Mondialisation : pourquoi l’Europe perd du terrain edit
Insuffisamment attractive pour les entreprises étrangères, l’Europe ne parvient pas à faire glisser ses activités traditionnelles vers les nouveaux secteurs dans lesquels elle devrait avoir un avantage comparatif. Mais en partant de l’analyse de ses handicaps, on peut convertir la menace en opportunité.
Pour nos entreprises la mondialisation permet de réduire les coûts tout en améliorant la qualité de leurs produits, tandis que pour les consommateurs elle offre la possibilité d’obtenir un plus grand choix de produits à bien meilleur prix. Voilà pour la théorie. La pratique est un peu différente. Les emplois les moins qualifiés partent à l’étranger. Mais le mouvement gagne désormais les emplois qualifiés, au fur et à mesure que les pays émergents nous concurrencent sur les créneaux à forte valeur ajoutée. De ces deux interprétations, quelle est la plus juste ? En fait les deux.
Pour l’heure le phénomène de délocalisation est limité, surtout en comparaison des bouleversements créés par les avancées technologiques. La pression sur les salaires, notamment les plus bas, est réelle mais limitée, et les pertes d’emploi dues à la mondialisation ne représentent qu’une infime partie des mouvements observés sur le marché du travail. Mais toutes les enquêtes suggèrent que les entreprises ont bien l’intention de poursuivre et d’amplifier le mouvement dans les années qui viennent. Jusque-là le phénomène a principalement concerné le commerce des biens. Désormais il gagne les services et les activités de recherche et de développement, jusqu’ici monopolisées par les pays avancés.
Face à cette situation l’Europe concentre quatre handicaps. L’économie européenne est particulièrement vulnérable aux chocs créés par la mondialisation. Un faible accroissement de la productivité et un mauvais positionnement dans les secteurs à fort potentiel de croissance sapent notre compétitivité. C’est le cas, par exemple, dans le secteur des technologies de l’information où un retard important a d’ores et déjà été pris. Même si les échanges dans les secteurs de haute technologie restent équilibrés, les exportations sont trop concentrées dans des activités qui utilisent de la main d’œuvre modérément qualifiée. Au fur et à mesure où les pays émergents développent ce type d’activités, de nombreux emplois européens vont être exposés au phénomène de délocalisation.
L’Europe ne profite pas suffisamment du développement des marchés émergents à croissance élevée. Ainsi les entreprises de la vieille Europe tendent à se délocaliser en priorité dans la nouvelle Europe. Les gains de ce mouvement sont importants mais ne devraient pas cacher les possibilités qui existent plus loin, en Chine par exemple.
L’Europe n’est pas suffisamment attractive pour les entreprises étrangères. Tout aussi inquiétant est le fait que les entreprises européennes ont aussi pris du retard en matière d’investissements en Europe. La Chine, par contre, offre à ses investisseurs un très grand marché potentiel et un énorme marché du travail bien développé et peu coûteux. En matière d’investissements directs étrangers dans le secteur de la R & D, l’Europe devient moins attractive que les Etats-Unis, mais aussi que la Chine.
Il apparaît enfin que l’Europe ne parvient pas à faire glisser ses activités traditionnelles vers les nouveaux secteurs dans lesquels elle devrait avoir un avantage comparatif.
Le nouveau défi européen est donc clair. Il s’agit désormais d’attirer les investisseurs étrangers, de tirer parti des opportunités crées par la mondialisation (marchés à croissance rapide et possibilité d’accroître l’efficacité des entreprises) et de mieux absorber les chocs créés par la mondialisation. Quelles sont les mesures susceptibles de nous aider à relever ce défi ?
Il ne s’agit surtout pas d’essayer de bloquer le phénomène de mondialisation. L’Europe est bien trop insérée dans l’économie mondiale pour espérer enrayer chez nous un mouvement qui se développe, et continuera à se développer partout ailleurs. Notre seule chance est de convertir la menace en opportunité. Deux objectifs sont primordiaux.
L’Europe doit pouvoir s’adapter aux changements sans pertes nettes d’emploi. Il s’agit de continuellement créer de nouvelles activités, et les emplois qui vont avec, pour pouvoir réduire les ressources dans les secteurs en déclin au profit des secteurs dans lesquels l’Europe a un avantage comparatif. Il s’agit de politiques qui permettent le développement du Marché unique dans les marchés des biens comme des services, bien sûr, mais aussi de créer les conditions pour que les entreprises européennes soient innovantes. La politique de la concurrence, le régime des brevets, la réglementation des marchés du travail, la formation et l’éducation, la fiscalité et la politique d’immigration doivent être améliorés. Bien sûr, la politique commerciale doit aussi veiller à garantir l’ouverture aux échanges internationaux.
Faciliter les ajustements. A court terme, les bouleversements économiques se traduisent toujours par des pertes nettes d’emploi car les marchés du travail sont toujours quelque peu rigides, en Europe en particulier. C’est pour cela que doivent être mises en œuvre des politiques qui facilitent ces transitions. Les aides doivent en priorité atténuer les pertes de revenus mais sans décourager le développement de nouvelles activités. Dans cette perspective la mise en place du nouveau Fonds européen pour la globalisation va dans le bon sens.
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