Les folies des finances françaises edit
A en croire la Commission européenne, la France devrait battre un nouveau record en 2007. Pour la première fois, elle sera le pays européen ayant le plus haut niveau de dépenses publiques. Les économistes de la Commission estiment qu'elles atteindront cette année 53,2 % du PIB. Ce sera plus que dans tous les autres pays de l’UE 27, y compris les trois pays nordiques : la Finlande (47,7 %), le Danemark (50,1 %) et la Suède (53,0 %). En revanche, bien que les prélèvements publics représentent une part très importante du PIB français (50,7 %), cette proportion restera plus faible en France que dans les pays nordiques : ils atteignent 51,3 % du PIB en Finlande, 53,8 % au Danemark et 55,2 % en Suède. En conséquence, alors que ces pays enregistreront des excédents budgétaires variant grossièrement entre 2 et 4 % du PIB, la France aura un déficit de 2,5 %, le deuxième en valeur de la zone euro après celui du Portugal.
On ne s’étonnera donc pas si Joaquin Almunia, le commissaire européen chargé des affaires économiques et monétaires, a exprimé son inquiétude quant aux projets budgétaires du nouveau gouvernement français, qui compte (au moins au départ) réduire les prélèvements sans tailler autant dans les dépenses publiques, ce qui risque donc d'augmenter le déficit voir de dépasser le seuil de 3 % du Pacte de stabilité et de croissance.
Plus inquiétant encore est le fait que la France pourrait laisser filer son déficit cycliquement ajusté, bien au-dessus de la limite posée par le Pacte de stabilité et de croissance. Souvenons-nous en effet que, contrairement à ce qui est souvent supposé, la principale innovation du Pacte de stabilité et de croissance n'était pas la limite de 3 %, une obligation déjà présente dans le traité Maastricht, mais l'exigence de respecter « l’objectif à moyen terme de budgets à l’équilibre ou en excédent ».
Le Pacte de stabilité et de croissance adopté en 1997 ne donnait pas de chiffre pour l'objectif de moyen terme, et il ne précisait pas non plus de date. Par conséquent, la consolidation fiscale a calé aussitôt après l’adoption de la monnaie unique. En 1997, cinq des onze membres initiaux de la zone euro avaient des déficits réels près de 3 % : la France (3 %), l'Allemagne (2,6 %), l'Italie (2,7 %), le Portugal (3,4 %) et l'Espagne (3,3 %). Cette condition n'était pas tellement le résultat de facteurs cycliques, mais structurels, comme le montraient les chiffres des déficits cycliquement ajustés : 2,1% pour la France, 2,2 % pour l'Allemagne, 2,5 % pour l'Italie, 3,2 % pour le Portugal et 2,3 % pour l'Espagne.
Le respect du Pacte de stabilité et de croissance aurait exigé de ces cinq pays une sérieuse consolidation fiscale après 1998. En réalité, à l’exception de l’Espagne, presque aucun progrès n’a été accompli, ni dans ces pays ni en Grèce, qui a rejoint la zone euro en 2001. Le déficit cycliquement réglé de l’ensemble de la zone euro (dont les cinq pays délinquants représentent 70 % du PIB) est resté d’environ 2 % tout au long de la période 1998-2005.
Cette situation a finalement causé la crise du Pacte de stabilité et de croissance en 2003 et 2004, et sa révision en 2005. Une des innovations du nouveau Pacte de stabilité et de croissance était la formulation d’objectifs de moyen terme (OMT) propres à chaque pays, prenant en compte l'impact du cycle économique sur le cycle budgétaire, avec des valeurs allant d’un excédent de 2 % en Finlande et en Suède à un déficit de 1 % pour certains nouveaux Etats membres. L’OMT a été placé à zéro pour 10 pays dont France, l'Allemagne et l'Italie.
Ce nouveau cadre semble fonctionner. Le déficit ainsi ajusté de la zone euro a reculé brusquement en 2006. On s'attend à ce que les progrès continuent en 2007. Pourtant, en y regardant de plus près, on se rend compte d’un écart entre, d'une part l'Allemagne et la France, mais aussi la Grèce, le Portugal et dans une mesure moindre l'Italie, et d’autre part le reste des pays européens.
Aujourd’hui, les débats français portent sur l’opportunité de suivre l’exemple allemand en créant une « TVA sociale », consistant à financer une réduction des charges sociales par l’augmentation du taux de TVA, dans le but de gagner quelques points de compétitivité. Le gouvernement français devrait pourtant savoir que ses finances publiques diffèrent de celles de l’Allemagne sur trois points importants. Tout d'abord, la TVA française est déjà à 19,6 %, un chiffre plus élevé que le taux allemand même après qu’il a été augmenté de 3 points. Deuxièmement, la part des dépenses publiques dans le PIB sera en France de presque 9 points supérieure à l’Allemagne cette année. Troisièmement, le gouvernement allemand s’est pleinement engagé à faire revenir le déficit structurel à zéro d'ici à 2010. Vers la fin de cette année, son déficit structurel sera déjà à moins de 1 % du PIB. Par contraste, en France le déficit cycliquement ajusté sera toujours de 2 % et il pourrait même augmenter l'an prochain, compromettant ainsi l’engagement de principe pris par le gouvernement français d'atteindre l’objectif de moyen terme en 2010.
Le commissaire Almunia a raison de pousser la France à tenir son engagement par rapport au Pacte de stabilité et de croissance. C'est la seule façon de réduire la dette publique et d’imposer une réduction ou au moins une restructuration des dépenses publiques, deux conditions nécessaires à la croissance et de garantir les finances publiques.
Vous avez apprécié cet article ?
Soutenez Telos en faisant un don
(et bénéficiez d'une réduction d'impôts de 66%)