Bolkestein : les marchés de la vieille Europe ne sont pas plus ouverts que ceux de la nouvelle Europe edit
L’une des raisons majeures qui ont motivé cette directive était que le marché des services, entravé par les règlements nationaux, est beaucoup moins intégré que celui des marchandises, qui était l’objet principal du programme de 1992. Cette justification est-elle corroborée par les données dont nous disposons ?
La croissance du commerce des services entres pays européens n'a pas été plus rapide que celle enregistré dans le secteur des marchandises. Pendant la dernière décennie, la part des services intra-UE a un peu augmenté, passant de 3,3 % du PIB européen en 1995 à 4,5% en 2004. On peut certes souligner que c'est une augmentation de plus d'un tiers. Mais la vérité est que le commerce de services représente encore moins de 5% du PIB, alors même que ce secteur contribue à plus de 60% du PIB. Moins de 8% de la production de services est ainsi vraiment échangée dans l'UE 15, et le chiffre pour l’UE 25 serait sans doute très proche. Les services restent ainsi dans une très large mesure un secteur abrité.
De surcroît, les exportations de service dans l’UE continuent à ne représenter qu’1,2 fois les exportations de services hors UE ; le chiffre n’a pas varié depuis 10 ans. L'expansion du commerce de services doit donc être comprise comme un phénomène global, et non une conséquence de l’intégration européenne. Si l’on prend le secteur des marchandises, on trouve le chiffre est beaucoup plus élevé : les exportations dans l’UE représentent 2 fois les exportations hors UE : là, l'intégration européenne a clairement encouragé le commerce intérieur. Cette différence entre les secteurs apparaît encore plus nettement quand on considère la répartition entre services et biens dans les exportations : les deux secteurs représentent respectivement 30% et 70% des échanges hors d’Europe, contre 16% et 84% des échanges intra-européens.
Les données suggèrent ainsi que le secteur des services est sensiblement moins ouvert au commerce que le secteur de la production de biens. L'ouverture des marchés européens pendant la dernière décennie ne s’est pas traduite par une véritable intégration. Parmi les raisons principales de ce phénomène, il y a le fait que les services continuent à faire l’objet de réglementations au niveau national ; d’où la Directive Services.
Le niveau de règlementation interne varie sensiblement d’un pays à l’autre. Comparons brièvement trois groupes de pays, un premier ensemble représentatif de la moyenne de l’OCDE, un deuxième de « vieux pays » européens, un troisième de nouveaux pays membres.
Si l’on considère les niveaux de réglementation des services mesurée sur une échelle de 0 (pas de réglementation) à 6 (réglementation maximale) la moyenne de l’OCDE est de 2,5. Pour les « vieux pays » européens, les chiffres vont de 1 au Royaume-Uni à 4,1 en Grèce, en passant par 3,2 pour l’Irlande, 3 pour la France et l’Italie et 1,6 pour l’Allemagne .
Sans surprise, la France et de l'Italie ont un secteur des services fortement régulé. Mais il est intéressant de noter que les champions de la Directive Services, les nouveaux Etats membres et l'Irlande, ont aussi le niveau de réglementation le plus élevé, si l’on s’en tient aux chiffres de l'OCDE. Le marché le moins régulé des nouveaux Etats membres fait à peine mieux que celui des Etats considérés comme les plus dirigistes de la « vieille Europe ».
Tout ceci pour dire que le fond du problème en Europe vient moins des obstacles à la circulation des biens et des services que des barrières réglementaires nationales dans le domaine des services. Or ce problème concerne autant la nouvelle que la vieille Europe.
Traduit de l'anglais par René Palacios.
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