Une alternative au confinement? edit
Les mesures de confinement permettent une réduction significative du taux de reproduction du virus lorsque sa circulation est élevée. Mais elles ont aussi des effets importants sur la mobilité physique des personnes et, par extension, sur l'activité économique. Un vaste ensemble de politiques de santé publique comprenant des tests complets, la localisation et l'isolement, le port de masques et des mesures ciblées sur personnes vulnérables s'avère tout aussi efficace pour contenir la propagation du virus, avec un impact moindre sur l'activité.
Depuis le début de la pandémie, on a beaucoup utilisé les modèles épidémiologiques paramétrés (appelés modèles SIR : Susceptible, Infected and Recovered) pour analyser la dynamique de la maladie. Toutefois, comme par construction ces modèles reposent sur plusieurs paramètres (par exemple, pour quantifier l'impact de la distance physique sur le taux de reproduction du virus, R), on ne peut les utiliser à bon escient que si ces paramètres sont précis. L’étude dont nous donnons ici les résultats utilise des données quotidiennes de mars à la mi-août pour examiner empiriquement l'impact des interventions publiques sur R et sur la mobilité physique des personnes (que l’on peut considerer comme un indicateur de l'activité économique). Les indicateurs des politiques de confinement de la Oxford Blavatnik School of Government sont complétés par des indicateurs de santé publique rassemblés par les auteurs de cet article.
La figure 1 montre que, sur la base d'équations modélisant R et la mobilité, l'application de toutes les politiques de confinement, y compris les exigences de séjour à domicile, la fermetures des lieux de travail et des écoles, la restriction des rassemblements publics et l'imposition de limites aux déplacements internationaux, réduirait presque de moitié R par rapport à une valeur initiale d'environ 3.
Les résultats suggèrent en outre que les politiques de test et de traçage (T&T) peuvent réduire la propagation du virus. La forme la plus complète de T&T est plus de 2½ fois plus efficace pour réduire R que des formes plus limitées. Ces politiques sont plus efficaces lorsque le taux d'infection n'est pas trop élevé (moins de 10 nouveaux cas quotidiens par million d'habitants), ce qui n'est pas surprenant compte tenu des difficultés à retrouver toutes les personnes à contacter en temps utile si le système est submergé de nouveaux cas. Dans l'ensemble, on estime que le régime de T&T le plus efficace, dans un environnement où le taux d'infection quotidien est faible, est plus efficace que toute autre intervention de santé publique et qu'il est 2 à 3 fois plus efficace que la plupart des mesures individuelles de confinement.
Les politiques visant à protéger la population âgée peuvent également jouer un rôle important. Les tests effectués sur les résidents et le personnel des établissements de soins de longue durée, la limitation des visites dans les maisons de soins et les recommandations générales sur le maintien à domicile des personnes âgées conduisent à une diminution des infections. On estime que l'effet combiné de ces politiques sur la réduction de R dépasse l'effet de la plupart des mesures individuelles de confinement. En ce qui concerne les masques, les résultats montrent un effet négatif important et assez robuste sur R de l'introduction du port obligatoire du masque dans tous les espaces publics fermés, bien que d'autres résultats (non publiés) suggèrent que l'extension des obligations de port du masque à l'extérieur ne semble avoir un effet significatif.
Dans notre étude, ce sont les taux de mortalité quotidiens nationaux et mondiaux qui sont utilisés comme indicateurs de la gravité de la pandémie, sachant que la publicité donnée à ces indicateurs peut entraîner des changements de comportement spontanés, indépendamment des mesures de politiques publiques. Nous utilisons le taux de mortalité cumulée au niveau national pour contrôler la possibilité que l'immunité acquise puisse faire diminuer R au fil du temps. Les estimations des coefficients des trois variables sont statistiquement significatives et leur ampleur implique que les changements spontanés de comportement et d'immunité ont joué un rôle important dans l'évolution de R. Par exemple, on estime qu’un taux de mortalité quotidien national d'environ 15 par million - similaire au taux enregistré par certains grands pays de l'OCDE au moment du confinement en mars - réduit la mobilité de 10 %, indépendamment de toute politique publique.
Nos résultats sont résumés dans la figure 1.
La colonne rose donne l’impact sur R des mesures de confinement. (Le confinement typique, typical lockdown dans le graphique, comprend fermetures d'écoles, obligation de rester à domicile et fermetures de lieux de travail).
La colonne bleue donne l’impact sur R des autres mesures de santé publique.
La colonne jaune donne l’impact des mesures de confinement sur la mobilité physique des personnes.
Remarque : ce graphique décompose l'effet sur le log R et la mobilité de certaines politiques de confinement et de santé publique, tout en contrôlant les motifs de précaution découlant des taux de mortalité élevés. Les variables relatives aux politiques de confinement, au traçage et aux tests sont obtenues auprès de la Oxford Blavatnik School of Government.
Fig.1. Les déterminants de R et de la mobilité physique des personnes.
Notre étude montre que la mobilité est affectée négativement par sept des huit catégories de politiques de confinement. Les résultats suggèrent aussi qu'une application plus stricte d'une politique particulière tend à réduire davantage la mobilité, ce qui implique également des impacts plus importants sur l'activité économique, bien qu'il soit difficile de détecter un bénéfice correspondant à une réduction supplémentaire de R. En revanche, pour des politiques telles que l'annulation d'événements publics et les restrictions de voyage, l'application la plus limitée de la politique n'a pas d'effet significatif sur la mobilité. L'application de toutes les politiques de confinement dans leurs formes les plus sévères réduirait la mobilité de plus de la moitié par rapport à la normale, 50% de cette réduction étant imputable aux fermetures des lieux de travail et aux exigences de maintien à domicile. Les résultats des estimations suggèrent également que l'obligation de porter un masque dans les transports publics et les magasins augmente la mobilité, peut-être parce qu’elle réduit les craintes d'être infecté.
Nos résultats sont conformes à la littérature existante : les politiques de confinement peuvent réduire avec succès la propagation du virus, mais la plupart ont un impact substantiel sur l'activité, en particulier les exigences de maintien à domicile, les fermetures de lieux de travail et les fermetures d'écoles. Néanmoins et surtout, contrairement aux études empiriques précédentes, nos résultats suggèrent que d'autres politiques de santé publique ¬- tests et traçage, port de masque et mesures ciblées pour protéger les personnes âgées – sont tout aussi efficaces dans la lutte contre le virus, mais à un coût considérablement moindre pour l'économie.
Les travaux dont il est ici rendu compte sont publiés dans Covid Economics, 64, 13 janvier 2021, sous le titre "Walking the tightrope: Avoiding a lockdown while containing the virus".
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