L'interminable ouverture des marchés agricoles edit
L'agriculture apparaît comme le principal point de blocage des négociations commerciales internationales. Comme d'habitude, serait-on tenté d'écrire. Avantage comparatif de beaucoup de pays pauvres, fortement protégé et soutenu dans les pays riches, le secteur agricole cristallise en effet les conflits d'intérêt. S'il semble acquis que la Conférence de Hong-Kong n'aboutira pas à l'accord espéré sur des modalités chiffrées de libéralisation, il n'en reste pas moins que les négociations ont beaucoup progressé depuis deux ans, au regard de la complexité des enjeux. Un accord ne pourrait certes être obtenu qu'à l'arrachée et en retard, mais il ne paraît plus impossible d'ici l'expiration de la Fast Track américaine en juin 2007.
Les subventions aux exportations, premier pilier de la négociation, ne concernent que des montants relativement modestes à l'échelle internationale, et l'engagement a été pris en juillet 2004 de les supprimer au terme du cycle. Si l'ajustement nécessaire n'est pas négligeable pour la Politique agricole commune, en raison du rôle d'ajustement en dernier ressort que jouaient ces subventions, les bénéfices pour les pays pauvres devraient être limités, s'ils ne sont pas négatifs comme le suggèrent des études récentes. La subvention des exportations est une aberration économique, mais elle est surtout coûteuse pour le pays qui l'octroie. Quant au soutien interne à l'activité agricole, la réforme de juin 2003 a par avance adapté la Politique agricole commune aux contraintes qui pourraient en découler, en diminuant considérablement le montant des subventions liées au niveau de production, seules concernées par la négociation commerciale. Dans ce domaine, le principal effort est désormais attendu de la part des Etats-Unis, et ses effets au niveau international ne seraient sensibles que pour quelques produits, en particulier le coton et dans une moindre mesure les oléagineux et le riz.
Finalement, le blocage actuel des négociations résulte essentiellement de l'accès au marché, c'est-à-dire des droits de douane. La protection douanière appliquée sur les marchés des pays riches reste en effet élevée (près de 18 % en moyenne dans l'Union européenne, plus de 35 % au Japon, d'après les estimations du Centre d'études prospectives et d'informations internationales), voire très élevée sur certains produits. Leur baisse serait source de gains substantiels pour un certain nombre de pays en développement, notamment les puissances agro-exportatrices d'Amérique du Sud et d'Asie du Sud-Est. Les plus pauvres, cependant, n'ont pas grand-chose à espérer en la matière. Les préférences commerciales leur permettent en effet d'ores et déjà d'accéder aux marchés des pays riches quasiment en franchise de droits de douane. Ce qui est au cœur de la négociation aujourd'hui, ce n'est donc pas tant le devenir des pays les plus démunis, mais bien plutôt le " marchandage " entre grands pays industrialisés et puissance émergentes.
Le retentissant échec de Cancún, il y a deux ans, avait marqué l'irruption sur le devant de la scène des grands pays à revenu intermédiaire. Il s'agit désormais de savoir si ce groupe aux intérêts hétérogènes sera capable de faire les concessions nécessaires à un compromis. Un accord final est encore loin, mais la recherche d'un consensus entre près de 150 pays sur une vingtaine de sujets n'est pas chose aisée. Même sans accord complet sur les modalités de libéralisation, le sommet de Hong-Kong fournit l'occasion de concrétiser les progrès réels des négociations ces derniers mois, par exemple en adoptant une série de mesure en faveur des pays les plus pauvres et en ne brisant pas le fil de la négociation. Ce ne serait déjà pas si mal.
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