Sauver une banque peut être rentable edit
La crise actuelle a vu une forte intervention des gouvernements afin de prévenir la chute des banques qui auraient entraîné le reste de l’économie avec elles. Si les spécificités de ces interventions diffèrent entre les pays, leur ampleur est importante et soulève la question de savoir si ces sauvetages ne représentent pas un coût excessif pour le contribuable. Alors que Christine Lagarde souligne le besoin d’injections supplémentaires de fonds dans les banques européennes, la question du coût d’éventuels soutiens reste pertinente.
Le cas suisse présente un exemple intéressant, et montre que sauver une banque peut s’avérer une bonne affaire pour le contribuable. En octobre 2008 les autorités helvétiques ont mis en place un sauvetage d’UBS, la première banque du pays, dont le bilan était plombé par des actifs problématiques sur le marché américain. Le plan comportait deux éléments. Tout d’abord une nouvelle société, le « stabfund », a repris pour près de 39 milliards de dollars d’actifs problématiques d’UBS entre décembre 2008 et avril 2009. Ce fonds est financé à raison de 90 pourcent par un prêt de la banque nationale suisse, le reste étant financé par une prise de participation par UBS. Ensuite, la Confédération helvétique a injecté 6 milliards de francs dans la banque. L’objet de ce plan était d’isoler les actifs problématiques dans une entité séparée de la banque afin de permettre à cette dernière de tourner la page. Lors de sa mise en place le plan a été l’objet de critiques substantielles. Certes UBS était en première ligne en cas de pertes sur les actifs, mais si ces pertes devaient dépasser 10 pourcent alors le prêt de la banque nationale s’en trouverait entamé avec à la clef une perte pour le contribuable.
Si les perspectives étaient très incertaines à l’automne 2008, il s’avère que le plan a bien fonctionné. Tout d’abord la stabilisation de la situation d’UBS a permis à la Confédération de revendre sa participation en Août 2009 avec à la clef un gain de 1.2 milliards de francs. Ce pan de l’opération s’est donc soldé par un rendement pour le moins sympathique de 20 pourcent en un peu moins d’une année pour le contribuable.
Les actifs détenus par le stabfund n’ont en revanche pas encore été totalement liquidés. Les résultats de cette entité sont publiés par la banque nationale suisse dont elle constitue une filiale. L’impact du stabfund sur les bénéfices de la banque peut être apprécié en considérant leurs comptes consolidés qui sont publiés dans les rapports annuels de la banque nationale (Plus précisément, notre analyse se base sur les chiffres de « l’effet du fonds de stabilisation sur le résultat consolidé » publié dans les rapports annuels de 2009, page 186, et 2010, page 188, disponibles sur le site de la banque nationale suisse.
Le stabfund a connu un départ difficile avec une perte de 4.8 milliards de francs en 2008-2009. Cette perte n’a cependant pas entamé le résultat de la banque nationale car elle a été absorbée par la participation d’UBS dans le stabfund. La situation s’est nettement redressée en 2010 avec un gain de 1.6 milliard pour la banque nationale. En outre, le redressement des marchés en 2010 a permis de réduire le portefeuille du stabfund d’un tiers. L’opération s’est donc, pour l’instant, avérée profitable pour la banque nationale, quand bien même la rechute récente des marchés est susceptible de réduire cette performance.
Le cas suisse n’est pas un exemple isolé. Le contribuable américain n’a en effet pas subit les lourdes pertes redoutée sur les fonds injectés dans les banques, bien que le résultat du soutient à AIG soit nettement moins favorable. Il n’en demeure pas moins que d’autres pays ont connu une situation nettement plus difficile, au premier plan desquels l’Irlande où la garantie du secteur bancaire a mis les finances publiques sous pression.
Quelles leçons pouvons-nous tirer de ces expériences ? Tout d’abord l’étendue du problème est importante. Dans le cas d’UBS il était concentré dans des actifs bien définis qu’il a été relativement aisé d’isoler. En outre le reste du secteur bancaire helvétique n’était pas affecté. Limiter les coûts subis par le contribuable est bien moins aisé lorsque l’ensemble du bilan du la banque est concerné, ou lorsque le problème touche de larges pans du secteur bancaire plutôt que quelques acteurs isolés.
Deuxièmement, les conditions macroéconomiques générales sont importantes. Les autorités suisses ont bénéficié d’une conjecture relativement favorable avec l’absence de problèmes domestiques. Il suffisait donc d’attendre que la tempête passe et que les actifs retrouvent de leur valeur. Les autorités Irlandaises en revanche ont été confrontées à l’éclatement d’une bulle immobilière de grande ampleur et la récession durable qui s’en est suivi, sans perspective que les prix de l’immobilier remontent à leur niveaux d’avant la crise avant bien longtemps.
Troisièmement, une gestion rapide des problèmes est importante. Le gain du contribuable suisse s’explique en partie par le fait qu’UBS a reconnu ses difficultés dès l’automne 2007 et avait déjà absorbé une part importante des pertes avant l’intervention des autorités. Le plan suisse représente donc moins un chèque en blanc à la banque qu’un accompagnement dans un processus douloureux de restructuration. La taille d’UBS a en effet diminué de près de moitié entre 2007 et 2010. Si le contribuable suisse s’en sort plutôt bien, ce n’est pas le cas des actionnaires de la banque. Mais cela fait partie de la condition d’actionnaire.
Finalement, il convient de mettre en place un plan dans lequel le contribuable peut profiter d’un redressement de l’institution. Cela a clairement été le cas pour le plan suisse qui a d’emblée été structuré pour générer des gains allant au contribuable en cas de redressement, en n’offrant des possibilités de gain à UBS qu’en cas de forte performance du portefeuille. Il est donc préférable de choisir des plans qui permettent au contribuable de bénéficier d’une amélioration de la situation, par exemple par le biais de participation dans le capital plutôt que d’un transfert de ressources sans dilution des avoirs des actionnaires existants.
Au final le soutien des autorités aux banques est un exercice délicat. Mal structuré, ou se déroulant en présence de problèmes économiques majeurs comme un crash immobilier, il peut générer un coût substantiel. Ceci n’est toutefois pas une fatalité, et l’expérience montre que les pertes peuvent être limitées, et que des gains, mêmes substantiels, sont possibles.
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