Borloo fera-t-il mieux que Bayrou ? edit
La fondation d’un nouveau parti de centre-droit, l’UDI, sonne d’abord comme un échec, au moins relatif, pour l’UMP. La création de celle-ci en 2002 avait pour objet, en rassemblant toute la droite de gouvernement dans un même parti, de mettre fin à la concurrence destructrice entre UDF et RPR qui avait largement contribué à l’élection puis la réélection de François Mitterrand à la présidence de la République. Or les gaullistes n’ont pas été capables d’intégrer réellement les autres composantes de la droite modérée et du centre dans la formation née en 2002. Jean-Louis Borloo et ses partisans ont donc décidé d’effacer dix ans d’histoire de la droite et de revenir à l’avant 2002. En bref ils recréent l’UDF estimant que la droite modérée doit ré-adopter une structure partisane plurielle. Sans insister ici sur les motifs, dont certains légitimes, qui peuvent avoir poussé les centristes à ce rétropédalage historique, ce qui frappe dans cette tentative de faire renaître l’UDF de ses cendres, c’est l’absence d’analyse sur les raisons pour lesquelles la nième tentative de faire vivre un parti centriste sous la Ve République réussirait mieux que les précédentes.
Une telle entreprise n’aurait de sens, au moins du point de vue de la logique de la lutte politique, que si l’UDI avait des chances réelles de prendre la place de l’UMP comme parti dominant de la droite. Or un tel objectif paraît hors de portée, sauf à croire que les tensions qui traversent aujourd’hui l’UMP soient de nature à provoquer à terme son éclatement. Certes, les centristes semblent espérer que la question du rapport de l’UMP avec le FN sera le catalyseur de cet éclatement. Cependant, si une telle hypothèse ne peut être totalement exclue, elle n’est pas la plus probable.
En outre, l’UMP est devenue, comme le PS, un grand parti présidentiel, s’apprêtant désormais à choisir son candidat présidentiel au moyen d’une élection primaire ouverte. Or, l’UDI n’a pas les moyens d’organiser ce type d’élection pour elle-même. En outre, l’UMP dispose de la grande majorité des élus locaux et nationaux de droite et elle comprend encore une partie des centristes et des radicaux qui l’avaient portée sur les fonds baptismaux. Sa disparition ou même son affaiblissement notable, alors qu’elle est aujourd’hui dans l’opposition, n’est pas la plus grande probabilité.
Surtout, l’UMP avait été créée d’abord pour supprimer les effets dommageables de la concurrence au sein de la droite modérée à l’élection présidentielle. Il y avait donc une raison très forte qui poussait à cette création. Bien que le régime de la Ve République soit en réalité un régime parlementaire, certes d’une espèce très particulière, son évolution depuis l’origine, notamment avec le quinquennat puis la primaire ouverte socialiste, a confirmé et même accru la centralité de l’élection présidentielle. La logique de la création de l’UDI implique donc sa participation à cette élection en concurrence avec l’UMP. Sa réussite repose sur l’idée que le candidat de l’UDI arrivera devant le candidat de l’UMP au premier tour de cette élection. Une telle hypothèse est très hasardeuse, tant ce nouveau parti, qu’il s’agisse de ses élus, de ses leaders, de son organisation, quelle que soit la popularité de Jean-Louis Borloo, souffre d’un réel handicap par rapport à son concurrent.
En outre et surtout, la droite est aujourd’hui divisée en trois éléments dont le troisième, le Front national, ne sera pas marginalisé de sitôt. Dans ces conditions, une bataille nécessairement fratricide au premier tour de la prochaine élection présidentielle entre l’UMP et l’UDI peut avoir une conséquence désastreuse pour la droite modérée. En effet, si le candidat de l’UDI fait un bon score, même sans devancer celui de l’UMP, la droite modérée pourrait être éliminée au premier tour au profit des candidats du PS et du FN. Et aux élections législatives, le même phénomène pourrait se reproduire dans un grand nombre de circonscriptions. L’UDI s’est ainsi lancée dans une entreprise particulièrement risquée.
Deux décisions seulement pourraient justifier politiquement la nouvelle stratégie centriste. La première concerne l’élection présidentielle. Elle consisterait pour l’UDI et l’UMP à organiser ensemble une primaire de la droite modérée. Celle-ci n’aurait qu’un candidat au premier tour de l’élection présidentielle, évitant ainsi le risque lourd de faire de ce premier tour la primaire de cette droite. L’UMP accepterait-elle une telle stratégie si l’UDI la lui proposait ? La seconde décision serait l’établissement du scrutin proportionnel intégral pour les élections législatives. Mais une telle décision dépend des deux grands partis, qui n’ont pas de raison forte de la prendre sauf à renoncer au clivage gauche/droite et à jouer l’alliance conjoncturelle des grands partis de gouvernement pour sortir le pays de la crise. Ainsi la réussite du pari de la fondation de l’UDI repose en réalité sur des décisions qui ne dépendent pas d’elle.
Enfin, les deux partis de la droite modérée sont encore plus proches, du point de vue idéologique et de leur électorat, qu’avant 2002. Le clivage le plus important aujourd’hui à droite est celui de l’attitude à adopter à l’égard de l’électorat du Front national. Or, ce clivage, comme la primaire de l’UMP pour la désignation de son président le montre clairement, passe à l’intérieur de l’UMP et non pas entre les deux partis. De plus, l’UDI ne peut tendre à l’extrême ses rapports avec l’UMP pour deux raisons. La première est que son avenir dépend de son alliance avec ce parti. Dans combien de circonscriptions législatives, en effet, les candidats de l’UDI pourraient-ils devancer ceux de l’UMP ? La seconde est que la plupart de ses leaders ont gouverné avec Nicolas Sarkozy et qu’il lui sera donc difficile de se présenter comme une alternative réelle à l’UMP alors que celle-ci apparaîtra nécessairement après un quinquennat socialiste comme l’opposition la mieux placée pour réaliser une nouvelle alternance.
Le plus sage pour les deux partis, une fois le président de l’UMP élu, serait donc qu’ils reprennent le chemin des discussions, trouvent un modus vivendi et adoptent une stratégie commune. Le problème est que la logique politique de la création de l’UDI peut paraître en contradiction avec l’adoption d’une telle attitude.
La création de l’UMP reposait sur une lecture de la logique politique du régime de la Ve République. Il faudrait que le nouveau parti centriste soit capable de démontrer que cette lecture était fausse avant de refaire l’UDF à l’identique.
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