Italie : les réformes, c'est maintenant ou jamais edit
On le sait, l'économie et les finances publiques italiennes exigent de profondes réformes structurelles. En juillet dernier, le gouvernement identifiait fort justement quatre domaines d'intervention prioritaires. Santé, emploi public, collectivités territoriales et prévoyance : en mettant un terme au gaspillage et à la croissance des dépenses courantes dans ces secteurs, on conjuguerait assainissement et développement. Or, en dépit de ces visées réformatrices, la politique économique italienne semble aujourd'hui dans l'ornière. À vingt jours de la présentation de la loi de finances 2007, des annonces contradictoires se succèdent, en un mélange de conservatisme et de réformisme d'autant plus confus qu'on ne connaît encore ni l'ampleur de l'ajustement, ni la stratégie choisie. Parallèlement, on note une gêne étonnante du gouvernement face aux appels de l'Union Européenne qui, par la voix du commissaire Almunia ou du président de la BCE Jean-Claude Trichet, ne font pourtant que le rappeler à ses propres engagements.
Paradoxalement, ce sont de bonnes nouvelles économiques qui expliquent la confusion actuelle.
Avant tout, il y a eu une forte augmentation des rentrées fiscales entre le Document de programmation économico-financière (DPEF) de 2005 et celui de 2006, du fait de facteurs spécifiques autant qu’à la bonne marche de l'économie. Le chiffre le plus remarquable concerne les finances publiques. Dans les huit premiers mois de l'année, le déficit public n’a pas dépassé 36 milliards d'euros, contre 58 milliards dans la même période en 2004 et 49 milliards en août 2005. Cette évolution positive n'est pas due à des rentrées extraordinaires ; dans le DPEF approuvé en juillet 2006, le gouvernement estimait encore le déficit pour l’année à 59 milliards d'euros. Comme à l’heure qu’il est la croissance du déficit continue à ralentir, cette estimation paraît désormais excessivement pessimiste : en décembre, le déficit ne devrait pas dépasser 45 ou 50 milliards. Alors que le gouvernement prévoyait un déficit de 4%, on peut s’attendre à un chiffre de 3%. C’est une excellente nouvelle, y compris pour la dette publique, puisque ce déficit l’alimente directement, et par voie de conséquence pour les intérêts que nous devrons payer dans le futur.
Nous avons eu aussi de bonnes nouvelles du côté du PIB, avec une croissance 2006 d’abord estimée à 1,5 %, mais qui pourrait atteindre 1,7 ou 1,8 % d’après l’OCDE, la Commission européenne et la Banque d'Italie ; soit le meilleur résultat depuis 2000. On sait par ailleurs qu’une croissance plus forte en 2006 implique davantage de rentrées fiscales en 2007 et donc un déficit plus faible.
Ces bonnes nouvelles ont malheureusement galvanisé l'aile radicale-conservatrice du gouvernement, celle qui milite pour un ajournement de l'ajustement ; ceci alors même que Bruxelles nous rappelait que le déficit prévu par les accords de juillet 2005 était de 1,6 % et que l’ajustement budgétaire devait donc s’élever à 20 milliards (comme prévu dans le DPEF), parce que les entrées imprévues ne changent rien aux problèmes structurels. Le temps nous dira si on peut considérer ces rentrées comme structurelles ; pour le moment, nous sommes en pleine confusion, entre les rappels de Bruxelles et la tentation d’ajourner les réformes. Au sein de la majorité, même ceux qui affirment leur nécessité semblent se résigner. On sait pourtant que c’est quand l’économie va bien que les réformes les plus difficiles, celles qui touchent aux dépenses publiques, ont une chance d’être menées à bien : 70 % des réformes impopulaires conduites en Europe dans les vingt dernières années ont été réalisées dans des périodes où la croissance dépassait 1,5 %. Il est beaucoup plus ardu de réaliser des réformes quand le chômage augmente et que les budgets des entreprises (et des ménages) sont dans le rouge.
Au-delà des appels européens à plus de rigueur, le futur de notre pays dépend des réformes prévues par le gouvernement dans le DPEF. Nous sommes dans une phase de croissance qui ne devrait guère durer. A en croire le président du conseil, l’ancien Pacte de stabilité était stupide, parce que trop rigide ; nous avons à présent un Pacte flexible, qui reconnaît précisément qu'il faut faire plus d'ajustement en période de croissance (good times en argot européen) que de récession (bad times). L'Europe fait bien de nous le rappeler.
Les quelques détails qui filtrent sur la stratégie d’ajustement suggère qu’elle sera centré sur les rentrées (y compris une juste ponction sur les rentes financières), qui ont déjà beaucoup donné. Mais l'expérience des ajustements menés dans les pays de l’OCDE depuis quarante ans nous enseigne que seules les réformes qui portent sur les dépenses publiques permettent d’articuler assainissement et croissance.
Le gouvernement s'est peut-être trompé, en juin, quand il a tant insisté sur le déficit en laissant de côté les problèmes structurels de notre économie (dont le taux de croissance reste inférieur de moitié à celui de la zone euro) et le poids de notre dette publique. Mais ces problèmes demeurent, et le moment est venu de les affronter. Les réformes structurelles sont politiquement impossibles à l’approche des élections. Nous venons de voter, et le gouvernement a devant lui trois ans avant la prochaine consultation. S’il ne réussit pas à imposer des réformes dans cette loi de finances, il ne le fera probablement plus. Romano Prodi a toujours dit qu'il voulait gouverner, et non régner ; n’est-il pas temps de le montrer ?
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