Au-delà du deuil, contre l’indécision edit
Le terrorisme a encore frappé Paris. Le bilan est lourd et nos pensées vont d’abord aux proches des victimes, aux forces de l’ordre et aux personnels soignants des hôpitaux parisiens.
Des armes de guerre ont été utilisées, en pleine ville, contre des civils. L’enquête déterminera les circonstances exactes des attaques. Mais on peut déjà en tirer plusieurs leçons.
Aveugle, le terrorisme tue au hasard. Il ne tue cependant pas par hasard. Les islamistes ont visé des lieux de détente : un match amical de football, un concert, des restaurants dans des quartiers branchés, jeunes. C’est la liberté, c’est notre mode de vie qui sont visés. Les autorités françaises ont dû déclarer l’état d’urgence. De telles mesures sont prévues par les lois de la République mais elles n’en constituent pas moins une entorse temporaire à l’Etat de droit. Tout en reconnaissant qu’il faut aider les forces de l’ordre à assurer la sécurité, dans un contexte particulièrement difficile, il est crucial de continuer à défendre, envers et contre tout, la primauté des libertés publiques. Certaines déclarations invitant à créer un camp de type Guantanamo en France, ou incriminant sans discernement tous les musulmans sont inacceptables et à courte vue. C’est exactement le type de réactions que les terroristes espèrent susciter.
La ville de Paris a de nouveau été visée mais déjà Rome est sur la liste des cibles potentielles, ainsi que Londres ou Washington. Nous ne devons pas oublier que le Liban a été frappé récemment, comme la Russie ; le Nigeria, la Libye ou la Syrie vivent la violence au quotidien. Toutes les victimes méritent notre compassion et d’autres peuples notre solidarité. Aucun pays n’est à l’abri. Aucun ne s’en tirera seul.
Nous payons les conséquences d’une forme d’indécision collective qui touche bien des groupes humains.
L’Europe a sa part de responsabilité, et tout particulièrement les Etats qui la composent puisque ce sont eux seuls qui sont les maîtres des traités. Depuis des années, avec une incroyable désinvolture, les gouvernements ont laissé l’Europe de la défense en déshérence. Les budgets militaires sont réduits, la vision stratégique collective est inexistante. Certains pays se prétendent encore «neutres ». Mais peut-on être neutre face à des attaques à la mitraillette dans des restaurants ? La France fait des efforts particuliers mais jusqu’où peut-elle aller, seule ?
Les Etats membres n’ont pas non plus mis en place une Europe de la sécurité intérieure, un « FBI » capable de mener des enquêtes dans plusieurs pays, alors même que les valeurs communes des Européens sont menacées et que les terroristes se déplacent à travers toute l’Europe.
Enfin, sans la crise prolongée qui laisse tant de jeunes sur le bord de la route, sans travail ni avenir, les fanatiques auraient peut-être plus de mal à recruter.
Les Nations Unies ne jouent plus leur rôle dans la défense de la paix mondiale. Aucune coalition internationale n’a été capable de se mettre en place pour combattre le pseudo Etat islamique. Fallait-il attendre qu’il frappe en Europe alors qu’il clame haut et fort vouloir bafouer la dignité humaine, et met déjà ses horribles menaces à exécution ? Au Moyen-Orient, il pratique des exécutions sommaires, asservit les femmes et détruit des biens culturels inestimables.
L’immense majorité des musulmans condamnent les crimes commis au nom de l’islam. Bien des imams ont exprimé leur indignation depuis les attentats et c’est heureux. Des citoyens ordinaires, pieux et pacifiques, ainsi que des écrivains dénoncent l’islamisme intégriste mais aucune Réforme de grande ampleur ne se dessine pour endiguer le fanatisme en modernisant cette religion. Certains Etats arabes, proches de l’Occident, encouragent même et financent des courants dangereux ; ils perpétuent des règles pénales barbares, tout comme des discriminations inqualifiables envers les femmes.
Il n’y aura pas de réponse satisfaisante sans une mobilisation générale.
Les gouvernements européens doivent cesser d’invoquer les difficultés à bâtir l’Europe et s’attacher au contraire à les surmonter. Il faut en finir avec les déclarations qui ne sont pas suivies d’effets, les rapports prudents, pusillanimes qui s’empilent sur les étagères : rapport des 4 Présidents, puis récemment des 5 Présidents, qui dit mieux ? Un sursaut appelle une action sur trois plans : la sécurité externe, via l’Europe de la défense ; la sécurité interne (réfugiés / Schengen et police) ; l’amélioration des performances économiques européennes. Il ne s’agit pas de laisser croire qu’on peut tout changer en un clin d’œil mais en revanche, de se mettre au travail pour redonner à l’Europe un cap – l’unité – en fixant un calendrier. Ceux qui ne veulent pas participer ne devraient pas empêcher les autres d’avancer.
Les Etats du monde entier doivent dépasser les belles déclarations de soutien à la France, déjà nombreuses en janvier dernier, et se mobiliser. Les gestes symboliques sont touchants mais ils ne suffisent pas. Une coalition large doit se fixer l’objectif de libérer la Syrie et d’éliminer les fanatiques aux visées sanguinaires. Sans doute avons-nous vécu pendant des décennies sans être prêts à faire de grands sacrifices pour notre sécurité ; ces temps sont hélas révolus.
Enfin, les musulmans doivent résolument isoler ceux qui, parmi eux, détournent la religion à des fins temporelles, en semant la mort et la désolation derrière eux. D’autres confessions ont dû, par le passé, affronter des dérives similaires et ont peu à peu, et non sans mal, relevé le défi. Cela suppose que les non musulmans les aident, en évitant l’amalgame, en confortant les modérés et tous les hommes et femmes de bonne volonté.
Nous ne sommes qu’au début de nos peines mais si nous n’ouvrons pas ces chantiers, nous aurons sur la conscience les prochaines victimes.
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