La victoire de la gauche et du bipartisme edit
La nette victoire socialiste aux élections municipales et cantonales représente plus qu’un rééquilibrage du rapport gauche/droite en faveur de la gauche. Par delà cette victoire se dégage un second enseignement : l'entrée de la vie politique française dans une logique bipartite forte illustrée par l’échec spectaculaire du Modem.
Les élections locales sont souvent l’occasion pour les citoyens d’exprimer leur mécontentement à l’égard du pouvoir en place mais ce qui frappe cette fois-ci, c’est la rapidité et la brutalité du retournement de l’opinion. Une victoire locale ne présage pas nécessairement une victoire nationale ultérieure, comme la suite des scrutins de 2004 et 2007 l’a montré. Mais la droite, moins d’un an après ses victoires de 2007, paraît fragilisée et vulnérable.
Ce retournement de l’opinion, pour important et frappant qu’il soit, n’est cependant pas la seule leçon à tirer de ces élections. Au delà de l’inversion du rapport des forces gauche/droite, les scrutins de 2008 confirment les principales tendances qui caractérisent le nouveau cycle électoral amorcé en 2002 et clairement ouvert en 2007. L’analyse de leurs résultats permettent ainsi de compléter notre perception du paysage politique français actuel.
Les scrutins de 2007 avaient finalement assuré la résistance victorieuse de la bipolarisation face à l’offensive, un moment dangereuse pour elle, de François Bayrou. Les scrutins de 2008 ont confirmé la force de cette résistance. La défaite du leader du Modem à Pau symbolise l’échec d’une stratégie qui avait pour objectif de mettre fin à la structuration du système partisan autour du clivage gauche/droite. Le Modem n’a quasiment plus de positions locales. Il n’a pas pu jouer le rôle d’arbitre qu’il ambitionnait. Il est sans forces notables et sans perspectives politiques claires. Il apparaît davantage comme une force résiduelle que comme une force d’avenir. Il n’a pas pu briser le moule de la politique française.
Les scrutins de 2007 avaient également montré une forte tendance au bipartisme. La fin de l’UDF, la marginalisation du FN à droite, la faiblesse des Verts, des communistes et de l’extrême-gauche à gauche faisaient de l’UMP et du PS les deux seuls grands partis français. Les scrutins de 2008 confirment cette tendance. A droite, la marginalisation du FN s’est poursuivie et le Nouveau Centre, malgré quelques succès, apparaît toujours comme un appendice de l’UMP. La fin de l’UDF a donné un espace à celle-ci qui, désormais, au niveau local comme au niveau national, représente l’essentiel des forces de la droite. Sur 627 communes de plus de 15000 habitants, selon la statistique du journal Le Monde, l’UMP en détient désormais 209, les divers droite 37 et le Nouveau Centre 11. Le Modem, lui, en détient 15. A gauche, si les communistes ont à peu près maintenu leurs positions, les Verts n’ont pu concurrencer fortement presque nulle part le Parti socialiste. Quant à l’extrême-gauche, malgré certains scores significatifs dans les grandes villes, elle demeure faible et fragmentée. Le Parti socialiste dirige désormais 250 communes de plus de 15 000 habitants contre 47 au Parti communiste, 4 aux Verts et 32 aux Divers Gauche. Ainsi, à eux deux, les deux grands partis dirigent près des trois quarts de ces communes importantes et la quasi totalité des plus grandes d’entre elles. La tendance au bipartisme, forte au niveau national, semble ainsi s’affirmer aussi au niveau local, confirmant ainsi l’importance du réalignement électoral de 2007.
Enfin, les élections de 2007, et particulièrement le second tour de l’élection présidentielle, avaient montré les progrès de la gauche dans les grandes villes. Ségolène Royal avait devancé Nicolas Sarkozy dans un grand nombre d’entre elles, notamment Toulouse, Amiens, Rouen, Caen, Saint-Etienne, Angoulème, Périgueux, Brive, Blois, Laval, Quimper, toutes villes gagnées par le Parti socialiste à ces élections municipales.
Ainsi les deux grands partis apparaissent à l’issue de cette séquence électorale 2007-2008 avec des forces et des faiblesses inverses. L’UMP s’est révélée nettement supérieure à son adversaire socialiste aux scrutins nationaux, qu’il s’agisse du leader, du programme, de la campagne ou du lien entre le candidat et son parti. Sa victoire a été nette, créant un doute sur la capacité du Parti socialiste a revenir rapidement au pouvoir. D’après les sondages d’opinion, la crédibilité présidentielle et gouvernementale de ce parti est en progrès mais elle demeure encore insuffisante. A cette faiblesse nationale du Parti socialiste répond la faiblesse locale de son principal adversaire. La création de l’UMP, entraînant la mort de l’UDF, et la résistance opiniâtre de François Bayrou ont eu un coût. Non pas que cette création ait constitué une erreur politique. Mais la diversité de la droite française, l’ancienneté de ses différentes traditions, sa réticence historique à l’organisation partisane, la disparition enfin d’une structure de centre-droit obligeaient le nouveau parti à accomplir un gros travail d’intégration et de renforcement. Ce travail reste largement à faire comme l’ont montré les élections récentes. L’UMP a réussi à marginaliser le Front national mais elle a souvent échoué à occuper le centre. Beaucoup des villes conquises par le parti socialiste avaient été des fiefs du centre droit plutôt que du RPR. L’UMP est bien désormais le parti dominant à droite, mais il a montré sa difficulté à couvrir tout l’espace du centre à l’extrême-droite dans un grand nombre de villes.
Dans ces conditions le PS doit se donner un véritable leader et un programme crédible de gouvernement. Il doit aussi réfléchir à ses alliances au niveau national. Mais sur le terrain il est plus fort que jamais dans les communes, les départements et les régions. A l’inverse, l’UMP a su conquérir aisément le pouvoir national l’an dernier mais elle s’est révélée au niveau local un parti encore fragile, manquant d’équipes nouvelles nombreuses et de qualité, comparé au Parti socialiste.
Aucun de ces deux partis ne peut sans danger se satisfaire de sa situation présente. Contrairement au contenu de certains commentaires, un parti ne peut demeurer très longtemps un grand parti local s’il n’est pas un grand parti national, comme l’ont montré jadis le Parti radical et plus près de nous le Parti communiste. Le Parti socialiste doit donc reconquérir une crédibilité nationale. Inversement un parti ne peut devenir ou demeurer longtemps un grand parti national s’il n’a pas de bases locales solides. Ainsi, l’échec local du Modem ne peut que rendre plus difficile encore le développement de ce parti au niveau national. En réalité seuls aujourd’hui le PS et l’UMP sont à la fois des grands partis nationaux et locaux. Ils s’affrontent nécessairement à ces deux niveaux. Ils ne peuvent sans danger négliger l’un ou l’autre.
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