L'OMC : voie européenne contre voie américaine edit
Un des enjeux de Hong Kong est en principe de permettre aux pays en développement de bénéficier de l'ouverture des marchés du Nord dans les domaines où ils disposent d'un avantage comparatif. Mais pour parvenir à ce résultat deux voies sont offertes.
La première est l'ouverture des marchés des pays riches aux produits dans lesquels les pays pauvres sont avantagés peut se faire de manière multilatérale, c'est-à-dire à tous les pays du monde, sans discrimination. Qualifions cette stratégie de voie américaine. Beaucoup de pays du G20 semblent adhérer à cette modalité et l'on ne peut s'empêcher de penser que cette position reflète la puissance et la compétitivité de leur économie soit dans l'agriculture (Brésil, Argentine), soit dans l'industrie (Chine), soit dans les services (Inde).
Une deuxième stratégie, que nous appellerons voie européenne, veut tenir compte de la diversité du monde en développement. Les pays les moins avancés (PMA) n'ont pas la capacité de concurrencer non seulement les pays à revenu intermédiaire, mais aussi des puissances agricoles comme l'Australie et la Nouvelle-Zélande. Cela justifie un accès différencié au marché des pays riches selon le degré de développement. Cette vision a été poussée à l'extrême le 2 décembre 2005 lorsque le Commissaire européen Peter Mandelson a demandé aux pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) d'aider l'Europe à négocier le maintien de tarifs élevés (multilatéraux) dans l'agriculture.
La position européenne est défendable, tout au moins en premier examen. Les pays ACP et les PMA seront davantage concurrencés dans leurs exportations vers l'Europe si les droits agricoles multilatéraux sont négociés à la baisse. Néanmoins plusieurs arguments peuvent très fortement modifier ce jugement.
Tout d'abord l'argument précédent ne justifie pas le maintien de droits élevés sinon prohibitifs. Poussons le raisonnement jusqu'au bout : si le seul objectif de cette politique commerciale est de préserver une marge préférentielle pour les plus pauvres, l'idéal serait d'avoir des droits nuls pour les pays riches et à revenu intermédiaire et des subventions à l'importation pour les PMA. Utopie certes, mais cela aurait au moins le mérite de rétablir une certaine équité dans le commerce international.
Ensuite il reste à savoir si l'octroi de préférences commerciales est une bonne stratégie de développement à long terme. Une préférence crée une rente dans la mesure où le pays bénéficiaire peut exporter vers le pays donneur a un prix supérieur au prix mondial même sans être très compétitif, ce qui l'incitera à surinvestir dans ce secteur. Trop spécialisé dans une activité, des exportations trop concentrées géographiquement, un pays recevant une préférence unilatérale de la part d'une grande nation a moins intérêt à reformer sa propre économie, à ouvrir ses propres frontières, et ainsi à améliorer sa productivité. Dans un schéma classique d'ouverture un pays s'ouvre car il a négocié une ouverture chez ses partenaires ; ici il a obtenu une préférence et retarde sa propre ouverture.
Dans beaucoup de pays en développement, l'érosion des préférences est crainte mais elle semble inévitable ou a déjà commencé : économies caribéennes perdant beaucoup à la réforme sucrière de l'Union européenne, économies méditerranéennes, africaines ou asiatiques supportant avec difficultés l'entrée de la Chine et le démantèlement des accords Multi-Fibre.
Les PMA sont aujourd'hui partagés. Pour certains, le maintien des préférences actuelles est une perspective très attrayante. Pour d'autres, l'appel européen à négocier le maintien des préférences ne convainc pas. Le FMI et la Banque mondiale leur proposent une nouvelle initiative, " Aid for trade " visant à améliorer leur capacité de production et à faciliter leur intégration dans le commerce international sur une base non discriminatoire. Cela explique le manque de cohésion du groupe G90 et de l'Union africaine lors des négociations. C'est aussi l'avenir des schémas préférentiels qui se joue à Hong-Kong.
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