L'an de grâce 2008 edit
Bonne nouvelle : Thierry Breton vient d'annoncer que les revenus 2008 ne seront pas imposables. Le passage à la retenue à la source l'impose : en 2008, les Français paieront leurs impôts sur les revenus de 2007 et en 2009 ceux sur les revenus de 2009. Et, hocus pocus, 2008 échappera à l'impôt. Tout va-t-il pour le mieux dans le meilleur des mondes ?
Envisageons, pour faire court, trois effets positifs (et non des moindres) de cette abolition de l’impôt :
1. Johnny Halliday va revenir passer l’année 2008 en France.
2. Les chanteurs de l’Union Européenne vont affluer en France et s’y établir fiscalement: quoi de mieux, en effet, que Paris qui chante sans impôt ?
3. La France va se remettre au travail. Car quand même, avec un taux d’imposition nul, ça vaut la peine de se fatiguer. Supply-side economics élementaire, mon cher Watson, la flat tax à la française. Reagan, Thatcher et l’Estonie vont en pâlir de jalousie.
Hélas, cela n’est pas aussi simple, car voici deux petits problèmes :
1. Ces déménagements constants vont coûter cher à Johnny : Suisse en 2007, France en 2008, Suisse en 2009, c’est quand même beaucoup de charivari rien que pour échapper à l’impôt.
2. Et surtout, les recettes fiscales de 2008 (provenant des revenus 2007) vont en prendre un sacré coup. Seul les plus pauvres, qui n’ont pas un sou devant eux, seront assez bêtes pour travailler et payer des impôts en 2007. Les plus fortunés se reposeront en 2007 et mettront les bouchées doubles en l’an de grâce 2008. Quant aux entreprises, elles obligeront volontiers leurs employés en leur versant les primes 2007 le 1er janvier 2008 à minuit et une minute.
Mais cessons de badiner car, comme disait Devos, le rire est une chose sérieuse avec laquelle il ne faut pas plaisanter. Mieux vaut lire Robert Barro, et sa théorie du lissage des impôts, qui nous enseigne qu’il faut éviter, lorsque l’on doit prélever des impôts pour financer les dépenses publiques, de faire varier dans le temps le taux d’imposition. Rien de pire, en effet, que de forcer les contribuables à choisir l’endroit et le moment où ils travaillent en fonction des variations de la fiscalité.
L’impôt zéro en 2008 est une donc très mauvaise idée. Elle ne vaut évidemment guère mieux que celle qui consisterait à faire payer en 2009, année de transition, des impôts deux fois, sur les revenus de 2008 et sur ceux de 2009 : la plupart des ménages serait incapable de régler la facture du fisc. Que faire ? Que conseiller à Thierry Breton ?
Comme toujours, la théorie économique est là pour nous guider. Le dilemme dont le ministre des Finances est prisonnier est analogue à celui posé par le système de retraite sociale par répartition : il est des politiques qu’on ne peut éliminer, une fois qu’elles sont en place, sans conséquences néfastes. Pour abandonner le système par répartition, soit on cesse de verser les retraites promises aux vieux, soit on continue à faire cotiser les jeunes en leur précisant qu’ils n’ont aucune réciprocité à attendre de la répartition. Or, tout le problème est que ceux à qui il faudrait réclamer ces ressources sont ceux qui ont bénéficié de sa mise en place, pour avoir, après-guerre, perçu une retraite sans jamais avoir cotisé. Evidemment, ils ont disparu depuis longtemps.
L’abandon de la perception décalée des impôts et le passage à la retenue à la source est un problème similaire qui semble nous condamner soit à l’hypothèse de l’impôt zéro en 2008 avec son cortège de distorsions, soit à la double imposition en 2008 des revenus 2007 et 2008 avec ses effets catastrophiques. Dans un monde idéal, on choisirait pourtant la deuxième solution. On rappellerait à chaque contribuable qu’il a jadis, pendant la première année de sa vie active, perçu des revenus sans payer d’impôts cette année-là et qu’il n’y a donc rien d’immoral à lui réclamer deux années d’impôts en 2008. Après tout, le principe ne devrait-il pas être que si l’on travaille 40 ans, on paie 40 ans d’impôt et pas 39 ?
Hélas, de la même façon que les premiers retraités de la répartition sont morts et enterrés, les revenus de la première année de la vie active ont depuis longtemps disparu des comptes en banque des contribuables. Il n’y a donc pas d’autre solution, pour passer à un système de retenue à la source, que de subir les distorsions engendrées par l’année sans impôt. Mais essayons par pitié de les réduire ! Spécifions, au minimum, que l’impôt prélevé en 2009 sera basé sur la moyenne des revenus 2008 et 2009. Une telle formule n’est pas parfaite mais elle découragera la plupart des petits malins et elle a, surtout, le mérite de la simplicité. Johnny, certes, ne rentrera pas de Suisse. Mais après tout, la très belge Axelle Red a, elle, choisi la France.
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