L'Europe a besoin d'un accès libre aux pipelines russes edit
La Russie a choisi de faire de la sécurité énergétique le thème dominant du sommet du G-8 qui aura lieu mi-juin à Saint-Pétersbourg. C'est un bon choix. La demande mondiale de pétrole s'élève désormais à presque 85 millions de barils par jour. Les pessimistes soutiennent que la production pétrolière mondiale est à son pic, alors que les optimistes suggèrent qu'en 2020 elle peut atteindre 105 millions de barils ; mais cela ne fait pas grande différence.
Fournissant un cinquième de la production mondiale de gaz naturel et un neuvième du brut, la Russie joue vraiment un rôle-clé. Sa position est encore plus importante en Europe, où elle est le fournisseur dominant. Tant pour son efficacité que pour des raisons environnementales, l'Europe se tourne de plus en plus vers le gaz naturel, ce qui contribue à accroître cette position.
Il est donc indispensable que la Russie puisse prouver qu'elle est un fournisseur sûr. L'interruption partielle des livraisons de gaz russe en Ukraine les deux premiers jours de cette année a déclenché des sirènes d'alarme dans toute l'Europe. La question n'est pas de savoir qui avait raison et qui avait tort dans ce conflit, mais de créer un système sûr de livraisons d'énergie pour éviter ce genre d'événement. Le commerce international de l'énergie ne doit pas être laissé sans régulation.
Ce qui est nécessaire est un système commercial eurasien de l'énergie, conforme aux règles de l'OMC, avec ses conventions multiples. Un tel système devrait définir les règles pour le libre commerce de l'énergie, l'accès aux systèmes de transport, et des règles pour les investissements mais aussi les taxes. Naturellement, il devrait comporter des règles claires sur les cas d'interruption des livraisons.
La bonne nouvelle, c'est que ces règles existent : la Charte de l'énergie a été signée par 49 pays eurasiens, dont la Russie, en 1991, et elle est entrée en vigueur en 1998 après que 13 signataires l'ont ratifié. C'est un document juridique d'environ 200 pages.
Le problème, pourtant, c'est qu'aucun des grands fournisseurs de l'Europe, ni la Russie, ni la Norvège, n'a ratifié la Charte. Les Etats-Unis et le Canada ont participé aux négociations en 1991, mais n'ont pas signé non plus. Ainsi, bien que la Charte soit entrée en vigueur, elle n'apporte pas de réponse pertinente aux questions qui se posent aujourd'hui. A chaque sommet Russie-Union Européenne, les chefs d'Etat européens conseillent à la Russie de ratifier la Charte, ce qu'elle ne va clairement pas faire.
La fourniture d'énergie est un sujet trop important aujourd'hui pour ne pas être régulée par des accords internationaux multilatéraux. Il faut donc réviser la Charte pour qu'elle ne se plie pas seulement aux vœux des consommateurs, mais aussi à ceux des fournisseurs d'énergie. Sans quoi elle n'aura aucun sens.
Les objections de la Norvège, des Etats-Unis et du Canada sont toutes de nature juridique. La Norvège n'accepte pas d'arbitrage international sur le territoire norvégien, alors que la Charte le prescrit. Tant les Etats-Unis que le Canada considèrent que la Charte excède les pouvoirs du gouvernement fédéral par rapport aux Etats. Ces questions juridiques doivent être affrontés franchement et résolus. Aucun de ces pays n'a de problème avec le contenu réel de la Charte.
Les objections de la Russie sont d'une nature complètement différente. Elles sont nombreuses et concernent le même sujet. Le plus grand obstacle, ici, concerne l'accès d'un tiers aux pipelines et les règles de transit. La Russie n'est pas prête non plus à respecter toutes les règles pour l'investissement et la taxation. Sur un bon nombre de points, la Russie se situe donc assez loin des autres pays.
Il ne suffit plus aujourd'hui de remarquer l'existence de ces différences ou de demander contre toute raison à la Russie de ratifier la Charte. Aux ministres des Finances du G-8 qui se rencontraient à Moscou en février, le ministre français Thierry Breton a eu raison de proposer que la Charte soit révisée pour être acceptable par tous les pays impliqués. Dans un discours tenu à Moscou le 20 mars, le sherpa de la Russie, Igor Shuvalov, est convenu que la Russie souhaite une révision de la Charte.
Un accord russe-européen semble donc s'être fait sur trois points : la Charte est nécessaire, il faut au préalable la réviser afin qu'elle soit acceptable par toutes les parties, ce devrait être l'objectif du prochain G-8.
L'Europe ne peut pas continuer à augmenter ses achats d'énergie en Russie sans un cadre communément accepté pour le commerce et le transport d'énergie. Pour l'Europe, la question majeure est l'accès libre aux pipelines russes, avec naturellement des compensations commerciales raisonnables et la sûreté des livraisons.
Naturellement, une confiance réciproque est aussi dans l'intérêt de la Russie, parce que si les 25 ne la considèrent pas comme un fournisseur sûr, l'Europe se mobilisera pour utiliser des sources d'énergie alternatives. Pour le gaz naturel, le gaz liquéfié peut remplacer les livraisons par pipeline. Le charbon et l'énergie nucléaire peuvent être encouragés, tout comme les économies d'énergie d'énergie et les énergies alternatives.
Il serait souhaitable de faire ratifier la Charte par les Etats-Unis et le Canada, parce qu'il y a dans ces pays beaucoup de grandes entreprises qui font de gros investissements à l'étranger, et que les problèmes qui s'opposent à la ratification ne sont que d'ordre juridique.
Il y a donc toutes les raisons pour le le prochain G-8, qui se tiendra à Saint-Pétersbourg du 15 au 17 juillet, ne soit pas seulement consacré à la sécurité énergétique, mais aussi à la révision de la Charte. C'est le plus grand apport qu'on puisse attendre de ce sommet.
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