Tony Blair et l'Europe de l'Est: la grande désillusion edit
La présidence britannique se termine par un compromis budgétaire dont les principaux bénéficiaires seront les nouveaux pays membres. Pourtant, elle restera aussi comme le début d'un désamour entre Londres et l'Europe de l'Est.
Il y a six mois, Tony Blair semblait avoir toutes les cartes en main pour réaliser son objectif : assurer le leadership européen vacant et, au passage, s'assurer le soutien des nouveaux venus dans l'Union. La France venait de se marginaliser avec l'échec du référendum, ce magnifique piège que le Premier ministre anglais avait tendu à Jacques Chirac en promettant lui-même une consultation avant de s'en trouver dispensé par le vote français. Quant à l'Allemagne, elle restait focalisée sur ses priorités internes dans un contexte économique et social difficile.
Tony Blair prononça le 23 juin au Parlement européen un discours flamboyant, combinant l'affirmation de ses convictions européennes avec un programme réformiste tourné vers les priorités du XXIe siècle. Le discours fut salué partout dans la " nouvelle Europe " comme seul remède plausible à la crise. L'Europe avait bien un " plan B " : c'était le plan Blair.
L'attrait de ce leadership britannique n'était pas seulement de circonstance. Il s'inscrivait dans un contexte où la méfiance des nouveaux membres envers le couple franco-allemand, moteur autoproclamé de l'UE, était à son comble : arrogance française pendant la guerre en Irak et spectre d'un axe " Paris-Berlin-Moscou " désinvolture des Français et des Allemands face à un Pacte de stabilité qu'ils avaient eux-mêmes inventé.
Les Européens de l'Est se reconnaissaient plus aisément dans la vision blairiste d'une Europe en quête de modernisation économique et d'ambition géopolitique, dont les élargissements présents et à venir étaient l'illustration : " l'Europe ne doit pas devenir un super-Etat, mais une superpuissance " déclarait Tony Blair à Varsovie il y a trois ans. A la Convention européenne, les nouveaux arrivants et notamment la Pologne s'alignaient sur les positions britanniques et rejetaient toute avancée sur l'Europe sociale ou fiscale. De même qu'en 1989 Mme Thatcher avait pu incarner à l'Est une vision alternative à l'étatisme communiste, Tony Blair illustrait quinze ans plus tard une approche nouvelle de l'Europe, appuyée sur un succès économique et politique.
Comment expliquer alors le retournement auquel on vient d'assister ? La stratégie risquée de Tony Blair, qui a couru plusieurs lièvres à la fois, lui a valu un succès à court terme mais l'a coupé de ses nouveaux alliés.
En militant à la fois pour une réforme la PAC et une réduction du budget de l'UE, ce qui pénalisait d'abord les nouveaux membres, il a réussi à favoriser un improbable rapprochement entre la France et la Pologne - un véritable exploit, vu l'acrimonie de leurs relations au cours de la dernière décennie. Certes, les Polonais n'étaient pas représentatifs du " bloc de l'Est " ce groupe de Visegrad que Tony Blair tenta de convaincre à Budapest le premier décembre. Les Tchèques et les Slovaques étaient prêts à accepter les propositions britanniques si les conditions de décaissement des fonds structurels étaient assouplies. Ils voulaient un accord maintenant, car à Bratislava comme à Prague les échéances électorales sont proches. Les Hongrois adoptèrent une position à mi-chemin entre l'intransigeance polonaise et la souplesse tchèque. Mais l'obsession du Premier ministre britannique à sauver son " chèque " a contribué à l'isoler de ses alliés, en révélant au passage la réalité de son ambition pour l'Europe.
Pour quelques milliards d'euros, Tony Blair a ainsi perdu sur tous les tableaux : sur le rabais que les médias britanniques lui font cher payer, sur la PAC que la France a préservée par sa défense de la " solidarité " avec les nouveaux membres de l'UE, et en Europe de l'Est où s'est volatilisé le soutien à son hypothétique leadership européen.
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