Premières leçons des primaires edit
Quoi qu’en dise la droite, les socialistes ont gagné leur pari. Pari difficile car l’enjeu n’était pas celui d’une élection présidentielle elle-même et, dans notre culture politique, il n’était pas certain que tant d’électeurs acceptent d’afficher leurs opinions politiques au moment de voter. Deux millions et demi de votants est dans ces conditions une véritable prouesse. Cela représente non pas comme le clame la droite 4% des électeurs, calcul qui n’a politiquement aucun sens, mais plus du quart des électeurs qui ont voté au premier tour de l’élection présidentielle de 2007 pour la candidate socialiste, Ségolène Royal. Rappelons en effet que de tous les partis de gauche et écologiste, seul le parti radical de gauche avait appelé à voter à cette primaire. C’est donc un chiffre considérable. Il montre aussi que tous ceux qui, à gauche, condamnaient cette primaire au motif qu’elle signait la fin de la vraie démocratie, celle des partis, et qui estimaient qu’il s’agissait d’une illusion démocratique n’ont pas compris l’envie de participation politique de nombreux citoyens.
Une fois n’est pas coutume, il faut féliciter un parti politique d’avoir eu le courage d’adopter cette procédure et d’avoir été capable d’organiser convenablement le scrutin, de même que les adhérents de ce parti sans lesquels il n’aurait pas pu réussir son pari. Il faut aussi féliciter les instituts de sondages, vilipendés tout au long de la campagne et qui ont fait un travail remarquable dans des conditions particulièrement difficiles. Qui désormais pourra encore dire qu’en plaçant François Hollande en tête de leurs enquêtes, ils lui ont donné un avantage décisif alors qu’il réalise un peu moins que ce qu’ils avaient annoncé ? Il faut enfin féliciter les journalistes et les chaînes d’information qui ont joué le jeu et donné toute l’information nécessaire, pratique et politique, sur cette primaire. Ces trois catégories de professionnels étant souvent critiquées, il faut mettre cette fois à leur crédit que leur commune implication a transformé pour longtemps le fonctionnement de notre régime politique et, quoi qu’en disent les grincheux ou les jaloux, a permis, avec cette élection primaire, de faire progresser la participation politique des citoyens et donc la démocratie elle-même. Il paraît impensable que la gauche et improbable que la droite n’utilisent pas cette procédure lors de l’élection présidentielle qui suivra celle de 2012.
Pour être une réussite complète, cette primaire devra encore remplir deux conditions. La première est que la compétition du second tour entre François Hollande et Martine Aubry n’endommage pas l’image d’un parti uni qui avait résisté à la campagne du premier tour. Or, il est évident que Martine Aubry, largement distancée mais pas battue d’avance, va tenter de refaire son handicap. Il était clair, dès hier soir, qu’elle allait monter d’un cran dans sa tentative de disqualification de François Hollande, qu’elle attaque sur trois terrains : son inexpérience, son inaptitude à prendre des décisions et son appartenance à la « gauche molle ».
Face à ces attaques, François Hollande devra trouver le ton juste, ni la seule tactique de l’édredon, ni la foire d’empoigne avec sa concurrente. C’est ici que son talent apparaîtra ou n’apparaîtra pas. C’est finalement une semaine décisive pour lui. Il ne lui suffira pas de gagner. Il devra incarner la gauche sans abandonner la ligne de crête qui est la clé du succès de l’élection présidentielle elle-même. C’est donc sa personnalité qui va être en question. En outre, celui des deux qui gagnera cette primaire devra réunir autour de lui l’ensemble du parti et de ses sympathisants. Sinon, l’avantage de la primaire disparaîtra et les socialistes n’aborderont pas l’élection présidentielle dans de bonnes conditions.
La seconde condition est que les deux candidats ne perdent pas leur crédibilité en répondant trop chaleureusement aux propositions d’Arnaud Montebourg qui exerce une sorte de chantage sur eux, en les sommant de se rallier à ses propositions, comme si c’était lui qui avait gagné le premier tour de scrutin. Un gauchissement net du discours des deux candidats, censé favoriser un bon report de voix des électeurs de Montebourg, peut être tentant. Mais à trop en faire, c’est la crédibilité présidentielle des candidats qui pourrait être gravement abimée.
Ici encore, tout l’art des deux candidats consistera à intégrer certains éléments de la plate-forme de Montebourg sans donner l’impression d’être à la pêche aux voix et sans trop dévier de leur ligne générale. Si l’un des deux candidats est élu l’année prochaine, dans les conditions économiques que l’on sait, en se livrant à une trop forte démagogie antimondialisation, non seulement, il lui faudra se déjuger, à peine arrivé au pouvoir, mais encore il risque de manquer de la crédibilité économique nécessaire pour être élu président de la République l’an prochain. Ici encore, les tempéraments et les caractères seront déterminants. De toutes manières, il est peu probable que, quoi que décide Montebourg, il puisse faire voter au canon un électorat probablement très divers.
Quant au résultat de dimanche prochain, on sait que la préoccupation première des sympathisants socialistes est la victoire de la gauche en 2012. C’est celui des deux candidats qui leur semblera le mieux placé dans ce domaine qui a le plus de chances de l’emporter. La question cruciale est donc de savoir si François Hollande, qui jusqu’à présent possède un avantage, pourra le conserver face à une Martine Aubry qui a bien compris que tout ou presque se jouait sur cette question et qui force l’allure pour se présenter comme la future « tombeuse » de Nicolas Sarkozy. En convaincra-t-elle les votants de dimanche prochain ? Une chose est sûre, c’est que même si son avantage n’est que de neuf points, François Hollande continue à faire la course en tête. Martine Aubry devra donc mettre les bouchées doubles. Mais avec le risque de franchir la ligne jaune !
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