Syndicats : à la recherche d’un nouveau management edit
Les organisations syndicales françaises sont composées de plusieurs strates : sections syndicales d’entreprise, syndicats professionnels, unions territoriales, fédérations professionnelles, et enfin confédération. Une confédération, c’est à la fois cet ensemble de structures qui forme alors un groupe et la structure faîtière de l’ensemble. Le rôle et l’intervention de cette dernière, c'est-à-dire le niveau confédéral, n’ont cessé de se développer depuis 30 ans. Différentes raisons concourent à cette croissance. Il y a bien sûr l’organisation politique et sociale du pays et sa gestion centralisée qui privilégie le niveau national et les solutions générales. Il y a enfin cette vieille culture de l’affrontement avec l’Etat pour en obtenir satisfaction et cette vision que le changement passe par des décisions de sommet. (Accords de Grenelle, de Varennes, etc.)
Mais des événements plus récents interviennent dans la progression de l’intervention des confédérations. Depuis 30 ans, les gouvernements lancent ou entament des réformes et de faire adopter des lois dans le champ social, initiatives qui ont alors accéléré le rythme des concertations préalables à l’adoption de ces réformes. Limitées ou non, adoptées ou non, ayant ou non créé des conflits avec les organisations syndicales ou certaines d’entre elles, ces réformes ont été l’occasion de confrontations plus ou moins approfondies avec les responsables syndicaux confédéraux. Cette multiplication de l’intervention de l’Etat a fini d’ailleurs par poser la question de la place des partenaires sociaux et de l’évolution des modes du dialogue macro-social.
Ces initiatives des pouvoirs publics ont entraîné et entrainent encore une forte activité des personnels confédéraux : élaboration des positions, suivi des textes en préparation, lobbying, communication interne et externe, relations voire négociations avec les autres organisations syndicales et patronales, les grandes associations, réactions aux prises de décisions du pouvoir politique.
Cette activité centrée vers l’Etat est allée de pair avec celle de la négociation nationale interprofessionnelle. Sous l’impulsion ou non de l’Etat, les organisations centrales patronales et syndicales mènent depuis plusieurs années, une sorte de négociation permanente. Les thèmes se succèdent : certains traditionnels comme le renouvellement de l’assurance chômage ou des retraites complémentaires, certains récurrents comme les ajustements de la formation professionnelle, d’autres enfin nouveaux. Ces derniers ont traité de la représentativité syndicale, du marché du travail, mais aussi de l’emploi des seniors, de l’égalité professionnelle entre les hommes et les femmes, etc. Quelles que soient les retombées de ces négociations et de ces accords, ils ont réclamé et réclament une énergie importante des responsables confédéraux. Préparer les positions avec les différentes structures internes et l’aide d’experts, les faire adopter par les instances internes des organisations, en débattre publiquement, négocier durant des mois, rendre compte en interne, signer et diffuser l’accord par différents moyens.
On rappellera ici la multiplicité des institutions paritaires qui, absorbe aussi des mandats et des énergies, face à des dossiers toujours plus complexes.
Ces deux formes d’activités peuvent enfin donner lieu à des initiatives d’action : journées nationales, manifestations, etc. où là encore les appareils confédéraux sont pleinement mobilisés.
Ce rythme des initiatives étatiques et contractuelles est à la fois le prix de réformes longtemps repoussées et qui finissent par s’imposer en urgence et la conséquence des évolutions économiques et sociales : hausse du chômage, déficits des comptes sociaux. Il est aussi créé par l’enchaînement des nouvelles majorités politiques qui accordent peu d’intérêt à la continuité de la conduite du social.
Mais au-delà des raisons, des formes et des contenus de ces activités, elles structurent un processus de surinvestissement du niveau national. Les cadres dirigeants des organisations sont en quasi permanence sollicités soit par une négociation, soit par une concertation. Les medias renforcent ce processus en sollicitant souvent les responsables confédéraux. L’image du syndicalisme devient alors celle de cette intervention centrale des confédérations.
A l’opposé de ce mouvement centripète qui renforce le poids des confédérations, on découvre un autre mouvement : celui des conséquences de la décentralisation de la négociation. Depuis 1982, la négociation d’entreprise n’a cessé de progresser. Réduite à quelques milliers à cette date, l’administration du travail dénombre aujourd’hui près de 35 000 accords d’entreprise ou assimilés. Cette croissance a été déclenchée au départ par la loi de 1982 sur l’obligation de négocier,. Mais le succès de la négociation d’entreprise se doit aussi à d’autres raisons. La première est celle du besoin managérial d’adapter les conditions d’emploi à la réalité de l’entreprise, besoin qui a trouvé en face des représentants syndicaux désireux d’être responsables et de se construire alors un rôle positif. L’autre raison est que des lois et des accords nationaux ont désigné les entreprises pour déterminer les modalités et mettre en œuvre par la négociation différentes obligations ou différents objectifs. Durée du travail, épargne salariale, discriminations, pénibilité, mais aussi plan social, etc. ont été ainsi des thèmes où la négociation d’entreprise était requise. La négociation d’entreprise s’est à la fois étendue à un plus grand nombre d’entreprises et cette négociation s’est diversifiée et complexifiée par l’irruption de différents thèmes. Dans une partie des entreprises au moins,- car les TPE et nombre de PME sont de facto hors course, faute d’implantation syndicale et de structure de représentation propres - la négociation est devenue régulière et la concertation permanente.
A côté de cette évolution de la négociation, le rôle des comités d’entreprise et plus tard des CHSCT, s’est lui aussi accru. Le nombre des informations et celui des consultations obligatoires, a été multiplié renforçant l’intervention des militants de ces instances dans des domaines de plus en plus diversifiés, (RSE, stress, etc.)
Deux attractions, l’une vers le haut, l’autre vers le bas. Cette double tension secoue le management des groupes confédéraux et appelle à des choix de stratégie interne.
Il leur faut réfléchir d’une part à la meilleure façon de faire progresser leurs structures intermédiaires que sont les fédérations et unions territoriales, les rendre plus visibles et leur offrir un plus grand rôle. Il leur faut dans le même temps investir dans la qualification de leurs équipes d’entreprise de façon à ce qu’elles soient à la fois autonomes, efficaces et solidaires du sommet.
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