Couples et divorces dans la société de la longévité edit

13 mars 2025

Les 65 ans et plus dépassent les 22% de l’ensemble de la population, contre 14% en 1990. Avant 2030, ils seront plus nombreux que les moins de 20 ans. Par ailleurs, en raison de l’écart d’espérance de vie, les femmes sont de plus en plus majoritaires chez les seniors : 57% des plus de 65 ans et 68% des 85 ans et plus. À mesure que la société de la longévité se développe, l’hétérogénéité des modes de vie des seniors se renforce.

Le domicile reste le lieu de vie majeur. La majorité des personnes âgées de 65 ans ou plus habite en couple et un tiers est seule dans son logement[1]. Résider en établissement est très rare jusqu’à l’âge de 85 ans. Seulement 5% des plus de 65 ans vivent dans un logement spécifique. Contrairement à certains imaginaires, l’Ehpad n’est pas l’habitat commun des seniors ! Aussi favoriser des habitats adaptés et valoriser les métiers du care participent des enjeux majeurs des politiques publiques de la longévité.

Allongement de l’espérance de vie, de durée du couple et divorces gris

L’Insee montre que 57% des plus de 65 ans vivent avec un conjoint, contre 51% en 1990. À l’inverse, vivre avec des proches, ses enfants la plupart du temps, est beaucoup moins courant qu’il y a 30 ans. Aux âges les plus avancés, vivre seul à son domicile ou résider en établissement est plus répandu que par le passé. Au-delà de 85 ans, vivre avec des proches reste bien plus fréquent dans les DOM, en Corse et dans le Sud-Ouest, alors qu’habiter en établissement est plus répandu dans une ceinture sud-est du Massif central et dans le Nord-Ouest.

Parmi les personnes de 65 ans ou plus, du fait des différences d’espérance de vie et des écarts d’âge moyen au sein des couples, les hommes vivent plus souvent en couple que les femmes (71% contre 45%). Entre 65 ans et 84 ans, 53% des femmes et 74% des hommes sont encore en couple, soit un écart de 21 points. Après 85 ans, 55% des hommes vivent en couple, contre seulement 14% des femmes, soit une différence de 41 points.

Pour autant, chez les hommes de 65 à 75 ans, la vie en couple a reculé par rapport à 1990. La hausse des séparations depuis une trentaine d’années est un facteur explicatif majeur de cette situation atypique ; et certaines de ces séparations interviennent tardivement. Le phénomène dit des « divorces gris », devient significatif à partir des années 2000[2]. En 1996, les divorces concernant un homme de plus de 50 ans représentaient 17% de l’ensemble des séparations, et 38% en 2016. Du côté des femmes de plus de 50 ans, on est passé de 11% de l’ensemble des divorces à 29%, 20 ans après.

En revanche, à partir de 75 ans, les hommes vivent plus fréquemment en couple par rapport aux années 1990. Ainsi 55% des hommes de plus de 85 ans sont en couple, contre 45% en 1990.  Chez les femmes, à chaque âge, la vie en couple est plus fréquente qu’il y a 30 ans. Elle est passée de 41% en 1990, à 53% en 2021, pour les 65-84 ans. Les plus de 85 ans sont très majoritairement seules, mais moins qu’il y a 30 ans : 15%, contre 7% sont encore en couple. La raison première provient des gains d’espérance de vie des hommes qui augmentent un peu plus vite que pour les femmes.

Baisse des co-résidences et hausse des besoins d’Ehpad

Le conjoint étant le premier des aidants de proche, vivre en couple favorise le fait de rester à son domicile, en particulier pour les hommes. C’est une des raisons pour lesquelles après 85 ans, seulement 12% des hommes sont accueillis en établissement contre 22% des femmes. Le mouvement s’accélère après 90 ans mais reste plus marqué chez les femmes en raison d’une espérance de vie moyenne plus longue d’environ six ans. Bien sûr, l’association maison de retraite et perte d’indépendance ou proximité de la mort joue aussi à plein pour retarder ou empêcher l’entrée en maison de repos médicalisée. Le coût d’un séjour en Ehpad pour les classes moyennes est aussi un motif de rejet, sans compter les effets de scandales très médiatisés.

L’étude de l’Insee montre « un repli marqué de la co-résidence avec des proches ». Par hypothèse on notera à la fois que les nouveaux seniors ne souhaitent pas peser sur leur descendance, qu’ils souhaitent préserver leur indépendance et que les proches plus jeunes sont moins prêts ou moins en capacité que leurs parents à assumer une proximité trop forte et un engagement comme aidant.

Une autre explication peut provenir d’un meilleur état de santé des seniors. En effet depuis 2008, l’espérance de vie sans incapacité à 65 ans a augmenté d’un an et 11 mois pour les femmes et d’un an et 10 mois pour les hommes[3]. L’espérance de vie sans incapacité forte atteint, quant à elle, 18,5 ans pour les femmes et 15,8 ans pour les hommes. L’espérance de vie globale est de 85,6 ans pour les femmes et 80 ans tout rond pour les hommes.

Pour une politique publique centrée sur la valorisation des professionnels du care

Si résider en établissement est très rare jusqu’à l’âge de 85 ans, et si l’attente sociale reste orientée vers le domicile, pour autant les besoins en établissements et solutions d’accueil et de soin en santé risquent d’être croissants dans les années à venir. À partir de 2031, les générations les plus âgées issues du baby-boom atteindront puis dépasseront l’âge de 85 ans, où la prévalence de la perte d’autonomie s’accroît à mesure que l’âge avance. On peut poser comme hypothèse qu’il faudra à la fois augmenter l’offre d’accueil collectif, renforcer les solutions d’accompagnement en santé (équipements, télé-santé, hospitalisation à domicile…) et développer largement l’adaptation des logements. Sur ce plan notons que de très nombreux acteurs du secteur HLM, en particulier dans du côté des entreprises sociales pour l’habitat (ESH), comme Action Logement, sont en pointe.

Au-delà des enjeux financiers, le goulot d’étranglement sera le nombre de professionnels compétents et disponibles pour accompagner, à domicile ou en établissement, les aînés en perte d’autonomie. Une source d’optimisme provient du fait que les 16-20 ans sont loin de se détourner des métiers de la santé, qu’ils placent en deuxième position comme secteur professionnel le plus attractif, derrière le luxe[4].

Les jeunes estiment que le secteur de la santé permet d’exercer un métier utile, qui apporte beaucoup aux autres et à la société (85% des répondants s’agissant des caractéristiques des métiers d’infirmier et d’aide-soignant), un métier dont on peut être fier (78%) et dans lesquels il est possible de s’épanouir (73%). En revanche, l’attractivité est freinée par la crainte de la charge de travail (37%), du niveau de rémunération (35%) et de la longueur des études (33%)

Améliorer la qualité de vie à domicile passe donc par des politiques renforçant encore la prévention, agissant plus nettement pour l’adaptation des logements (aussi bien sur le plan ergonomique que pour répondre aux dérèglements climatiques), la sécurisation de proximité et le soutien aux liens sociaux, et mieux considérer et valoriser les métiers de l’attention et de l’accompagnement.

[1] Fabienne Daguet, « En 2021, une personne de 65 ans ou plus sur trois vit seule dans son logement », Insee Première, n°2040, février 2025.

[2] Anne Solaz, « La hausse des ruptures et des remises en couple chez les cinquante ans et plus », Ined, Population & Sociétés, n° 586, février 2021.

[3] Thomas Deroyon, « L’espérance de vie sans incapacité à 65 ans est de 12 ans pour les femmes et de 10,5 ans pour les hommes en 2023 », Drees, Études et Résultats, n°1323, décembre 2024.

[4] Etude IPSOS sur l’attractivité des métiers de la santé et du soin auprès des jeunes, Ipsos/Fondation Clariane, décembre 2023.