G20 : peut mieux faire ! edit
On s’attendait au pire avec le G20 de Los Cabos. Ce ne fut pas le cas. Mais cette édition ne laissera pas de souvenir impérissable.
Dès son ouverture le G20 de Los Cabos a reçu un cadeau qui lui a fait du bien : les résultats de l’élection grecque de dimanche ont provisoirement ôté une épine du pied aux Européens qui auraient été soumis à une pression encore plus forte si les élections avaient vu la victoire des adversaires de la Troïka.
Sur le dossier crucial de la crise économique européenne, le G20 a donné lieu à des échanges vifs et houleux, notamment entre certains dirigeants et Angela Merkel. Plusieurs pays, notamment le Canada, le Royaume-Uni, mais aussi les Etats-Unis, ont fait part de leurs fortes inquiétudes envers l’euro et leur manque de confiance dans la capacité politique des institutions et des leaders européens à résoudre la crise dans les temps impartis par les marchés financiers. Mais le président de la Commission européenne, Manuel Barroso, piqué au vif a su rendre la pareille à ses détracteurs canadiens.
Mais, in fine, le sommet de Los Cabos a renforcé le pacte informel entre Européens et leurs partenaires internationaux ébauché lors de la réunion de Washington en avril. D’un côté, les quatre pays de la zone euro ont pu jouir d’un espace commun pour préparer le prochain sommet européen. Ils se sont engagés publiquement à avancer sérieusement sur l'édification institutionnelle nécessaire à la pérennité de l’euro, à commencer par une union bancaire, et plus tard, une union budgétaire elle m^me devant préfigurer une union politique. De l’autre côté, tous les pays présents hormis les Etats-Unis et le Canada ont confirmé leur engagement pris à Washington en avril dernier de mettre à la disposition du FMI 456 milliards de dollars de ressources supplémentaires, dans le but de marquer leur solidarité avec l’Europe et de soutenir les pays les plus pauvres qui pourraient être affectés par la crise de l’euro. Plusieurs pays ont fait des promesses substantielles : le Japon (60 milliards), la Chine (43 milliards), l’Arabie Saoudite (15 milliards), la Corée (15 milliards), le Royaume-Uni (15 milliards), le Brésil, la Russie, et l’Inde (10 milliards chacun). S’ajoutent à cela les importants engagements des membres de la zone euro eux-mêmes.
À noter que ceci n’est pas un chèque en blanc. Si les Européens n’avancent pas assez vite sur les dossiers d’union bancaire ou budgétaire, les autres pays perdront patience avec le modèle de la Troïka, et demanderont alors de mettre l'Union européenne, la BCE et les pays européens du même côté de la table et le FMI de l'autre comme l’a évoqué Robert Zoellick, président de la Banque mondiale.
Fait géopolitique significatif, ce sommet a connu le premier cas de coordination avancée entre Chine et Japon au sein du G20. En effet, dimanche, le ministre des Finances japonais Jun Azumi et le vice Premier ministre chinois Wang Qishan ont comparé leurs copies sur le sujet du soutien à la zone euro par le biais du FMI.
Bien sûr aussi, on note que les pays émergents ont obtenu que le communiqué réaffirme longuement les engagements fermes sur la réforme des institutions internationales, notamment sur la mise en place des engagements pris à Séoul en 2010 sur les quotas du FMI, même la ratification américaine reste bloquée par le Congrès jusqu’à après les élections de novembre. Il est clair que l’engagement des pays émergents dans le jeu de la régulation mondiale et de la solidarité va dépendre de ces progrès. Le sommet des cinq pays dits BRICS en marge du G20 a rappelé que ces pays peuvent développer des alternatives, notamment en termes de mise en commun de leurs réserves ou de Banque de développement Sud-Sud.
Cela dit, la solidarité entre les BRICS a également montré ses limites. Sur la question des ressources du FMI, le Brésil a longtemps hésité à contribuer pour marquer son mécontentement face au manque de progrès dans la ratification des réformes des droits de vote. La Chine et l’Inde ont dû faire valoir que la crise était trop grave et que le FMI pourrait venir à manquer de ressources sans l’engagement des BRICS. Sur le dossier du commerce, le Brésil et l’Argentine se sont opposé à la Chine et à l’Inde, qui ont insisté sur le besoin de garder un système commercial mondial ouvert.
Pour le long terme, l’institutionnalisation croissante du G20 et les avancées réelles sur les sujets techniques de la régulation financière sont importantes. Le communiqué final souligne que la charte du CSF (Conseil de stabilité financière) a été préparée et devrait être finalisée avant la fin de 2012, marquant la création officielle de cette première organisation mondiale de la régulation de la finance ; un fait souligné par le président Hollande lors de sa conférence de presse. Bien sûr, la structure du CSF reste légère et soumise aux contraintes de la souveraineté nationale. Mais c’est une étape qui pourrait mener à une dynamique d’institutionnalisation.
On note également l’engagement du G20 à intégrer tous les contrats de produits financiers dérivés sur des plateformes électroniques centralisées avant fin 2012, une réforme qui réduirait le risque financier systémique de façon significative. De même, le G20 progresse sur la régulation des grandes banques internationales et sur le besoin de plus de transparence et de concurrence au sein des agences de notation financière.
Le dossier commercial a également connu une forte avancée : alors même que le Global Trade Alert de Saint-Gallen et Pascal Lamy lui-même avaient mis en garde les pays du G20 contre la montée du protectionnisme, les pays du G20 se sont engagés à geler toutes les mesures protectionnistes jusqu’à 2014 et à développer le mécanisme de résolution des disputes de Genève. Reste à voir, bien sûr, si tout sera mis en place.
Que manque-t-il parmi ces résultats du G20 de Los Cabos ? Dans le plan d’action mutuel, le FMI et la Russie avaient poussé pour que soit mentionnée la grave situation budgétaire américaine. Les Américains ont réussi à bloquer ce point et à éviter de se soumettre à la discipline mutuelle du G20. Le G20 a encore peu d’impact sur la trajectoire économique américaine.
Du côté français, on note que le sujet de la taxe sur les transactions financières n’a pas pu figurer dans le communiqué final, contrairement à Cannes. Cela marque l’opposition incontournable des Etats-Unis, mais aussi du Canada, du Royaume-Uni et la forte prudence de la Chine et de l’Inde sur le sujet. De même, le G20 ne fait aucun progrès sur le sujet capital du système monétaire international et sur le rôle trop dominant du dollar. On devine bien l’opposition américaine sur ce sujet.
Les priorités mexicaines sur le développement et la croissance verte sont bien présentes dans le communiqué, Mais, cet engagement reste purement formel et il ne fait pas l'unanimité.
En somme, même si ce sommet a manqué de temps et de volonté politique pour offrir des décisions puissantes et nouvelles, la dynamique du G20 reste utile. Elle permet des échanges significatifs, réduit les incompréhensions mutuelles et suscite entre les sommets un processus de travail institutionnel très important.
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