Mélenchon : un danger pour Hollande ? edit
Les intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon ont atteint 15%, après une progression spectaculaire ces dernières semaines. Elles traduisent la résistance en France de l’idéologie de gauche issue de la Révolution française mâtinée de marxisme. Jean-Luc Mélenchon n’a-t-il pas proposé à ses partisans de reprendre la Bastille et de mettre fin à l’Ancien Régime ? Mais derrière la phraséologie révolutionnaire se pose la question de la place et du rôle du Front de gauche dans le paysage politique. Que signifie cette poussée aujourd’hui ?
D’abord, face à un François Hollande obligé par la perspective du pouvoir de respecter une certaine prudence, compte tenu de la situation à laquelle il devra faire face, les thèmes de l’orateur populaire du Front de gauche apparaissent plus mobilisateurs pour un électorat craignant les effets de la crise que ceux du candidat socialiste dont le seul véritable engagement est de réduire le déficit budgétaire. Pour autant, il est probable qu’une part de électeurs potentiels de Jean-Luc Mélenchon entend surtout adresser un signal à François Hollande sans pour autant accorder une véritable crédibilité au programme politique du leader du Front de gauche ni rompre avec le candidat socialiste.
Cette poussée met-elle en danger François Hollande ? Probablement pas. D’abord, l’écrasante majorité de ses électeurs s’apprête à voter pour celui-ci au second tour de scrutin. Ensuite, la montée de Jean-Luc Mélenchon ne s’effectue que très partiellement au détriment du candidat socialiste qui demeure à un niveau élevé, autour de 27-28%. Elle correspond plutôt à une poussée générale de la gauche qui atteint un niveau jamais obtenu depuis la réélection de François Mitterrand en 1988, autour de 46%. Au second tour de scrutin, les intentions de vote en faveur de François Hollande donnent 54% en faveur du candidat socialiste, soit un niveau particulièrement élevé. L’écart des intentions de vote du premier tour entre les deux candidats de gauche demeure très net, près de 17 points de pourcentage. Quoi que claironne Jean-Luc Mélenchon, François Hollande arrivera en tête de la gauche au premier tour de scrutin.
Ensuite, Jean-Luc Mélenchon sera conduit à faire voter en faveur du candidat socialiste au second tour. En effet, il ne faut pas oublier que la séquence électorale du printemps constitue en réalité une sorte de scrutin à quatre tours, les élections législatives ayant lieu dans la foulée de l’élection présidentielle. Or, ces élections sont capitales pour le Parti communiste qui a pour objectif premier de conquérir un groupe parlementaire pour le Front de gauche. Il a donc besoin d’un accord électoral avec le parti socialiste. Il est même vraisemblable qu’il désire participer au prochain gouvernement. Jean-Luc Mélenchon doit donc tenir compte des objectifs communistes, d’autant qu’il a peu de chances de pouvoir faire élire un nombre significatif de députés « mélenchonistes ».
Enfin, cette poussée peut-elle obliger François Hollande à gauchir sa campagne, prenant alors le risque au second tour de ne pas élargir son électorat vers le centre ? C’est peu vraisemblable car son positionnement actuel sur l’axe gauche-droite est favorable pour remporter l’élection, les électeurs de gauche le plaçant clairement à gauche tandis que sa prudence peut lui permettre d’attirer une part des électeurs centristes au second tour. Dans la mesure où il est assuré d’un bon report des voix de gauche au second tour et ne risque pas d’être éliminé au premier, il n’a aucun intérêt à bouger.
Certes, un score élevé de Jean-Luc Mélenchon pourrait lui permettre d’obtenir, une fois le Parti socialiste au pouvoir, un statut de tribun de la plèbe, rappelant constamment ses engagements au président socialiste. Mais la probable participation du Parti communiste au gouvernement limitera nécessairement l’intensité des critiques du leader du Front de gauche. Beaucoup dépendra alors des rapports entre Jean-Luc Mélenchon et les communistes à propos de la transformation du Front de gauche en un véritable parti politique. Pourra-t-il en prendre le contrôle total comme le fit François Mitterrand en 1971 sur le Parti socialiste ? Ce sera l’un des enjeux de l’après élections.
Par ailleurs, sans vouloir minimiser la poussée électorale du Front de Gauche, il faut cependant mettre en perspective les intentions de vote actuelles de Jean-Luc Mélenchon avec l’évolution du pourcentage des voix en faveur des candidats de la gauche non socialiste aux élections présidentielles précédentes. Aujourd’hui, l’ensemble des candidats de cette gauche totalise aux environs de 18% des suffrages. Cette proportion était de 11% en 2007 mais de 22% en 2002, 17% en 1995, 11% en 1988 et 21% en 1981. La véritable nouveauté consiste moins, au moins pour l’instant, en un véritable progrès de la gauche non socialiste qu’en la polarisation des électeurs proches de cette gauche sur un seul candidat. En effet, en prenant en compte également la candidate écologiste, les intentions de vote en faveur de Jean-Luc Mélenchon représentent plus de 80% de l’ensemble de celle-ci. Ici est la véritable nouveauté dont les conséquences pourraient être importantes.
Dès l’origine, le projet de Jean-Luc Mélenchon, en quittant le Parti socialiste, était de reproduire le modèle allemand de Die Linke, parti constitué à partir d’anciens du SPD, de l’ancien parti communiste est-allemand et des groupes d’extrême-gauche de l’ancienne Allemagne occidentale. Il s’agissait pour lui de réunir dans un seul parti toutes les forces à la gauche du PS afin de réoccuper l’espace occupé par le Parti communiste avant 1981. Le NPA a refusé la fusion avec le Front de gauche et cette erreur stratégique pourrait signifier la fin de l’extrême-gauche trotskiste en France. Jean-Luc Mélenchon est donc peut-être en train de réussir la fusion des électeurs des différentes extrêmes-gauches. Ce succès véritable demande cependant à être confirmé au premier tour de l’élection présidentielle puis après les élections. Jean-Luc Mélenchon réussira-t-il à l’avenir à stabiliser un électorat d’extrême-gauche significatif lui permettant de peser véritablement sur la vie politique ? C’est possible, mais pas certain compte-tenu de la forte volatilité de cet électorat. Mais de toutes manières, le mode de scrutin législatif actuel lui donne de toutes manière peu de chances de traduire cette poussée en nombre de sièges parlementaires. Il est donc probable que le Front de gauche demandera une modification du mode de scrutin. Encore faudrait-il être certain que le Parti communiste, qui conserve quelques fiefs, la souhaite vraiment.
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