Vers un budget européen au rabais edit
L'une des questions centrales du dernier sommet européen concerne le fameux chèque britannique. C'est un mécanisme assez complexe, mais en substance la ristourne accordée à la Grande-Bretagne représente environ les deux tiers des contributions nettes au budget communautaire.
Cette ristourne est de moins en moins justifiable. Lorsqu'elle fut négociée au milieu des années 1980, le Royaume-Uni avait un revenu par tête équivalent à 90% de la moyenne communautaire, contre 111% aujourd'hui. Par comparaison, les Pays-Bas sont à 107, la France et la Suède à 105, l'Allemagne réunifiée à 99 et l'Italie à 97. Si le mécanisme du rabais n'était pas modifié, pendant la période 2007-2013 la contribution nette du Royaume-Uni serait comprise entre 0,20 et 0,25% de son PNB, c'est-à-dire proportionnellement la plus basse de tous les pays contributeurs nets. Par comparaison, on peut rappeler que la contribution nette des Pays-Bas est aujourd'hui de près de 0,5% de leur PNB, celle de l'Allemagne de 0,34%.
Or, ces pays demandent depuis longtemps une réduction de leur contribution. Ils avaient obtenu dans le dernier budget un mécanisme temporaire de correction pour réduire les soldes positifs, mais cette correction restait modeste. C'est pour cette raison que dans les négociations en cours ils ont soutenu la proposition britannique de réduire le budget de l'Union à 1,03% du produit intérieur brut européen. La Commission, qui n'était évidemment pas sur la même ligne, a pour sa part proposé d'adopter un nouveau mécanisme, une correction généralisée, qui permettrait de calculer les contributions nettes en tenant compte du revenu national et du revenu par tête.
La proposition du Royaume-Uni ne modifie pas les mécanismes actuels, sauf sur un aspect : elle exclut de la base de calcul du rabais britannique les paiements aux nouveaux pays membres. Certes, Tony Blair a fait un geste, en proposant qu'entre 2007 à 2013, la Grande-Bretagne accepte de prendre en charge une partie des coûts de l'élargissement, en versant huit milliards d'euros pour solde de tous comptes. Mais on est loin du compte. Si le mécanisme du rabais restait inchangé, la contribution nette du Royaume-Uni s'élèverait à 50 milliards d'euro ; le petit ajustement proposé par la présidence britannique porte cette contribution à 58 milliards d'euro, à comparer aux 70 milliards de la proposition luxembourgeoise (qui gelait le remboursement sur son niveau actuel). D'où le scandale : par rapport à la proposition repoussée au Luxembourg il y a six mois, les seuls gagnants sont les Anglais. Tous les autres sont perdants.
On comprend que la présidence britannique semble plutôt isolée et qu'elle se soit aliéné jusqu'à la sympathie des nouveaux pays membres, qui sont ses alliés naturels sur beaucoup de questions européennes. Toutefois, cela pas signifie qu'un compromis soit impossible.
En effet, la base du raisonnement britannique n'est pas si éloignée de la proposition luxembourgeoise que les Anglais ont bloquée en juin. Et surtout, compte tenu des intérêts en présence, le budget tend naturellement vers son étiage de 1% du produit intérieur brut européen. Dès lors, si l'on ne touche pas à la PAC, il n'y a pas d'autre issue que de restreindre les dépenses consacrées à la croissance et aux fonds structurels.
Ce qui rend la proposition britannique inacceptable aux yeux de ses partenaires, c'est moins la baisse du budget que le fait que le Royaume-Uni en soit le bénéficiaire presque exclusif. Cette position révèle les difficultés croissantes de Tony Blair, qui a attendu la dernière minute pour révéler à l'opinion anglaise la possibilité de diminuer le rabais et qui a en face de lui un Gordon Brown, chancelier et probable successeur, bien décidé à ne lâcher sur rien.
Ces difficultés sont bien connues dans les autres capitales, où l'on craint que qu'un compromis ne soit encore plus difficile sans Tony Blair. Tout en continuant à crier au scandale, on poursuit donc activement la recherche d'un compromis. Il est évident que le Royaume-Uni devra faire des concessions, sans quoi un accord sera impossible. Mais quel que soit le résultat de la négociation, il faut comprendre qu'une fois encore on a renvoyé toutes les décisions à 2013.
Rome, 14 décembre 2005
Traduit de l'italien par René Palacios.
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