Le danger Mélenchon edit

12 février 2025

Il existe aujourd’hui un danger Mélenchon, et même un grave danger. Mais il n’est pas là où la plupart des observateurs le voient. Il n’est pas de nature électorale. Les élections partielles récentes ont montré qu’il s’est formé un front électoral anti-LFI puissant dans le pays. Si Mélenchon paraît d’abord préoccupé par la prochaine élection présidentielle, ce n’est pas parce qu’il espère la gagner ou même parvenir au second tour, sauf à avoir perdu le sens des réalités. La stratégie qu’il a adoptée et dont il vient de nous donner le contenu est tout autre.

Elle n’est pas, dans son esprit, conçue pour rallier l’ensemble de la gauche. En excluant le PS du Nouveau Front Populaire pour sa non-censure ce n’est pas seulement la rupture entre les deux partis qu’il a actée mais en réalité la fin du NFP lui-même. Lorsque Sandrine Cassini titre son article du Monde : « La décision du PS de ne pas censurer le gouvernement Bayrou secoue le NFP sans le rompre », elle s’avance imprudemment. Ni le PS, ni écologistes ni le Parti communiste ne pourront suivre indéfiniment le leader de la France insoumise dans l’exécution de son projet. Le NFP ne peut survivre à l’exclusion du PS. Mélenchon le sait parfaitement. Yves Thréart, dans le Figaro, voit plus juste quand il écrit : « On connaît ses relents antisionistes, sa propension communautariste, sa tentation du chaos, mais le mélenchonisme semble à présent aller encore plus loin, hors limites. » Je préciserais, « hors limites du champ politique classique ».

Le projet de Mélenchon, qu’il entend mener seul avec sa garde prétorienne, est d’abord de nature clientélaire, s’assurer une base électorale suffisante pour exister politiquement. Mais il paraît vouloir lui donner désormais une base idéologique plus affirmée. De quoi s’agit-il ? Ne pouvant agir dans le cadre du système électoral et parlementaire structuré autour d’un clivage gauche/droite, qui a disparu, il entend établir un nouveau clivage, mais cette fois au niveau de la société elle-même et non du système politique, entre la « vieille France » et la « nouvelle France », c’est-à-dire la France « créolisée », appelant à un « grand remplacement » par la « submersion » des zones rurales, de « traditions rances », par les habitants des banlieues issus de l’immigration. « Cette nouvelle France, c’est la nôtre ! Les Français de souche, c’est terminé ! », clame-t-il. Il s’agit de s’emparer de morceaux de territoires, de communes urbaines « créolisées », à partir desquelles il entend enraciner ce nouveau clivage. Certes, les élections récentes ont montré qu’un tel pari est loin d’être gagné. Mais on peut penser qu’il n’en est pas moins décidé à le tenter jusqu’au bout. Seule manière pour lui de continuer à retenir l’attention, à occuper les plateaux de télévision et à animer le débat politique pendant et après la prochaine campagne présidentielle. Si une telle bataille n’est pas gagnable elle peut en revanche causer des dommages irréversibles à notre société.

Les premiers perdants seront à l’évidence les immigrés et leurs descendants français qui pour l’immense majorité souhaitent vivre et travailler tranquillement en France. En faisant de la distinction entre les « nouveaux Français » et les « Français de souche » le clivage politique et social central, il embarque avec lui, sans les consulter, les millions de personnes issues de l’immigration dans une guerre sociale qu’elles ne peuvent gagner. Les jeunes militants issus de l’immigration dont il s’entoure partagent son dédain des « Français de souche ». Ce sont souvent des militants propalestiniens, islamo-gauchistes, qui soutiennent le Hamas et ne respectent aucunement les valeurs universalistes. L’exemple de Rima Hassan en offre une bonne illustration. Avec trois autres eurodéputés de LFI, elle a voté contre une résolution du Parlement   européen demandant la libération « immédiate et inconditionnelle » de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, emprisonné à Alger depuis le 16 novembre dernier. Le vote a donné 533 voix pour, 24 contre et 48 abstentions. Autre exemple, le refus de Louis Boyard, tête de liste LFI à l’élection partielle de Villeneuve Saint Georges, d’accéder à la demande des socialistes de retirer d’une éventuelle liste commune pour le second tour un de ses candidats dont les publications depuis le 7 octobre 2023 sont résolument favorables au Hamas. On perçoit aisément dans quelle direction et avec quelles actions ces militants voudront entraîner les « nouveaux Français ».

Mélenchon entend installer le chaos et, peut-être est-ce là son souhait, donner ainsi à l’extrême-droite toutes les munitions nécessaires pour monter en première ligne afin de défendre les « Français de souche », quitte à accroître ainsi ses chances de gagner les futures élections. Il deviendrait alors, dans une nouvelle bipolarisation, établie cette-fois-ci entre les deux extrêmes, l’adversaire principal du RN dans une guerre culturelle sans merci. Certes, Jean-Luc Mélenchon ne sera jamais président de la République mais il compte bien demeurer encore longtemps le chef de la rébellion. Ce qui reste de la gauche ferait bien de prendre conscience de ce fait majeur : lui et son équipe ne sont plus à gauche, depuis longtemps déjà !