Commerce et environnement : que faire ? edit
L’adoption du programme 2012 du Parti socialiste a remis au goût du jour la question d’un nouveau protectionnisme européen : l’Europe devrait se doter de mesures pour éviter que ses entreprises soient pénalisées par des importations plus compétitives du simple fait qu’elles ne respectent pas les normes environnementales européennes. Si le diagnostic est simple, la mécanique juridique permettant d’atteindre cet objectif est moins évidente.
On peut bien évidemment s’en remettre à une négociation internationale mais il est aisé de souligner que les chances d’accords en la matière sont minces – même à moyen terme – puisqu’une telle approche n’est pas celle engagée par l’Union et que les résultats des négociations climatiques sont jusqu’ici plutôt limités. Or, il convient de rappeler que l’Union a déjà adopté des mesures unilatérales en matière de protection de l’environnement : attendre d’hypothétiques conclusions d’accords internationaux place l’Europe en position de faiblesse, d’autant plus que sa structure de production privilégie, notamment à l’exportation, des produits plus gourmands en énergie.
Quelles solutions sont alors envisageables ? On écartera d’emblée le retour aux droits de douanes traditionnels en violation des règles de l’Organisation mondiale du commerce. Les désavantages que représente une telle hypothèse pour une puissance exportatrice telle que l’Union sont clairs. Il faut ajouter que la probabilité de pouvoir convaincre l’ensemble des États membres du bien-fondé de mesures dans ce domaine dépend aussi de leur caractère plus ou moins « OMC-compatible ». La question est donc de savoir s’il est possible de concevoir un système de taxes environnementales applicables par l’Europe dans le respect des règles régissant le fonctionnement du marché intérieur et le commerce mondial.
On ne part pas de rien dans ce domaine et il peut être utile de rappeler que la protection de l’environnement est en effet une bonne raison pour ne pas respecter les règles « normales » du marché aussi bien pour le marché intérieur de l’Union européenne que pour le commerce international. Pour l’Union, la Cour de justice a dans de nombreuses affaires affirmé la légitimité de mesures contraires aux règles de la concurrence traditionnelles si ces mesures pouvaient s’appuyer sur des considérations environnementales objectives.
À cet égard, les règles de l’OMC ne sont pas très différentes : il s’agit de faire preuve de transparence et de ne pas faire de discrimination entre les produits selon leur provenance. Une taxe appliquée de façon indifférenciée aux produits importés et aux produits importés n’est pas un droit de douane. Il y a une double nécessité de motiver par des considérations sérieuses de telles taxes en précisant l’impact environnemental visé et en traitant de façon « égalitaire » tous les acteurs.
Dès lors, la règle d’or doit être qu’il ne peut être question de taxer un produit pour des « raisons environnementales » en se basant sur la seule considération que le produit traverse les frontières de l’Union mais il convient bien d’appliquer une taxe en utilisant les mêmes considérations environnementales pour tous les produits, qu’ils soient fabriqués ou importés en Europe.
Or l’Union sait déjà imposer des règles très contraignantes pour ce qui est produit à destination de son marché. Par exemple, elle interdit dans les appareils électroniques certaines substances dangereuses ou elle met en place le système REACH pour le contrôle des produits chimiques. Dès lors, sur ce modèle, on pourrait imaginer une agence de type REACH qui aurait pour fonction de « noter » les produits en fonction par exemple de leur empreinte carbone permettant d’attribuer un niveau de taxe carbone donné. En fonction de la note attribuée, une taxe s’appliquerait de la même façon aux produits importés et aux produits européens.
Certes, une telle approche n’est pas simple à mettre en œuvre sur le plan pratique – c’est l’objection principale faite à ce type de taxes – car il s’agit de déterminer, un contenu en CO2 par produit. Cependant, il faut remarquer que la mise en place à compter de 2013 des nouveaux quotas d’émissions de gaz à effet de serre par secteur repose sur une réflexion allant dans ce sens : le niveau adéquat de quotas suppose nécessaire une analyse fine des modes de production et de l’exposition du secteur à la concurrence internationale. Par ailleurs, on peut envisager une mise en place progressive du système en s’appuyant dans un premier temps sur des estimations des modes de production. Il faut également considérer que des progrès importants ont été fait dans le domaine de l’évaluation de l’empreinte écologique des produits et que cette problématique est d’ors et déjà abordée d’un point de vue technique avec la mise en place de standards internationaux tel que l’ISO 14000 et le développement de bases de données sur le cycle de vie des produits.
À l’instar des agences de notation financière qui pèsent sur l’ensemble de l’économie mondiale, la mise en place d’une agence européenne chargée de noter les produits en fonction de critères environnementaux pourrait imposer des modes de production durables à l’ensemble de la planète tout en permettant de respecter les règles de l’OMC. L’Europe trouverait ainsi l’occasion de manifester la seule capacité dont elle dispose de peser sur le monde : sa capacité à imposer des normes au reste du monde.
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