Misère électorale en Roumanie edit
On savait déjà que la Roumanie n’allait pas bien sur le plan économique. Le FMI a gelé en novembre le versement d’une première tranche d’aide de 1,5 milliard d’euros, pourtant essentielle à un pays dont le PIB devrait fondre de 8% cette année. Après les élections présidentielles, on a la confirmation que la situation politique n’est guère plus brillante. Ce n’est probablement pas une simple coïncidence.
Au terme du scrutin, la Roumanie semble avoir raté son rendez-vous avec l’histoire. L’actuel président Traian Basescu, issu du parti démocrate-libéral (centre-droit), a été réélu de justesse avec 50,3% des voix contre 49,7% à son rival Mircea Geoana, le leader du parti social-démocrate (ex-communiste). Il y a certes eu un vainqueur officiel, mais celui-ci manque de légitimité démocratique et de majorité parlementaire pour gouverner. En effet, l’écart qui sépare les deux candidats est très faible et des soupçons de fraude électorale massive pèsent sur le scrutin. Mircea Geoana et son parti refusent d’ailleurs d’admettre la défaite et affirment détenir les preuves des irrégularités commises. Une demande d’annulation du second tour de l’élection présidentielle a été déposée par le parti de M. Geoana auprès de la Cour Constitutionnelle, qui a ordonné le recompte des quelque 120 000 bulletins nuls. Parallèlement, une contestation des résultats auprès du Bureau Electoral Central a été introduite. Les vingt observateurs de l’OSCE ont dressé un bilan en demi-teinte de ces élections qui se sont déroulées de manière « généralement conforme aux standards, malgré des irrégularités signalées » qui devraient faire l’objet d’enquêtes sans délai.
Il convient dès lors de s’interroger sur les circonstances de la réélection de M. Basescu. Distancé dans les sondages pré-électoraux, donné vaincu par trois des quatre sondages de sortie des urnes, disposant de peu de réserves de voix par rapport à son adversaire, il a néanmoins réussi à retourner la situation et gagner. La diaspora roumaine lui aurait permis de s’imposer en votant pour lui à 75%. C’est un score qui mérite réflexion. La question des irrégularités est très sérieuse car elle porte atteinte aux bases démocratiques et à la notion même d’Etat de droit dans un pays membre de l’Union européenne. Elle ne concerne pas uniquement le parti de Traian Basescu, mais aussi celui de son adversaire.
Ce n’est pas un phénomène nouveau en Roumanie puisque chaque élection depuis la chute du communisme a connu son lot d’irrégularités. Seulement aujourd’hui le constat est sans appel car il symbolise le retard qu’à pris la Roumanie sur le chemin de l’apprentissage démocratique. L’enjeu n’est pas uniquement lié à la Roumanie et sa situation interne. Il est aussi liée à l’image de l’UE et sa légitimité externe en matière de démocratie, lorsqu’elle se trouve dans l’impossibilité de s’assurer que des élections propres ont lieu dans la totalité de ses Etats-membres.
Traian Basescu a été mal élu. Mais il n’a pas non plus la majorité pour former un gouvernement stable. Deux solutions s’offrent à lui : organiser des élections anticipées ou trouver un partenaire politique pour gouverner. La première option semble exclue car elle engendre un coût économique important pour une issue incertaine. Il reste à trouver un partenaire de gouvernement. Or, durant le premier mandat, Traian Basescu a déjà gouverné avec les deux autres grands partis roumains que sont les sociaux-démocrates de Mircea Geoana et les libéraux de Crin Antonescu. L’expérience s’est toujours mal finie. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces deux partis, que tout oppose en apparence ont soutenu ensemble la candidature de M. Geoana au second tour de l’élection présidentielle. La situation est sérieuse parce que la Roumanie se trouve de facto dans une situation de cohabitation politique avec un président dont le parti est minoritaire au Parlement où les sociaux-démocrates et les libéraux détiennent la majorité.
Malgré cette situation, M. Basescu continue à espérer un éventuel ralliement d’au moins une partie des libéraux. Il faut dire que ceux-ci sont divisés entre les partisans de l’ancien Premier ministre Tariceanu, favorables à un éventuel ralliement, et ceux de Crin Antonescu, candidat libéral à la présidentielle ayant obtenu plus de 20% de voix, pour qui gouverner avec M. Basescu ne semble pas envisageable. Même si celui-ci parvient à former un gouvernement, au terme des négociations ardues, il y a fort à parier que celui-ci ne sera pas stable, vu la majorité précaire qui est derrière lui.
Pour sortir de cette misère électorale, la Roumanie a besoin d’éradiquer la pauvreté et la précarité qui subsiste encore dans beaucoup de régions et qui permet la fraude électorale à travers l’achat des voix. La Roumanie a aussi besoin d’une vision à long terme de son avenir ainsi que d’une classe politique plus responsable à l’égard de l’intérêt général. La réalisation de ces enjeux est d’autant plus importante que la Roumanie veut assumer un rôle de leader dans l’espace pont-euxin, région dont la stabilité est essentielle dans le voisinage de l’Union européenne.
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