouvert cet environnement difficile dans lequel vit une population nombreuse, qui est loin de se résumer à des bandes de jeunes émeutiers. C'est à cette population dans son ensemble que doit s'intéresser la politique de lutte contre la ségrégation urbaine et pour l'intégration sociale. A cet égard, il est indiscutablement positif et bienvenu de montrer que " nos banlieues ont du talent " de multiplier les bourses au mérite, d'ouvrir des filières pour permettre aux élèves des ZEP d'accéder aux grandes écoles, de lutter enfin avec détermination contre les discriminations.
Mais les jeunes qui viennent de se révolter ne peuvent pas être implicitement abandonnés à eux-mêmes, comme une tranche d'âge sacrifiée. La fermeté et la lutte contre les activités illicites ne sont qu'une partie de la réponse ; encore faut-il leur offrir d'autres perspectives.
Le gouvernement a annoncé de nombreuses mesures, plus ou moins bien accueillies : la modulation des moyens dans les ZEP avec notamment la labellisation " ambition réussite " des collèges les plus difficiles ; l'apprentissage à 15 ans ; le développement du contrat d'insertion dans la vie sociale (Civis) ; le service national volontaire ; l'entretien personnalisé des jeunes à l'ANPE ; l'accès du " contrat jeunes en entreprise " à tous les jeunes ; le démarrage opérationnel (enfin !) de la Haute autorité de lutte contre les discrimination et pour l'égalité (Halde) et le renforcement des ses pouvoirs d'intervention ; l'exhortation aux partenaires sociaux en faveur de chartes de la diversité ; sans parler du redéploiement (fort discuté) du dispositif de prévention, etc.
Mais devant ce foisonnement, des interrogations subsistent par rapport aux jeunes qui sont les plus en difficulté. Ces mesures les concernent-elles vraiment ? Sont-elles adaptées à leur situation ? Sont-elles convenablement coordonnées ? Sont-elles à la bonne échelle étant donné la masse de ces jeunes ? Le cas suraigu des jeunes sans diplômes, concentrés dans les banlieues, requiert d'urgence un plan conséquent que l'on ne voit pas se dessiner.
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