Vers un marché des titres intégré edit
Près de huit ans après l'introduction de l'euro, la zone euro ne dispose toujours pas d'une infrastructure de traitement des titres efficace et intégrée. En juillet 2006, après plusieurs années d'analyse de cet échec, la BCE et la Commission européenne ont décidé d’intervenir. Le Conseil Ecofin vient enfin d’adopter la directive sur l’espace unique de services de paiements. Le marché financier européen est en passe de devenir un véritable marché domestique, n'engendrant aucun coût supplémentaire pour le règlement-livraison transfrontalier.
L’idée générale est de permettre aux acteurs du marché de concentrer en un seul point les liquidités en euros dont ils disposent dans différents pays. Cela permettra de grouper les paiements associés au règlement-livraison de titres auprès des multiples dépositaires centraux de la zone euro. L’Eurosystème offre ainsi aux acteurs du marché un système de règlement-livraison comparable aux systèmes des Etats-Unis et Japon.
L’intervention de la BCE trouve sa raison d’être dans le fait que l’existence de barrières techniques et légales et la concurrence entre les systèmes privés pour le règlement-livraison des titres n'ont pas permis aux forces du marché de développer une plate-forme commune. Techniquement, TARGET2-Securities (T2S) est une plate-forme commune de règlement-livraison de titres. Elle sera connectée à tous les dépositaires centraux de l’UE qui le souhaitent. Au départ, elle servira au règlement des transactions sur les titres libellés en euros, mais l’architecture du système permettra toutefois d’étendre cela ultérieurement à d’autres titres. Tous les marchés connectés pourront opérer en temps réel sur le même moteur de règlement-livraison de titres, fluidifiant ainsi la circulation des titres et de la monnaie. Les relations avec les émetteurs et les investisseurs, qui sont nettement plus hétérogènes, continueront d’être effectuées par les dépositaires locaux.
Notons que l'Eurosystème n'a aucune intention de rendre T2S obligatoire. La capacité de toute banque d’offrir un règlement-livraison en monnaie banque commerciale ne sera en aucun cas remise en cause. Mais la concurrence devrait être favorisée, puisque les participants pourront choisir entre les services de plusieurs dépositaires centraux pour accéder aux titres. De leur côté, les émetteurs pourront potentiellement atteindre un plus grand nombre de participants tout en continuant d’utiliser le dépositaire central qu’ils utilisent aujourd’hui (avec les mêmes procédures qu’aujourd’hui et sous leurs régimes légaux et fiscaux locaux). Par ailleurs, cela augmentera l’attractivité de certains titres, aujourd’hui marginalisés par leur caractère national, en les rendant disponibles sur l’ensemble du marché euro. Enfin les investisseurs bénéficieront aussi de plus grandes opportunités de diversification de leurs portefeuilles.
Une étude de la Commission publiée en mai 2006 avait quantifié le lien entre réduction des coûts transfrontaliers du règlement-livraison des titres et le revenu national. Cette étude montre que si les coûts totaux du règlement-livraison des actions devaient se réduire de 10%, il en résulterait une augmentation du produit national brut de l'ordre de 0,3%, à un horizon de dix ans, ce qui est tout à fait considérable s’agissant de ce qui pourrait apparaître en première analyse comme une simple facilité technique.
Un marché se passe difficilement de règles, et c’est là qu’intervient la deuxième innovation majeure. Au lieu de proposer au Conseil et au Parlement une directive pour la régulation du secteur, La Commission européenne a préféré dans un premier temps laisser l'industrie prendre le devant et lui donner la possibilité de s'autoréguler. Le Code de bonne conduite que les infrastructures de marché (bourses, contreparties centrales et dépositaires centraux de titres) ont signé en novembre 2006, sous l'impulsion de la Commission a pour objectif d'améliorer la concurrence et la compétitivité dans ce secteur. En signant ce Code, les infrastructures s'engagent à améliorer la transparence des prix, notamment à travers la publication des listes prix et de leurs éventuelles réductions ; à faciliter l'accès et l'interopérabilité entre les différentes infrastructures ; à introduire la séparation comptable et la dissociation des services fournis par les infrastructures, afin de permettre aux investisseurs d’acheter des services différents auprès de fournisseurs distincts.
T2S et le Code de bonne conduite sont donc deux instruments procédant d’une même stratégie générale, développée par les institutions européennes en étroite consultation avec les participants du marché et visant à accélérer l'intégration des marchés financiers européens. Le Code augmentera la transparence et facilitera l’interconnexion entre toutes les infrastructures. T2S éliminera la différence entre le règlement domestique et le règlement transfrontalier et grâce à son volume d'affaires réduira les coûts à un niveau plus bas que le plus bas coût domestique d'aujourd'hui. T2S introduira plus de concurrence entre les dépositaires centraux parce que les dépositaires centraux, en respectant le code, auront établi des liens d'interopérabilité entre eux.
Le temps nous dira si cette combinaison de deux instruments, appelée à être effective en 2013, est un succès. Mais pour la première fois depuis la création de l'euro, il y une chance réelle d'obtenir une intégration du marchés des titres, de la même intensité que celle obtenue sur la monnaie.
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