Fécondité: diversité du monde et des départements français edit

La fécondité s’échelonne d’un plus bas à Paris (1,25 enfant par femme) à un plus haut à Mayotte (4,50). Si on prend des pays à niveau de fécondité équivalent, par département, alors la France rassemble une grande partie du monde, du Japon (pour Paris), au Mozambique (pour Mayotte), en passant par l’Iran (pour l’Aube) ou encore les États-Unis (pour le Doubs). Une autre façon de lire les disparités départementales et mondiales.
La France sur le podium occidental de la fécondité
La France se désole depuis plusieurs années, et de plus en plus vivement, de sa faible fécondité : 2 enfants par femme en 2010, moins de 1,7 en 2023, un tout petit peu plus de 1,6 en 2024.
Si la France s’inquiète de sa démographie, relativiser la baisse de sa fécondité s’avère relativement aisé dans la mesure où le pays figure encore en tête, en la matière, de l’Union européenne, et en très bonne place dans l’OCDE[1].
Depuis les débuts du XXIe siècle, le pays faisait amplement, jusqu’à récemment, exception grâce à un taux de fécondité relativement élevé qui a commencé à baisser plus tardivement qu’ailleurs. Cette exception française se dilue, car la France rejoint des tendances à la baisse et des niveaux qui affectent d’autres pays occidentaux.
En Europe, les taux de fécondité s’homogénéisent partiellement, mais le constat demeure valable : la France compte parmi les pays riches où la fécondité est la moins dégradée. Depuis le milieu des années 1990, son indice conjoncturel de fécondité se situe significativement au-dessus de la moyenne des pays de l’OCDE et de la moyenne européenne. Certes, ces moyennes sont affectées par les évolutions de la composition de ces groupes de pays. La leçon n’en reste pas moins exacte. Elle se double d’ailleurs d’une autre information : des années 1970 aux années 1990, la France se situait, en gros, dans la moyenne européenne et clairement sous la moyenne de l’OCDE. Conclusion à conserver toujours à l’esprit : la fécondité n’a rien d’immuable et évolue fortement, en valeur absolue comme en valeur relative.
Dans les années 2000, la France était en compétition avec l’Irlande pour le premier rang européen de la fécondité. À partir des années 2010, l’hexagone a distancé le trèfle. Dans les années 2000, la France faisait également la course derrière les États-Unis. À partir des années 2010, le coq a dépassé Oncle Sam. Au début des années 2020, en Europe, la France dispute la première place avec la République tchèque, la Roumanie, le Danemark, l’Irlande (toujours dans la course donc), la Suède et la Slovénie.
Diversité départementale et ultra-marine de la fécondité
Une fécondité moyenne à l’échelle nationale masque une forte hétérogénéité géographique du territoire national. En l’espèce, des territoires ultra-marins, mais pas l’ensemble des outre-mer, se distinguent. En 2023, en métropole, au sens strict, l’indice conjoncturel de fécondité varie, pour le plus bas, de 1,25 à Paris, à, pour le plus haut, 2,11 dans le Val-d’Oise. Parmi d’autres variables, l’immigration, diversement présente dans les départements, joue un rôle notable. Mais ce n’est absolument pas l’unique dimension. Degré d’urbanisation, traditions, religions, diversité des structures familiales, offre d’équipements sociosanitaires, perspectives économiques des territoires, attractivité différenciée pour les jeunes ménages figurent, entre autres, parmi les déterminants possibles des démographies locales.
Les départements les moins féconds et les plus féconds (indices conjoncturels de fécondité, 2023)
Source : Insee.
Parmi les dix départements les plus féconds, on relève quatre départements ultra-marins. Mayotte (4,49 enfants par femme) et la Guyane (3,32) se trouvent largement en tête, avec de fortes et préoccupantes problématiques d’immigration irrégulière, ayant un impact notable sur la fécondité. La Réunion (2,28) se range en troisième position, suivie de trois départements franciliens caractérisés notamment par leurs niveaux d’immigration mais aussi d’urbanisation.
La Guadeloupe (2,04) n’arrive qu’en dixième place. La Martinique (1,66), elle, tient la cinquante-troisième place. Tendanciellement, l’indicateur conjoncturel de fécondité et le nombre de naissances baissent aux Antilles. Ces territoires comptent parmi ceux qui blanchissent, au sens de vieillissent, le plus vite.
Un tableau original: mettre en correspondance départements et pays équivalents
Une voie originale pour saisir la diversité française et approcher, dans le même temps, la diversité du monde, consiste à associer à chaque département un pays dont le taux de fécondité est équivalent. L’exercice, réalisable pour l’année 2023, n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît car les données ne sont pas, partout sur la planète, de la même qualité que celles produites par l’INSEE ou par l’INED. Il est cependant possible de rapprocher les départements d’un pays équivalent, ou se rapprochant, si l’on ne s’arrête pas systématiquement au deuxième chiffre après la virgule. De toutes les manières l’essentiel relève des ordres de grandeur.
Associations de départements et de pays selon leur niveau de fécondité (2023)
Source : INSEE, Division de la population de l’ONU
Première observation, sur le registre de la faible fécondité et de l’hiver démographique (pour prendre une expression qui fait florès), aucun département français ne se trouve à 0,7 enfant par femme, comme à Hong Kong, à Macao ou en Corée du Sud (nation aujourd’hui la moins féconde au monde).
Aucun département ne saurait être non plus comparé à la situation de Singapour (0,94) ou de l’Ukraine (0,98), et, parmi les États membres de l’Union européenne, de Malte (1,06), de l’Espagne (1,12) et de la Lituanie (1,18). Les départements français sont spécifiques dans une Union dont l’indice de fécondité est, en moyenne, inférieur à 1,4. On ne trouve que cinq d’entre eux en dessous de ce niveau : Paris, la Haute-Corse, la Meurthe-et-Moselle, la Corse-du-Sud, la Haute-Garonne. On trouve encore ici un argument pour nuancer l’affaiblissement de la fécondité française.
Lorsque la faible fécondité est évoquée à l’échelle du monde, vient souvent à l’esprit, au-delà de la République de Corée, le cas du Japon. Son indice de fécondité est, à la deuxième décimale près, équivalent à celui de Paris, à peu près similaire aussi à la situation de l’Italie (1,20), de la Thaïlande (1,21) ou de l’Espagne (1,21). Observation intéressante pour qui cherche à comparer.
Si l’on se penche sur les départements à niveau de fécondité plus élevé, on peut relever, peut-être avec surprise ou malice, que l’Essonne ressemble à l’Inde. Mais, comme pour nombre de ces associations départements/pays il y a là d’abord du hasard statistique et des choix de présentation. L’Essonne peut tout aussi bien être associée à l’Équateur ou à Bahreïn.
Si l’on prend plus précisément les deux territoires ultra-marins les plus féconds, la Guyane et Mayotte, ils s’associent, sans aucune surprise, à des pays en développement à très haute fécondité. Ils ne sont toutefois pas à hauteur de la Somalie, du Tchad, du Niger, ou du Mali, qui tournent autour de 6 enfants par femme. Pour Mayotte, qui se rapproche, en termes de fécondité du Mozambique (que le canal du même nom sépare géographiquement), le niveau est tout de même particulièrement élevé puisque, sur plus de 250 zones (dont environ 200 nations) traitées statistiquement par la division de la population de l’ONU, Mayotte figure au treizième rang mondial, à côté donc de son voisin le Mozambique.
Du côté des départements qui tournent autour du niveau de fécondité moyen du pays (un peu plus de 1,6 en 2023) on trouve des comparaisons aisées avec des pays aussi différents que le Brésil, les États-Unis, la Colombie, la Nouvelle Zélande. Évidemment ces observations ne doivent pas conduire à imaginer que les déterminants de la fécondité dans le Doubs sont ceux des États-Unis, ou ceux Jura ceux de l’Azerbaïdjan. Mais ces associations offrent une perspective d’étonnement sur les réalités françaises et les réalités du monde.
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[1]. Pour davantage de précisions et des analyses plus fouillées, on se permet de renvoyer à Julien Damon, Les Batailles de la natalité. Quel « réarmement démographique » ?, Éditions de l’Aube, 2024.