G20 : Sarkozy a marqué des points, la gouvernance mondiale aussi edit
Le G20 de Cannes a permis d’avancer sur bien des points, même si les résultats ne sont pas forcément spectaculaires. On revient de loin ! Au départ l’ambiance était morose. Un délégué rappelait que le travail des sherpas mercredi soir s’était trouvé entièrement dominé par l’annonce folle du référendum grec au pire moment possible. Une déléguée non-européenne pouvait ainsi dire : « Nous sommes devenus les spectateurs involontaires de la saga européenne – les Européens devraient se comporter de façon plus responsable et prendre conscience de l’impact immense de leurs actions sur le reste du monde. » Jeudi, on se demandait encore : le G20 a-t-il encore un sens ? Est-il devenu un immense théâtre grec ?
Mais à la fin du sommet, l’atmosphère avait totalement changé. Le président Sarkozy, visiblement très en forme et très à l’aise, fit l’exégèse du communiqué. Il exprimait une forte confiance, une parfaite connaissance des dossiers, et un humour corrosif. Quel contraste avec la conférence de presse du président Obama juste après ! Ce dernier ne répondit qu’à quatre questions de journalistes américains présélectionnés et se focalisa presque entièrement sur l’économie américaine et sur sa tension avec le Congrès américain au sujet de l’emploi. Après de courts commentaires sur la crise européenne, il esquiva entièrement les autres enjeux du G20 et se concentra, très crispé, sur les questions nationales. À sa sortie, le mécontentement et la déception dans la salle étaient grands.
Après tant d’incertitude, le G20 a-t-il rempli sa mission ? De façon presque surprenante, on peut identifier bon nombre de résultats importants pour la gouvernance mondiale et le futur du G20 lui-même. Force est de constater que les grandes puissances ont bougé sur plusieurs sujets et fait des compromis importants. Le président Obama a joué un rôle plus positif que prévu sur plusieurs sujets de régulation et gouvernance, même s’il n’a ensuite pas osé publiquement en revendiquer le crédit.
En premier lieu, sur le plan européen, l’intensité des débats avec le Premier ministre grec Papandreou et Silvio Berlusconi a permis de changer la donne dans le débat politique grec et de réduire le risque d’une illusion démocratique d’une troisième voie entre la sortie de l’euro et le plan d’austérité. Un nœud gordien a peut-être été tranché. De même, la promesse de l’Italie de se soumettre à la supervision du FMI et de la zone euro est un premier engagement crédible envers les marchés : reste à savoir s’il suffira. Il reste bien sûr du travail à faire sur le dossier du FESF : les chefs d’Etat européens doivent d’urgence continuer leur travail et rendre le fonds opérationnel. Mais au moins ce minimum de décisions ont-elles permis aux leaders du G20 de se concentrer sur leur véritable feuille de travail : la réforme des institutions de gouvernance et de régulation mondiales.
Sur ce plan, la Chine a fait des concessions au nom de la coordination globale. Le président Hu Jintao a même surpris ses interlocuteurs en parlant souvent sans notes et de façon bien plus directe que par le passé. La Chine a promis des efforts plus importants pour réduire son surplus commercial et l’accumulation de ses réserves et rééquilibrer son économie vers la consommation. La Chine a aussi promis plus de flexibilité dans son taux de change. Cet engagement est plus crédible que dans le passé du fait de la soumission des États du G20 au suivi collectif via le FMI.
Les pays du G20 ont également promis d’augmenter les ressources du FMI, tant pour soutenir le mécanisme européen que pour limiter les dommages dans les pays en développement se retrouvant touchés par la crise. Les détails seront discutés en février 2012, avec plusieurs options déjà évoquées.
Ensuite, le chantier des régulations financières a avancé fortement. Le Conseil de Stabilité Financière (Financial Stability Board, FSB) est doté d’une personnalité juridique et devient une véritable organisation mondiale de la finance, avec, a sa tête, Mark Carney (Canada), une personnalité compétente et crédible. Les 29 banques internationales de taille systémique sont nommées et soumises à plus de supervision. Chose très importante, le G20 s’engage à la régulation des marchés de produits dérivés, (à la fois les credit default swaps et les produits dérivés liés aux matières premières et agricoles). De même, le G20 a promis de serrer la visse sur onze paradis fiscaux refusant encore de coopérer. La Suisse et le Lichtenstein se retrouvent également dans le collimateur.
Sur le débat de la taxe « Robin des bois » ou taxe Tobin sur les transactions financières internationales, Nicolas Sarkozy a montré un fort leadership et obtenu le soutien fort de Bill Gates. Cela lui a permis d’obtenir le soutien de la moitié des pays du G20 (y compris le Brésil), même si Etats-Unis, Canada, et Royaume Uni restent fortement opposés. Le Japon a bougé un peu, retirant son opposition formelle et prenant une position ouverte proposant plus d’études. Le Japon reconnaît un fort intérêt en son sein parmi plusieurs acteurs importants. De même, la Chine ne soutient pas le projet aujourd’hui, mais les contacts informels indiquent que de nombreux conseillers du gouvernement sont en faveur. En somme, pour la première fois, la possibilité d’une taxe internationale sur les transactions financières devant ensuite aider à financer le développement et peut-être la mitigation du changement climatique a fait presque la moitié du chemin et est devenue un sujet sérieux de débat international. Nicolas Sarkozy a même souligné une compréhension sur l’esprit de ce projet auprès de Barack Obama.
Alors même que vendredi matin encore, la question des prochains pays hôtes semblait trop épineuse pour une décision. In fine, après le Mexique, c’est la Russie (2013), l’Australie (2014) et la Turquie (2015) qui sont sorties du chapeau. Plus encore, le G20 a institutionnalisé le principe de chapitres régionaux en laissant les quatre pays de l’Asie de l’Est (Chine, Japon, Corée, et Indonésie) choisir entre eux l’hôte de 2016. Cela pourrait bien accélérer le régionalisme en Asie.
Le G20 de Cannes est finalement un pari en partie gagné pour la présidence française. Il figurera avec le G20 de Londres et celui de Séoul comme des G20 qui ont su faire avancer l’agenda de la gouvernance mondiale et du rééquilibrage entre marchés globaux et cette gouvernance. Le problème, bien sûr, est qu’il a eu lieu au beau milieu de la grave crise de l’euro et que cette crise continue de prendre de l’ampleur.
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